monologue des parents aimant

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walida (la main dans mes cheveux) : tu sais wissame,
écoute moi ya benti,
nous on est dans leur pays, tu t'es déjà faite avoir et on ose espérer que tu ais enfin ouvert les yeux
j'aurais aimé, ya wissame j'aurais aimé, ne jamais avoir à te répéter la même chose, j'aurais aimé être heureuse à chaque fois que tu te fais de nouvelles copines mais ça ne marche pas comme ça
tu seras jamais chez toi ici, jamais
t'es utile à la franche patrie alors on t'autorise à y rester, mais le jour où tu ne seras plus utile à la république, t'auras beau avoir trois classeurs de papier ils te diront que la France n'a jamais été ta mère et comme tout invité il est temps pour toi de partir

walid : tu sais, Hassan II disait qu'on ne peut pas courir avec deux drapeaux à la fois, essaye, toi, de simplement marcher avec un objet dans chaque main, tu verras qu'il y'en aura toujours un plus haut que l'autre.
et je sais que tu l'as compris, t'as changé ma chérie, t'es intelligente, et tu comprends. alors essaye d'écouter notre peine quand on t'entends t'exclamer sur les incroyables qualités de tes copines, tu pleures parce qu'on est pas heureux pour toi, mais c'est parce qu'on sait qu'au fond, toi aussi t'es malheureuse ghzala

walida : on essaye de s'adapter aux coutumes, j'ai appris leur langue en 3 mois, j'ai porté un pull de Noël de merde au travail pour les faire rire et leur ressembler, et tu sais ma chérie ce qu'ils m'ont dit ? "t'as le droit d'acheter ce genre de chose nezha ? je veux dire dans ta religion..." ou encore "et après c'est vous qui criez à l'appropriation de culture ! mais franchement c'est bien hein"
j'ai beau me casser le cul à essayer de remercier le pays qui vous offre une soit disante éducation, à vous mon sang, mes enfants, ils verront jamais plus qu'une arabe déguisée en quelque chose qu'elle ne sera jamais. je deviens la bête de foire, j'ai l'impression d'être un singe au zoo à chaque fois que je passe les portes du boulot. et je t'entends, je t'entends marmonner que c'est pas toujours comme ça et qu'on est parano mais tu sais, j'ai toute une vie d'avance sur toi ma fille

walid : moi je vais te dire quelque chose wissame, tu peux quand même courir si ça te tient tant à cœur que ça, si tu veux vraiment essayer aux risques de t'y perdre, mais nous on sera pas toujours là, on partira un jour et y'aura plus personne pour essuyer tes mains blessées, écoute benti
écoute benti

journal amerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant