Le petit fantôme aux pieds nus

Super moi!

A partir de ce moment, l'école devint mon seul point de repère fixe. Ses horaires, ses règles et rituels organisaient un peu mon esprit perdu. J'aimais leur inébranlable constance, cela était rassurant. Ce cadre lourd et immobile me permettait d'avancer. Je me raccrochais autant que possible à cette branche. Je sentais bien qu'il y avait là un radeau, un canot de sauvetage pour éviter l'écueil. Je faisais beaucoup d'efforts mais, je ne sais comment l'expliquer autrement, je crois que le choc du départ de mon père m'avait causé des troubles. Pendant quelques temps, il m'arrivait régulièrement d'avoir ce que j'appelais des sortes de « visions ». Pendant de très brefs instants, j'avais l'impression de revivre une situation en tout point conforme à un souvenir... comme si je l'avais déjà vécu, et que ce moment recommençait. Au début, cela m'effrayait. Puis, j'eu la sensation d'être extraordinaire. UNE SUPER-MOI ! Comme cela était bon de croire que j'avais le super pouvoir d'anticiper l'avenir, comme les super héros, une sorte de médium... J'attendais avec impatience le moment où cela allait se produire. Et cela se produisait, presque chaque jour... Je n'eus pas envie d'en parler. D'abord parce que j'avais peur que l'on me pense folle, qu'on ne me croit pas, qu'on s'inquiète -ou pire encore- qu'on minimise ce qui m'arrivait ! Je préférais garder jalousement cela comme un secret. Ces « visions », dont j'appris plus tard qu'il s'agissait apparemment d'une très brève déconnection du cerveau, m'aidaient à trouver la vie encore merveilleuse. Chacun de ses moments aussi banals fussent-ils, devenaient magiques. Et puis, ils avaient l'avantage de me faire penser à autre chose qu'à mon père. Le problème était que cela pouvait m'arriver à n'importe quel moment, y compris en classe. Moi qui avais déjà toutes les peines du monde à rester connectée à la maitresse et à ses exercices...

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