Mycephase

17 8 3
                                    

---

Après deux jours d’attente, Petra, remise de ses blessures, n’avait qu’une idée en tête : piller le village voisin. Ses yeux pétillaient de malice tandis qu’elle trépignait d’impatience, prête à semer le chaos.

"Du calme, Petra, on n’est pas des barbares, même si tu es une pirate," lui lança Lyra, tentant de raisonner son amie avec un sourire apaisant, tout en réalisant soudainement ce que l’impulsivité de Petra pourrait impliquer.

Petra esquissa un rictus. "Je ne ferai rien, du moins pas pour le moment… Je suis clouée au lit, donc, temporairement en pause."

"Non, ça suffit. Tu te reposes," insista Lyra fermement.

Petra la repoussa avec un regard dédaigneux. "Lâche-moi. Dès que je tiens debout, je retourne sur le Vogue Marcel." Elle se leva brusquement, mais, dans son élan, heurta violemment sa hanche contre une commode. Sans laisser paraître la moindre douleur, elle se redressa fièrement.

"Le Vogue Marcel ? C’est le bateau, c’est ça ?" demanda Lyra en arquant un sourcil.

"Bien sûr ! Et les deux idiots de l’équipage nous attendent dehors pour embarquer," rétorqua Petra en crachant par défi sur le lit de la vieille dame qui les hébergeait, vieille qui n'oser lever les yeux de peur de croiser le visage sombre et scarifié de la pirate.

"Bon, on y va alors," conclut Lyra en haussant les épaules.

Elles franchirent ensemble le seuil de la porte, emportant au passage quelques toiles décorées d’animaux exotiques qui ornaient les murs de la maison. Lyra enroula une peau d’ours autour de sa cape verte, renforçant son allure sauvage.

Sur le quai, le Vogue Marcel, imposant et élégant, les attendait. Son bois, d’un blanc nacré, semblait briller malgré les fissures qui marquaient les nombreuses batailles qu’il avait dû affronter. Les quatre membres de l’équipe, suivis par quelques matelots, montèrent à bord avec un enthousiasme palpable.

"N’oubliez pas les oranges !" ordonna Petra d’une voix autoritaire en s’adressant à l’équipage.

"Des oranges ?" répéta Lyra, interloquée.

"Les vitamines ! Pour éviter le scorbut ! Tu connais pas ? Ça te ronge les dents," expliqua Petra.

Paragus, un vieillard à la peau tannée par les années passées en mer, ajouta en grinçant : "Et même les gencives ! J’en ai fait l’expérience, moi." Il écarta les lèvres pour dévoiler ses gencives marquées de tâches violacées et jaunâtres, signe de sa lutte passée contre cette terrible maladie.

Sur la proue, Djibril restait silencieux, les yeux rivés sur l’horizon. Nul ne pouvait deviner ses pensées, mais même quand le bateau tanguait, il demeurait immobile, comme enraciné dans ce monde de vagues et de sel.

"À tribord toute !" lança Petra. Le bateau entama sa course vers Mycephase, une petite île mystérieuse, peuplée d’étranges créatures.

"Nous allons devoir affronter les Mycerons," expliqua-t-elle au groupe, qui se rassemblait autour d’elle. "Ce sont des êtres sournois et dangereux, mais nous avons besoin de leur viande pour ravitailler le Vogue Marcel."

Lyra leva timidement la main. "Ils… Ils sont humains ?"

"Pas exactement," répondit Petra avec un sourire narquois. "Ce sont des créatures champignon, douées d’imitation. Ils copient notre apparence, mais ils n’éprouvent aucune émotion. Alors, Lyra, sois prudente ; ils pourraient te tromper."

À la nuit tombée, ils aperçurent enfin l’île. Les arbres recouvraient le paysage d’une verdure dense, parsemée de larges chapeaux de champignons rouges qui s’élevaient au-dessus des cimes, créant une étrange lueur sous la lune. Un silence pesant enveloppait le navire, comme si l’île elle-même les observait.

Incapable de dormir, Lyra se leva et, attirée par le calme nocturne, sortit son arc qu’elle tenait tel une lyre. Le sel marin lui picotait les yeux, mais elle entonna doucement une chanson, perdue dans ses pensées.

"Un jour, je m’en irai très loin d’ici, là où le vent ne souffle même pas… J’ai tenté de fuir, et j’ai réussi… Et on verra où le vent me mènera."

Elle pinça les cordes de son arc, qui n’étaient pas accordées pour la musique, et le son discordant d'un dong étouffé résonna, comme un écho étrange de ses espoirs secrets. Sa voix, douce et apaisée, se mêlait au clapotis des vagues, tandis qu’au loin, les chapeaux des Mycerons semblaient frémir sous la brise, comme si eux aussi écoutaient sa mélodie.

 Sa voix, douce et apaisée, se mêlait au clapotis des vagues, tandis qu’au loin, les chapeaux des Mycerons semblaient frémir sous la brise, comme si eux aussi écoutaient sa mélodie

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Lyra : L'ombre SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant