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Une légende urbaine circule dans la clinique. Elle dit qu'on peut demander aux infirmier•ères un tuyau de douche avec un pommeau. Il y en aurait un par service.
Je n'y crois pas. J'ai bien inspecté le genre de pulvérisateur qu'on a dans la douche et je doute qu'on puisse y accrocher quoi que ce soit.
Mais je crois qu'on a besoin de cet espoir réconfortant. De se dire qu'on pourrait prendre une douche comme les personnes valides. Sans la menace de s'étrangler avec le tuyau (vestige de l'inventivité humaine pour se faire du mal). C'est aussi un rappel qu'on pourra reprendre notre vie d'avant et que ça sera drachement mieux. Quand on sera libres.



Ce qui n'est pas libre, en revanche, c'est mon cœur. Tu l'as fait captif. Chaque fois que je regarde ce bouquet (rouge et bleu), je fonds un peu plus, tombe un peu plus amoureuse. Bouffée empoisonnée de ta présence dans ma vie. Je suffoque pas, je sors mon téléphone et t'envoie un message.
J'ai même plus envie de date (peut-être que ça reviendra). Mais entre toi et ma copine, pour l'instant, je cherche plus à remplir mon cœur. Sorte de satisfaction amoureuse.C'est si intensément doux, une caresse interne le long de mon ventre.
Et pouvoir partager mes moments de joie, c'est si libérateur !
Je profite de la NRE, plonge dedans avec délice.

Je me suis rendu compte que je sais pas m'occuper d'un bouquet. Il n'est pas trop tard, à 26 ans, de savoir qu'il faut un peu d'eau mais pas trop et effectivement l'enlever du papier. Je savais mais j'avais des doutes.
J'aurais aimé savoir ça plus tôt.
Comme j'aurais aimé découvrir plus tôt mon corps et ses limites, pouvoir l'explorer avec conscience.
C'est aussi ça, être trans.
Ne pas se préoccuper de son corps. Jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

De ce jour sans ailes - un carnet de clinique psychiatriqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant