Chapitre 16

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- Euuh... Tu fais quoi ?

- Je regarde des trucs plus intéressant que ta personne sur mon doudou électronique.

- Oui mais...

- Mais quoi ?

- T'es obligé de faire ça... là ?


Il me regarde, regarde mes jambes, sur lesquelles il est toujours à cheval, fixe de nouveau mon visage gêné, esquisse un sourire moqueur et répond ouvertement :

- Oui.


OK, OK. Je suis mis à l'épreuve, par lui, par Dieu, par le monde entier. Mais à l'épreuve pour quoi ?!

- Ça va bientôt sonner, tu-

- J'ai pas cours avant 10h.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? Il est même pas 8h !

- J'aime pas rester chez moi. Et toi non plus, t'as pas cours. Je me trompe ?


Enfoiré de bâtard de chacal. J'essaie de me décaler, mais son genou écrase ma main pour me faire passer le goût de l'évasion. Je sais pas s'il est purement sadique ou si cette situation l'amuse. Dans tous les cas, il prend plus de plaisir que moi qui suis assez mal à l'aise.

- Tu veux pas descendre ?

- Non.

- Pourquoi ?

- T'as le mérite d'être plus confortable que le sol.

- Ouais, mais...

- Mais ?

- C'est bizarre...

- C'est bizarre, seulement si on nous voit.


Mais c'est quoi ce personnage qu'il joue ?! Il est pas comme ça d'habitude. Je dégage ma main et le prend par les épaules. Je me rappelle trop tard du coup de pied que j'ai pris pour l'avoir touché, mais là, il ne semble pas réagir. À la place, il me fixe. Je le repousse lentement et il descend finalement.

- T'es pas drôle.

- Mais qu'est-ce qui pourrait être drôle ?

- Ta tête gênée.

- T'es jamais gêné toi ?

- Si, quand un gars random vient me séparer de ma sœur pour aller m'embrasser dans un coin.

- Et t'aimes être gêné ?

- Ça dépend.

- De quoi ?

- De pourquoi je suis gêné.


J'ai le droit à un sourire provocateur. Oh non, je m'aventure en terrain miné là. Mais qu'est-ce qu'il a aujourd'hui ? Il est encore plus louche que d'habitude. La sonnerie retentit et je décide de mettre fin à la discussion avant de dire un truc de travers qui pourrait me mettre dans la merde. Je lance, tout de même, une dernière pique.

- T'es quand même bizarre. Un coup, on dirait que tu me hais, et un coup, on dirait que tu veux m'allumer.

- Moi ? T'allumer ? Mais t'as fumé quoi ?

- Ouais, donc toi qui refuse catégoriquement de descendre de mes jambes avec un air vachement provocateur, c'est dans ma tête.

- Mais de quoi tu...!


Et bim, touché. Il me fusille du regard avant de cacher le bas de son visage avec sa manche et de détourner le regard. Je sais que si on inverse les rôles, il ne va pas du tout aimer. Mais je risque encore de faire des trucs bizarre, donc je vais m'abstenir.

- Pourquoi tu changes d'humeur toutes les trois minutes ?

- Parce que comme ça tu me laisses tranquille.

- Bah je crois que tu t'es loupé dans tes calculs parce que j'ai juste envie de savoir pourquoi.

- Je sais...


Il met sa tête dans ses mains et se tait. Ah, j'ai dit un truc qu'il fallait pas ? Bah, euh... je sais pas comment réagir. Je veux dire, y a une différence entre quelqu'un gêné et lui gêné. Je le secoue un peu pour voir et il relève la tête.

- Tu vois pas que je réfléchis ?

- Qu'est-ce qui peut bien te perturber à ce point ?

- J'en sais rien ! Tout ! Tout ce qu'il m'arrive !


Wow. J'aurais peut être pas du le déranger. Il doit quand même avoir beaucoup à penser pour alterner entre haineux, provocateur, limite allumeur et bouleversé en un quart d'heure. Je ne sais pas quoi faire, je n'ai jamais vraiment eu à réconforter quelqu'un, je devais déjà me gérer.

- Et... qu'est-ce qu'il t'arrive ? je demande dans l'espoir de le calmer.

- Tout. Trop de trucs. Ma sœur a des problèmes, ma mère s'en fout de moi, mon père est un salaud et toi tu m'as complètement détraqué et j'arrive pas à réfléchir !


Je fixe le jeune homme, choqué. Je ne m'attendais pas à une tirade de problèmes comme ça. Il se tient la tête de nouveau et, cette fois, je m'approche de lui et passe un bras par dessus son épaule pour l'attirer contre moi. Il est raide au début mais se relâche au bout d'un moment. Tout contact avec lui me retourne le cerveau, mais il en a besoin. Si tous les personnages qu'il a joué jusqu'ici lui permettent d'oublier, je ne ferai plus de remarque dessus. Je fais un peu pour lui ce que j'aurais aimé que l'on fasse pour moi, il y a quelques années.


On ne bouge pas pendant un temps, mais il finit par me repousser. Je pensais qu'il aurait pleuré, mais ce n'est pas le cas. Il a l'air perdu et je comprends ça. Je pose finalement une question qui me trotte dans la tête depuis quelques minutes.

- Pourquoi est-ce que je t'ai détraqué l'esprit ?


Il soupire et tourne la tête vers moi.

- À cause de toi, j'arrive plus à réfléchir. Tout ce que je vois ou entends me ramène à toi et à la soirée de fin d'année. Tout. Je ne peux pas faire quoi que ce soit sans qu'à un moment ces souvenirs reviennent. Tout ça parce que mon corps te réclame, alors que mon esprit essaie de le résonner en lui disant que ça n'arrivera plus. C'est n'importe quoi et ça m'énerve !

- C'est... pour ça ?

- Oui, idiot ! Et moi, j'en peux plus. Ça fait trop à gérer, je voudrais juste me débarrasser de ce manque.


Le voir dans une telle situation de faiblesse me déstabilise. Lui qui est toujours sûr de lui. Je me reconnais dans ses paroles, lorsque j'essayais de me résonner. Lorsque j'essaie de me résonner. Je le regarde à mon tour.

- J'en peux plus, Ethan.


Il se rapproche de moi et pour la première fois, prends les devants et pose fougueusement ses lèvres sur les miennes. Je lui rends automatiquement son baiser et il se remet à califourchon sur moi avant de passer ses mains dans mes cheveux, réduisant ainsi à néant tous les efforts que j'ai fait pour le faire descendre.

A Shitty New YearOù les histoires vivent. Découvrez maintenant