𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝒹𝒾𝓍

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𝙴𝙻𝙸𝙰

Je dois applaudir la beauté du sadisme d'Osgart.

Quelle belle image se prélassait devant moi.

Les couleurs noires de la nuit et rouge du feu se dressaient sous mes yeux et se reflétaient durement dans mes pupilles.

Rose s'est occupée d'éteindre le feu, insultant les Osgart de tous les noms, ignorant que le seul présent cette nuit-là était Aleksander. Elle sait que ça ne sert à rien d'appeler la police. Ce conflit dure depuis trois ans et aucun de nous n'a jamais fini derrière les barreaux.

Aucune preuve, ou assez d'argent, qui sait.

Les bras étendus le long de mon torse, le souvenir que ma peau a des mains chaudes d'Osgart sur moi est plus brûlant que la chaleur de l'incendie.

Je ne suis pas parvenu à fermer l'œil de tout le reste de la nuit. C'était comme si je revivais inlassablement ce moment, maintenu contre le mur par sa poigne, lorsque la palette d'émotion que connaît l'espèce humaine avait roulé sur ses prunelles. Il n'avait plu su quoi penser ni quoi ressentir.

Je lui avais enfin, pour la première fois je crois, fait perdre ses moyens.

— Ils ont un sacré problème, râla Rose pour la énième fois de la journée.

Le soleil agresse ma peau, allongé sur l'un des transats qui emplit le jardin de sable de notre maison secondaire. Un thé glacé posé en équilibre sur mon ventre, j'admire l'étendue bleue au-dessus de nous. Oui, il a sacré problème. Aleksander Osgart est dérangé. Ce n'est pas nouveau. Mais est-ce que ça étonne quelqu'un ? Je ne pense pas.

Rose me prévient qu'elle doit se rendre en ville et me laisse seul sur le transat.

Je récupère un ordinateur et ouvre une page de manuscrit vierge. Je ne sais pas quand est-ce que j'ai commencé à écrire des scénarios. Le plus lointain souvenir me ramène à Edward Osgart qui expliquait à mon père pourquoi son film préféré devait obtenir une récompense pour le meilleur scénario original.

Je l'entends encore expliquer sa construction dramaturgique et je vois encore la passion qui égayait ses yeux et agitait ses mains. Moi aussi, je voulais faire ressentir ça à quelqu'un.

Pour l'impressionner, je souhaitais connaître la composition d'un scénario sur le bout des doigts et en discuter avec lui. Le destin – pour ne pas dire mon propre père – m'a retiré ce droit avant d'avoir eu l'occasion de pouvoir essayer.

Prisonnier de tout ce qui s'est déroulé entre nos familles et dans ma sphère intime, j'ai malgré tout fini par y trouver un réconfort. Depuis tout ce temps, je continue d'écrire.

Au même rythme que celui des touches de clavier qui s'enfoncent, mon cœur bat sous ma peau. Il pulse le sang de manière à s'aligner sur le mouvement de mes doigts qui fait défiler les nouveaux mots sur l'écran.

Je laisse le monde se noyer, en sécurité dans ma bulle.

Lorsque cette dernière éclate, il est bientôt l'heure du diner. Un vent frais me provoque une légère chair de poule. Mes affaires dans les bras, je me réfugie à l'intérieur et prépare un sac pour la nuit. Léo et Mat m'ont proposé de passer chez eux manger un bout et rester dormir.

Après une douche pour retirer le sable couvrant ma peau et les résidus de crème solaire, je passe mon sac sur mon épaule. Cette même odeur chaude de braises qui avait parfumé ma chambre chez mes parents quelques jours auparavant fait son retour. Sur le rebord de ma fenêtre, une maigre flamme s'éteint juste devant moi. J'atteins tout juste l'ouverture que la lumière a disparu. Il ne reste que des cendres.

𝐌𝐄̂𝐌𝐄 𝐋𝐄𝐒 𝐌𝐎𝐍𝐒𝐓𝐑𝐄𝐒 𝐓𝐎𝐌𝐁𝐄𝐍𝐓 𝐀𝐌𝐎𝐔𝐑𝐄𝐔𝐗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant