Chapitre 2

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Dix-huit heures précises : rendez-vous hebdomadaire chez le psychologue. Je poussai la porte du cabinet avec un nœud à l'estomac. Cette routine durait depuis six mois. L'infirmière scolaire avait insisté pour que je consulte un psychologue après un petit incident qui avait « perturbé l'atmosphère paisible du lycée » selon ses mots.

À vrai dire, la farce que ma cousine Anna et moi avions jouée à Amber avait pris des proportions inattendues. Peut-être avions-nous exagéré un peu... J'avais enduit mon visage de ketchup, subtilisé à la cantine, avant de m'étendre de tout mon long au beau milieu du parking du lycée. Anna avait ensuite convaincu les deux filles les moins perspicaces de l'établissement d'alerter les surveillants, déclenchant ainsi une réaction en chaîne impliquant l'infirmière et le directeur. J'avais reçu tellement de retenues que le mercredi n'existait plus dans mon agenda. En parlant d'heures de colle, cette diabolique Mme Anderson avait pris un malin plaisir à remplir le reste de mon emploi du temps avec encore plus de punitions, suite à l'incident de la piscine. J'aurais dû être reconnaissante de ne pas avoir été renvoyée, mais au lieu de cela, je me retrouvais à chaque séance chez le psychologue, confrontée aux répercussions de mes plaisanteries.

J'entrai dans la salle d'attente habituellement déserte à cette heure-ci, lorsque je notai interdite la présence d'un type avachi sur ma chaise habituelle. La salle d'attente était un espace éclairé par une lumière tamisée, orné de murs d'un beige apaisant. Des fauteuils confortables étaient disposés le long des murs, recouverts d'un tissu aux motifs géométriques bleu pâle. Une petite table basse en bois foncé était au centre de la pièce, agrémentée de magazines et de quelques fleurs fraîches dans un vase en cristal.

Le type en question était vêtu de noir de la tête aux pieds, ce qui accentuait sa présence mystérieuse. Ses cheveux bruns et ébouriffés lui tombaient sur le front, donnant l'impression qu'il ignorait l'existence des peignes. Il avait le menton carré et des sourcils broussailleux qui ajoutaient à son charme ténébreux. Un piercing en forme de pierre bleue brillait à son oreille gauche, ajoutant une touche d'éclat à son apparence sombre. Mais ce qui m'étonna, c'était le fait qu'il est pieds nus. Je le regardais incrédule, mais celui-ci n'avait pas remarqué ma présence ; il feuilletait une revue avec une femme nue en couverture, tournant les pages avec un mélange de nonchalance et de provocation. Je frôlai le malaise.

Génial ! Un pervers chez le psychologue !

Irritée, je m'éclaircis la gorge. Le type releva la tête de sa revue et esquissa un sourire de voyou. Son visage familier, d'une beauté presque surnaturelle me frappa. C'était le type qui m'avait fixé à la piscine toute à l'heure ! Ses yeux étaient d'un gris profond, hypnotisant, comme s'ils renfermaient des secrets insondables. J'en perdis mon sang-froid, et me mis à bredouiller comme une gamine de dix ans :

— Tu...tu...tu es à ma place.

Il me regarda de haut en bas d'un air enjôleur, sans visiblement prêter attention à ce que je disais. Je me sentis presque aussi nue que la femme sur la revue. À en juger par son sourire diabolique, je compris que je rougissais.

— Pardon, trésor ?

Malgré sa beauté indéniable, il dégageait également une aura de danger, comme si un côté néfaste et envoûtant se cachait derrière son charme ravageur. C'était comme si une part de moi était à la fois attirée et effrayée par sa présence. Alors que nos regards se croisaient, un échange silencieux s'installa entre nous. Je me sentais à la fois troublée et déterminée à ne pas me laisser intimider par ce grossier personnage. Finalement, je brisai le silence, décidée à reprendre le contrôle de la situation :

— Je disais, repris-je d'une voix plus assurée ôte tes fesses de ma fichue chaise !

Le temps d'une seconde, une once de choc passa dans ses yeux.

Les Mers Invisibles (INSCRIT AU CONCOURS FYCTIA)Where stories live. Discover now