Deuxième Partie

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  J'arpente prudemment la cuisine, évitant les mouchoirs sur le sol et respirant par la bouche à cause de l'odeur. J'en suis presque sorti lorsque je m'arrête brusquement. Où ai-je la tête ? Aller affronter ce psychopathe sans arme ? Ce serait la mort assurée ! Je me mets à la recherche d'un objet, pointu de préférence, pour faire peur à cet énergumène. Je m'approche de l'évier. Il y a là plusieurs couteaux de cuisine. J'en saisis un. Je me dirige de nouveau vers la sortie avant d'hésiter à nouveau. Et si jamais dans la foulée j'en venais à tuer cet homme ? Je n'ai jamais tué. Je ne me suis même jamais battu. En fait si. Deux fois. Contre des membres d'un gang appelé Romeros dans le quartier où j'ai grandi à Honduras. Mais c'était pour me défendre, et aussi parce qu'ils essayaient de recruter Tonio, mon petit frère. Je m'étais retrouvé avec plusieurs fractures, mais eux avaient pris beaucoup plus cher. Apres ça, ils nous avaient laissés tranquilles.

Je réfléchis. En fait, ce que je veux c'est l'immobiliser. La police se chargera du reste. Je dépose le couteau sur la table. C'est à ce moment que je vois le rouleau à pâtisserie.  Je le prends aussitôt. Il fera l'affaire.

Je continue d'avancer à pas de loup.  Je revois les fauteuils en cuir au salon, déchirés par endroits. Apres avoir lu le journal d'Ariette, ce que je prenais pour des déchirures toutes simples ont à présent une connotation différente. La maison en elle-même me parait différente, comme si quelqu'un y avait subitement jeté un mauvais sort. Une atmosphère lugubre y règne désormais.
J'arrive au niveau du couloir. D'instinct, je sais où aller. La porte tout au fond. Je n'ai fait que deux pas lorsque la porte s'ouvre soudainement.

Arel Torcas. Il s'arrête aussitôt dès qu'il me voit. Il est comme pétrifié. Nous nous dévisageons pendant quelques secondes sans rien dire. Son regard se pose sur le rouleau à pâtisserie que je tiens dans ma main droite. Puis, il lève les yeux vers moi. Il sourit.

- Hey l'ami, dit-il en écartant les mains, comme s'il s'apprêtait à me prendre dans ses bras. Il y a un problème ? Je croyais t'avoir dit de m'attendre ?

- Tu parles qu'il y a un problème, dis-je d'une voix menaçante.

Le sourire sur le visage de M. Torcas s'efface aussitôt. Je ne sais pas ce qui le surprend le plus. Le ton que j'ai employé pour m'adresser à lui ou le fait que j'ai cessé de le vouvoyer.  Son regard se durcit.

- Pardon ? dit-il.

- Je sais ce que tu fais espèce de malade ! dis-je d'une voix un peu plus forte que je ne l'aurais voulu. Je sais ce que tu as fait durant ces dix dernières années.

- Je ne vois pas ce que –

- La ferme ! J'ai trouvé le journal intime d'Ariette. Je sais.

Sur son visage, je ne lis aucune émotion. Ni peur, ni surprise. Il n'a pas l'air d'être choqué par ma révélation. Ça me met mal à l'aise.

- Ecoute, dit-il en avançant lentement vers moi, c'est surement une erreur. C'est juste un simple malentendu...

- Reste ou tu es ! dis-je. Mais il se rapproche toujours. Je commence à reculer un peu. Mon cœur bat la chamade. Il n'est plus qu'à quelques mètres de moi quand il dit :

- Je vais tout t'expliquer. Il sourit. En fait...

Et là, tout se gâte.

Je crois rêver lorsque je vois cet homme trapu se jeter sur moi tel un fauve sur sa proie. Je tombe sous la pression de son corps, perdant mon arme par la même occasion. En une seconde, ses mains se retrouvent enroulées autour de ma gorge. Il appuie. Fort. Sans hésiter. J'essaie de me dégager. Je n'y arrive pas. L'expression de son visage a totalement changé. Je repense aux paroles d'Ariette : « Lorsqu'il est dans cet état, il ressemble à un lion sauvage. Il perd toute raison». Je ne peux qu'être d'accord avec elle. Je commence à sentir mes forces m'abandonner. Je suffoque. Ma vision se brouille. Mes yeux se ferment petit à petit. Je pense à ma famille. Katrina je vais bientôt te rejoindre...

Benito, ce héros?Where stories live. Discover now