La filiation

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L'aube s'infiltrait timidement à travers les rideaux en soie de la chambre spacieuse. César s'éveilla, encore fatigué de sa courte nuit. Il s'assit sur le rebord du lit, en prenant soin de ne pas réveiller Phéane à ses côtés, et enfila un pantalon en jersey qui trainait au sol. Il soupira en passant une main dans ses cheveux emmêlés. Les événements de la veille ne voulaient pas quitter son esprit, l'enracinant dans une profonde colère.

Un poids lourd fondit sur ses épaules alors qu'il cherchait à se relever.

— A quelle heure es-tu rentré ? murmura la voix encore endormie de son épouse, félicitations pour ta prise officielle de fonction.

Son corps nu vint se coller un peu plus contre le dos de son amant exprimant un besoin d'affection assumé. Elle laissa ses lèvres fines vagabonder sur le cou de son mari en de subtils baisers. Il se détacha de son emprise pour lui faire face avant d'agripper ses poignets fermement.

— Phéane, je suis désolé mais je n'ai pas le temps... De la marchandise à destination de la Citadelle doit partir aujourd'hui.

Elle pouvait lire l'empressement sur son visage marqué par l'épuisement. La jeune femme savait qu'il était différent depuis quelques temps, marqué par la disparition de son amie et les attentes exigeantes de son père. Cependant, il était toujours celui qu'elle avait connu il y a plusieurs années maintenant. Son amour pour lui était intact. Elle rêvait d'une vie paisible à ses côtés dans ce manoir qui serait animé par les rires de leurs enfants. Peut-être était-il déraisonnable de penser à un bonheur aussi simple, mais elle était persuadée que la morosité qui l'accablait depuis plusieurs semaines était passagère.

Pour toute réponse, elle enroula ses bras légers autour de la nuque du jeune homme en un mouvement voluptueux puis déposa ses lèvres sur les siennes avec douceur.

— Je n'arrive plus à te comprendre.

Il ne répondit pas au baiser et se contenta de dégager les longues mèches de cheveux sombres qui encadraient lourdement le visage mince de la jeune femme.

— Tu n'as pas à me comprendre, j'ai de nouvelles obligations qui demandent toute mon attention. Cela s'arrangera dans quelques temps.

Il prit soin d'omettre que ses nouvelles obligations concernaient également des réunions auprès de dissidents ainsi que l'ingurgitation d'alcool douteux sur les docks.

César déposa un chaste baiser sur la joue de Phéane avant de se détacher définitivement de son étreinte. Rien que la vue de sa chambre à la décoration dispendieuse suffit à l'emplir d'un sentiment de malaise. Il préféra la quitter au plus vite.

Le pirate agrippa le sac, qu'il avait lancé quelques heures auparavant sur une chaise au design iconique, avant de prendre la direction de la salle de bain pour se rafraîchir. Il enfila son uniforme qui avait été préparé soigneusement la veille par l'employé de maison. 

César descendit ensuite l'escalier en bois vitrifié pour se rendre dans la cuisine. Il se servit rapidement un café, luxe inaccessible pour une grande partie de la population, avant de s'installer au bout de la table à manger démesurée en chêne massif. Il jeta sans trop de considération un coup d'œil à l'horloge comtoise aux dorures subtiles. Le majordome commencerait son service dans une demi-heure. Satisfait, il agrippa l'enveloppe kraft transmise la veille par le banni. Le papier rugueux glissa sous ses doigts alors qu'il commençait une lecture approfondie de l'acte de naissance de Romy. Les phrases aux lourdes tournures administratives se succédèrent.

Il relut le document plusieurs fois pour en inscrire fidèlement tout le contenu dans sa mémoire. C'est alors qu'un emportement inhabituel s'empara de l'héritier qui se dirigea à la hâte vers le vestibule à la tapisserie colorées et aux moulures délicates. Il enfila rapidement des chaussures montantes, qui lui permettaient de marcher longuement, avant de disparaître derrière la porte d'entrée en fer forgée.

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Il marqua une pause sur les escaliers en grès et jeta un coup d'œil au garage, qui se trouvait en contrebas d'une allée pavée aux couleurs panachées. Le chauffeur, d'une quarantaine d'années, était adossé à un mur de soutènement recouvert de lierre. Il était en pleine conversation virtuelle peu disposé à commencer ses tâches quotidiennes.

— Monsieur Tveik, j'ai besoin de vos services.

L'employé releva des yeux ennuyés vers le maître de maison avant d'écourter son échange. Il n'était pas très grand mais disposait d'une carrure robuste. Il attrapa un chapeau kaki orné de la même broche que celle portée par César et grogna.

— Je ne commence mon service que dans quelques minutes.

— Vous serez correctement indemnisé pour la gêne occasionnée, 

— Je vais chercher la voiture, annonça le conducteur convaincu par l'appât du gain.

Il ne fallut que quelques minutes pour que le véhicule d'un blanc intact s'avance sur l'allée menant au portail qui marquait la limite de la propriété avec la voie publique. La voiture était d'une technologie avancée et bénéficiait d'un confort appréciable. Le jeune dirigeant descendit les marches avant de s'installer sur la banquette arrière matelassée. L'automobile était dépourvue de rétroviseur, une multitude de capteurs permettaient à un écran de contrôle présent sur le tableau de bord d'afficher différentes côtes et vidéos. Elle était pilotée automatiquement, si bien que l'employé se contentait d'indiquer la destination. La présence humaine était encore préférable car ces modèles n'étaient pas infaillibles et il fallait quelques connaissances en informatique pour remettre les automates en fonction. Sa puissance ne pouvait être comparée aux voitures de la Citadelle mais elle pouvait tout de même se targuer d'être de bonne construction.

Le chauffeur descendit une vitre tintée qui séparait l'avant de l'habitacle de l'espace passager.

— Où souhaitez-vous aller Monsieur ? J'ai du travail qui m'attend.

César ne réprima pas un sourire moqueur en considérant son inactivité quelques minutes plus tôt. C'était un homme feignait, d'humeur belliqueuse, qui était aussi d'une fidélité inflexible. Il l'appréciait également pour sa discrétion.

— A la couronne intermédiaire, au district des Hauts Fourneaux.

Le chauffeur fut surpris de cette réponse mais ne posa pas de questions pour autant. Il pianota sur le tableau de bord l'adresse pour ordonner au véhicule d'entamer son avancée.

Le soleil s'élevait à présent au-dessus de l'horizon. Les quartiers résidentiels des commerçants commençaient à s'éveiller, emplissant les trottoirs d'employées de maisons et de jardiniers en partance pour leur labeur quotidien.

Les maisons parfaitement entretenues laissèrent rapidement place aux pavillons mitoyens des travailleurs qui occupaient des postes de cadres puis au H.L.M des ouvriers. Enfin ils longèrent la ligne de transports en communs de la périphérie dont les avenues grouillaient d'habitants.

La véhicule ralentit sa vitesse pour ne pas percuter de marcheurs. Un signal d'alerte résonna dans l'habitacle quelques secondes.

— Je vais devoir vous déposer ici, la voiture estime que le trafic est trop dense après cette avenue. Je risquerai de ne plus pouvoir retourner au manoir avant un bon moment.

— Entendu, répondit César en ouvrant la portière.

— Souhaitez-vous que je vous dépose plus tard aux quais ?

— Ce ne sera pas nécessaire, je prendrai le train.

— Comme vous voudrez, ajouta l'employé qui le salua discrètement.

Pour être honnête, ce chapitre est celui que j'ai le moins aimé depuis le début, bien qu'il ne soit pas mauvais. Je trouve que le "retournement de situation" était un peu trop prévisible, et je ne comprend pas la réelle utilité de celui-ci. J'imagine qu'il y a un autre sens à tout ça, mais je suis un peu comparé aux autre chapitres.

8mo ago

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ah...

8mo ago

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Les dévoreurs de rêvesWhere stories live. Discover now