Chapitre 42

1.3K 334 1
                                    

Six mois plus tard.

Je suis en pleine réunion de stratégie, les terres neutres ne le sont plus. Des rebelles s'emparent des villes une à une. Certaines milices appartiennent aux terres colonisées et d'autres aux rebelles et au milieu de tout cela, des civils se meurent. Nous ne pouvons plus rester les mains croisées. Zain n'en dort plus la nuit. Certaines fois, je me réveille seule dans le lit, je le trouve isolé dans le jardin pour observer le ciel. La dirigeante prend la parole.

— C'est à contrecœur que j'ai prise cette décision, mais nous devons mettre un terme à ce conflit.

Zain ne baisse pas le regard, il est déjà au courant. Il connaît ma position, je ne veux pas y participer, quitter notre confort. Ma vie avec lui me suffit amplement.

— Général Zain, je vous laisse la parole.
Je pose mes yeux sur lui, surprise.

— Nous partons dans deux jours. J'ai préparé plusieurs escadrons depuis des semaines. Nous sommes prêts.

Je me lève, blessée, qu'il ait fait tout ça derrière mon dos, je sens son regard sur moi. Je claque la porte. Je rentre chez moi, je tourne en rond, ma colère ne redescend pas, j'entends la porte s'ouvrir. Je l'ignore et je regagne ma chambre. Il me suit, je regagne la fenêtre, je suis pensive.

— Tessa, je...
— La ferme Zain ! Comment as-tu pu autant me mentir !
— Je ne voulais pas te mêler à ça.
— Tu comptais m'en parler le jour du départ.
— Non, j'ai essayé, mais tu étais trop investi dans cette nouvelle vie.
— J'étais trop investie ? Tu comptes aller te faire tuer ?
— Je suis un soldat !
— Tu es son fils ! S'il met la main sur toi ! Il te le fera regretter.
— Ça n'arrivera pas !

Je mets un terme à la conversation. Je referme la porte dans le jardin et m'isole. Quelques minutes plus tard, je le trouve en pleine préparation de ses affaires, j'ai le cœur meurtrier. J'appréhende son départ, je serai seule, il est mon repère dans cette nouvelle vie.
Je me mets à cuisiner comme si de rien n'était, j'essaye d'occulter cette journée, qui remet en cause mes choix de vie. Il s'approche de moi et m'entoure la taille de ses bras.

— Je reviendrai.
Je hoche négativement la tête.

Il ne reviendra pas, je le sens au plus profond de moi, comme une intuition. Cette pensée, loin de lui, est une déchirure. Mon cœur se brise. Je sens ses lèvres se poser sur la base de mon cou, je profite de ses caresses, car je le sais, il ne reviendra pas. Je passe la nuit à retracer les courbes de son visage, de son corps, de ses lèvres. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, par peur de rater son départ.

On rejoint la base, son régiment est prêt à partir, Zain m'isole dans un coin de la base, il me prend dans ses bras, hume mon odeur et m'inonde de baisers.

— Je veux venir avec toi ! Je suis aussi un soldat !
— Non, Tessa, je ne veux pas te voir prendre ce risque. Ils auront besoin de toi.

C'est le moment du départ, il me prend dans ses bras une dernière fois et se dirige vers sa voiture militaire. Il monte et pose un dernier regard sur moi. Je tente de cacher ma tristesse. Je veux qu'il se souvienne de moi, forte et souriante.
Sa voiture démarre, cette fois plus de retour en arrière, non, il ne reviendra pas.
Je rejoins le bureau stratégique de la dirigeante de la ville. Elle comprend ma tristesse, mais elle a foi au professionnalisme de Zain.

— Nous aurons des nouvelles quotidiennement, Tessa.
— Tu aurais dû me mettre sur le programme militaire.
— Il ne voulait pas. Il voulait te protéger.
— Pourtant, c'est lui qui a fait de moi une rebelle, un soldat.
— Respecte sa décision, Tessa.
Je hoche positivement la tête.

Les jours suivants, j'avais instauré un rituel : me rendre au département stratégie pour attendre les nouvelles du front. Les images des terres occupées sont affligeantes, des champs de ruine. Des civils qui tentent de fuir vers les zones libres me brisent le cœur. Je comprends alors la nécessité de cette mission, d'en finir avec cette guerre.
Zain se dirige vers l'ancien New-York, s'y trouve le commandement de Wert. En apprenant la nouvelle, je suis restée stoïque, dans l'incapacité de bouger ou d'émettre un son de ma bouche. Il se rend dans la gueule du loup. Il a tout caché de cette mission, il savait que je m'y opposerais.

————————

Trois semaines plus tard, c'est la douche froide, nous avons perdu la communication avec ​ le régiment de Zain. Je suis effondrée, mais je savais qu'il ne reviendrait pas. Qui sait ce qu'il lui est arrivé ?
Les tentatives de reprendre les communications restent vaines. Je me dirige vers le bureau de la dirigeante de la ville. Elle me fixe avec compassion, bien loin de sa stature d'il y a quelques semaines.

— Je pars en reconnaissance.
— Tessa ! Non ! Il en est hors de question.
— Je pars demain !
— Tu n'auras pas mon soutien !
— Je m'en passerai.

Je rejoins la base, j'accède aux armes, je fais le plein, je prends des rations pour les trois semaines à venir. Les soldats me regardent avec curiosité. Mon sac est prêt, j'emprunte une voiture banalisée.
Je passe la soirée avec mes amis proches et ma mère, ils tentent de m'en dissuader, mais c'est peine perdue.

La gouvernanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant