Chapitre 32 - Nash

12 4 0
                                    

Je marche sans accorder une quelconque attention à mon environnement. Sans notion géographique. Je laisse simplement mon pied droit suivre le gauche, ou peut-être est-ce l'inverse, connaissant par cœur le chemin. Mes pensées sont emportant dans un tourbillon de culpabilité qui ne cesse de faire du bruit.

Silence. Ai-je envie de crier.

Le visage de Noélie apparaît perpétuellement devant mes yeux, alternant avec ses traits actuels et ceux de ses dix-huit ans. Le sentiment d'être hanté ne peut m'échapper.

Cette culpabilité, nourrie par ses visions, est douloureuse et trouve sa source dans le passé, me laissant la sensation que l'histoire se répète.

Récemment, je me suis rendu compte de l'erreur que cela représentait de ne pas l'avoir soutenu lorsque nous étions jeunes. Lui reprocher son envie de rêve était puéril et immature sauf que j'ai l'impression d'être le même con que ce jour-là.

Je ne m'étais pas battu pour nous alors qu'elle se convainquait que je ne pouvais pas rester à ses côtés. Elle se persuadait qu'un choix était inéluctable. Peut-être était-ce la première de nos erreurs.

J'enclenche la poignée, une chaleur déconcertante m'étouffe tant elle diverge de l'extérieur. Le froid et les flocons ne m'avaient pas dérangé cependant, je me réjouis de les quitter.

Une odeur familière me parvient, j'avance aussitôt vers celle-ci en léchant distraitement mes lèvres comme si le goût du plat y était déjà.

Ma mère s'active dans la cuisine, tellement captivée par ses différentes tâches qu'elle ne me visionne pas. Mes pas se font doux et délicat, je passe derrière elle et mets directement mon index dans la sauce que j'aime tant. La blanquette de veau est placée très haut dans mes repas préférés.

— Hé! s'exclame-t-elle en me frappant l'épaule à l'aide d'une spatule.

Je me recule et constate ses yeux assassins dont elle a le secret. Mon adolescence a été rythmée par celui-là.

— Pas touche, vilain garnement.

Je ris et embrasse son front avec tendresse. Je devine l'absence de mon père grâce à celle de mon adorable chien.

Elle mélange la préparation en arborant un sourire protecteur. Elle m'observe avec attention et je m'appuie contre le plan de travail sachant qu'elle a déjà compris mon état d'âme actuel.

— Qu'est-ce qui s'est passé?

Je frotte mon visage avec vivacité, mon cerveau semble noué provoquant une certaine douleur. Peut-être devrais-je simplement arrêter d'y penser ? Ce serait impossible, mon esprit est désormais calibré sur la situation.

Je me place face à elle, les bras croisés, et explique l'offre de Noélie et son refus afin de rester avec nous. Mes paroles quittent mes lèvres avec difficulté et une pression à la poitrine rend la tâche plus complexe.

Lorsque j'ai terminé, elle pose son ustensile et me regarde avec fierté causant une sensation de satisfaction en moi. J'ai toujours souhaité créer ce sentiment chez mes parents, je ne pensais juste pas qu'une telle situation pouvait provoquer cela.

Mon téléphone vibre et j'observe rapidement le message de Noélie qui augmente toutes les émotions négatives dans mon corps. Elle veut son contrat, elle n'a pas changé d'avis.

— Tu devrais lui parler.

Je secoue la tête, me sentant illégitime dans la prise de cette décision. Ce n'est pas ma vie, c'est la sienne. Pourquoi ne puis-je simplement pas me satisfaire de la fine once de bonheur que son verdict m'apporte ?

Un flocon incomplet.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant