À l'ombre de l'Olivier, Par-delà l'Acacia.

VI- Ça ira mieux...

~Chams~

~9 Août 2014~

« Désolée...mais je dois leur dire. » Ces excuses étaient plus pour moi que pour elle.

Debout, près d'elle, je réalisais à quel point elle était pâle. Sa peau d'ordinaire légèrement tannée était laiteuse. Ses lèvres étaient bleues et les cernes sombres s'étalaient sous ses yeux. La vue de son visage émacié, de ses bras si faibles, de son corps décharné et squelettique me faisait sincèrement de la peine. Je n'avais pas réalisé la gravité de la situation mais cette photo d'elle datant de l'époque du collège qu'elle m'avait montré il y'a quelques semaines me hantait. Elle avait l'air si heureuse, et en si bonne santé avec ses joues rondes et son si joli sourire.

Si j'étais rentrée ne serait-ce qu'une seule minute plus tard...Que ce serait-il passé ?

Je préférais ne pas y penser.

Meriem avait de sérieux problèmes. Le genre de problèmes que je ne pouvais pas régler. Le genre de problèmes que cet endroit ne pouvait pas régler. Le genre de problèmes que même ses parents ne pouvaient régler. Il lui fallait un suivi médical, un psychologue, un nutritionniste, elle ne pouvait pas continuer dans cette voie.

Elle ne survivrait pas cette fois-ci.

« Excuse-moi 3ami, je peux te parler ? » avais-je demandé à son père lorsqu'il vint la visiter.

« Oui. Bien-sûr... »

Une fois hors de la chambre, je pris mon courage à deux mains et finit par dire :

« Meriem ne peut pas rester ici. Elle m'a demandé de vous mentir pour ne pas vous inquiéter. Ce n'est pas parce qu'elle est anémique qu'elle a fait un malaise. Elle s'est évanouie dans notre chambre parce qu'elle ne mange pas. Elle s'affame volontairement et prends des pilules pour maigrir. Je l'ai retrouvée dans son vomi... »

Le monde de Mr Belkacem sembla s'effondrer sous ses yeux impuissants. Je venais malgré moi de lui faire une révélation traumatisante pour n'importe quel parent digne de ce nom...Celle de réaliser que son enfant allait mal depuis tout ce temps et qu'il n'avait rien vu...

Meriem et moi, nous étions rapprochées au cours des derniers mois. Elle m'avait révélé des détails de sa vie desquels visiblement même son père n'avait pas connaissance. Je ne devais pas les divulguer car ce n'était pas mon devoir. Meriem devait en parler à sa famille quand elle se sentirait prête. Cependant ma loyauté envers elle avait des limites. Ses limites commençaient à l'intersection même de sa vie et du danger...

Alors je déballais tout, tout ce que je savais d'elle, tout ce qu'elle m'avait confié...

Elle avait besoin de ses proches avec elle et d'une aide médicale dont elle ne pouvait pas bénéficier ici. Le plus loin elle serait de cet endroit, le mieux se serait...

Moi, j'avais encore à faire ici...

~~~

~Ω~

Mr Belkacem ne dormit pas de la nuit. Les paroles de Chams lui trottait dans la tête telle une infernale ritournelle.

« Meriem ne peut pas rester ici...Elle s'affame...Évanouie...Vomi... »

Il croyait devenir fou. Il n'en avait pas parler à Jamila qui elle, dormait paisiblement à ses côtés. Il avait envoyé sa fille dans ce centre qui avait plutôt bonne réputation à contre cœur. Sa fille autrefois si douce et agréable était devenue invivable. Ses notes étaient en constante chute et elle enchaînait les exclusions et les retenues. Son épouse et lui avaient envisagé l'internat pour la remettre sur le droit chemin. Mais il commençait à regretter sa décision. Meriem n'allait pas bien, il le voyait mais ne savait pas pourquoi et ce n'était pas faute d'avoir essayé d'entamer une discussion. Elle qui lui disait tout s'était fermé comme une huitre. Il s'était senti acculé et cette institution lui avait paru comme la solution miracle.

Sa fille n'était pas heureuse et il ne s'en était pas rendu compte...Comment avait-il pu ne rien voir ?

Quel genre de père devenait sourd au cri de détresse de son propre enfant ?

Il avait honte, très honte. Lui qui pensait que ce n'était qu'une crise d'adolescence un peu revêche, une simple mauvaise phase...Il s'était lourdement trompé.

À vouloir acquérir toutes sortes de biens, il en avait oublié le besoin humain le plus primaire qui soit, le bonheur. Il devait remédier à tout cela au plus vite...

~~~

Dès le réveil de Meriem, celle-ci fut, à la demande de son père et dans l'incompréhension générale, ramenée chez elle. Elle n'apprit que des années plus tard que derrière ce départ précipité se cachait la découverte de ses angoisses les plus enfouies. Elle essaya de dissuader son père, mais c'était peine perdue, il était décidé.

De retour à la maison, Meriem n'eut d'autres choix que de reprendre le cours de sa vie. Elle reprit l'école et sa petite routine. Seules 2 choses changèrent. Le premier changement c'était le psychologue qu'elle devait maintenant aller voir une fois par semaine. Le deuxième changement était le plus douloureux pour Meriem. Celui là était plus insidieux, plus vil, plus sournois. C'était le regard des autres. Maintenant, ce n'était plus simplement Meriem mais elle était devenue 'Meriem la folle'. Parce que de toutes façons, les psychologues étaient uniquement réservés aux fous...Pas vrai ?