Le jour de mes 7 ans, il y a eu un discours, et ce discours, ce ne sont pas des larmes de bonheur qui ont coulé. Ma mère m'a attrapée dans ses bras, a plongé son visage dans mes cheveux noirs, et j'ai senti un souffle glacé s'échapper de son corps. Il y a des mots que l'on n'oublie jamais : « surveillance, degré de loyauté, statuts, missions communautaires, généralisation...etc » ; Vous vous n'y comprenez rien, nous nous plus, et c'est cette ambivalence qui a semé la terreur. Nous étions capables d'adorer le Nouveau Régime pour ses prouesses comme nous étions capables de la haïr pour ce qu'il se préparait. Mais nous ne pouvions lui en vouloir, après tout ce qu'il avait fait pour nous. Il a réparé nos cœurs et nos âmes de 100 ans de souffrance, il faut bien remettre de l'ordre.
Grand-père n'y croyait pas, à cet ordre, alors il était régulièrement fâché et régulièrement absent. Mais il ne cessait de me répéter cette phrase « Na n'oublie pas d'où tu viens ». Peut-être que c'est grâce à lui que je vivrai un peu plus longtemps. Le leader a commencé ce qu'il appelle « La Course au Bonheur et à la Justesse ». Il veut juste notre bonheur, cette question que les Hommes s'entêtent à répondre depuis des millénaires. Lui, tel l'élu a décidé d'y répondre et cela passe par des sacrifices. La Guerre Juste est devenue une marche pour arriver au bonheur, d'après lui. Nous nous abreuvons de cette question.
Mon enfance a été calme, rythmée par l'école et mon statut en son sein, et les missions communautaires. À l'école, j'étais mauvaise, assise donc au fond de la classe et ma copie toujours rendue en premier. À la maison, j'étais loyale, j'aimais plus que tout le Nouveau Régime, nous avions à manger, à boire, l'électricité, un logement et quelques à côté Comme tous les enfants de mon âge, je m'activais donc à faire augmenter les points de mon statut. Nettoyer, rendre service, donner des cours, réciter des poèmes de gloire...etc, tout était devenu bon pour être meilleur que le voisin. Nous étions à la fois unis et divisés. Maman était infirmière, un statut très respecté et valorisé, et d'ailleurs, les hôpitaux n'étaient plus bondés les trois premières années. Papa s'était engagé dans le marché noir, du moins, l'idée d'un marché noir, en réalité, lui aussi était une invention pour donner un semblant de liberté. Je savais au fond, que même les insectes pouvaient juger et rapporter de mon comportement. Fin... Ce qu'il restait des insectes, la campagne avait disparu depuis longtemps, laissant place à l'agriculture de synthèse et l'élevage en batterie, le but ? Nourrir les 10 milliards d'habitants comme des enfants pourris gâtés. Et ça a marché, qui pouvait critiquer le Nouveau Régime ? Bon, quelqu'un, Grand-père. Grand-père a haï dès les premières secondes cette voix robotique, j'avais même interdiction d'en parler lorsqu'il était là. Il y en a d'autres qui ont plongé corps et âme dans le creux des bras de cette politique : Mon frère. Mon frère de cinq ans de plus que moi, dès ses 10 ans, il n'avait qu'une seule idée en tête : rentrer dans l'armée. L'armée, le statut le plus haut et qui offre des privilèges d'élite sociaux. Et il s'est battu pour ça jusqu'à même me piétiner sur son passage. Il ne m'a jamais aimée. Je le sais. On ne côtoie jamais les statuts inférieurs même au sein de la famille.
Chacun a commencé à chercher le Bonheur des Hommes.
Une enfant mauvaise à l'école est une plaie pour la famille, cela fait nécessairement baisser le statut. Et même les voisins le savent. Dans une ville, tous les points sont additionnés, plus c'est haut, plus il y a de nourriture, d'eau, de libertés et moi, j'étais ce fardeau de plomb. Il n'y avait plus seulement les insectes qui me surveillaient, mais les gens eux-mêmes. Et ces gens, je les ai aimés comme détestés. Toute notre vie était basée sur ces deux dualités. Nous étions plongés dans une violence telle que tout était devenu normal, routinier, et à côté des cadavres aux yeux dévorés, nous avions des festins chaque soir. C'est à mes 7 ans que tout a basculé pour moi. Je n'ai que très peu de souvenirs de famille, à quoi ça sert ? Tout est calculé. Maman m'aimait parce que si une mère aime et s'occupe de son enfant, c'est 800 points, 800 points c'est 300 euros en plus sur le salaire. Démesuré, tout était démesuré. Mon frère me tolérait, car tolérer sa fratrie sans se mélanger c'est 150 points, et c'est mettre un premier pas dans les hauts statuts sociaux , il n'a jamais rien aimé, ni même ma mère, mon frère, son père, personne. Mon père aimait le marché noir, car ça lui rappelait lorsqu'il pouvait encore gérer sa propre entreprise. L'autoentreprise avait été abolie depuis longtemps, portée bouc-émissaire des burn-out, de l'économie fatiguée et donc, nous ne pouvions plus que travailler pour des boss. Ces boss, c'est pas n'importe qui, avec leurs points, ils ont la capacité de dominer et de grimper l'échelle sociale.
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T1 - Homo Sapiens Sapiens - Destruction et Prémices
Science FictionNa rencontre Laskar et Laskar rencontre Na. Cette rencontre entre une petite fille et une créature de laboratoire ne peut que mal se finir. Dans un monde rongé par l'utopie du Nouveau Régime, Na se retrouve propulsée seule dans les rues moites de la...