26. Avigaël

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Ma mère se marie. Enfin, elle va se marier, quand Lou lui aura demandé sa main.
Après avoir fourré quelques feuilles de papier à lettres dans mon sac, je me dirige vers Paradise Park. J'ai l'intention d'écrire à Vanessa. Je ne veux pas qu'elle s'imagine que j'ai oublié ma promesse.
Je m'assieds au pied du grand arbre où Louis et moi nous sommes embrassés pour la première fois. Je me sens en paix à cet endroit. Je me demande si ça se passe bien pour Louis en Arizona, ou dans quelque endroit qu'il soit.
Je raconte à Vanessa la suite de notre voyage, et lui explique que Lou m'a demandé la permission de se marier avec ma mère. Je pensais lui écrire un petit mot, mais partie sur ma lancée, je lui parle de Louis, d'Ariana, de Lenny... À la fin, j'ai rempli trois feuilles recto verso.
De retour à la maison, je reçois un coup de fil de Niall. Il angoisse à l'idée de revoir sa copine.
– J'ai besoin de toi, m'explique-t-il. Becca a accepté de sortir avec moi demain soir. Il faut à tout prix que tu viennes.
– Ne compte pas sur moi pour jouer les chaperons, Niall.
C'est bien la dernière chose dont j'ai envie.
– C'est tendu entre nous depuis l'accident. Et tu verras, vous allez super bien vous entendre,
toutes les deux. Allez, Avigaël. Tu dois m'aider à briser la glace. S'il te plaît. Tu ne pars pas tout de suite en Espagne. Alors que fabriques-tu, mis à part pleurnicher sur Louis ?
– Je ne pleurniche pas.
Il rit.
– D'accord. Tu as fait quoi, depuis que tu es rentrée chez toi ?
– J'ai défait mes bagages.
– Et puis... ? Tu es de retour depuis presque une semaine.
– Je suis allée voir les jonquilles de Mme Reynolds.
– Tu t'es éclatée, je vois. À part ça ?
– Je viens d'écrire une lettre.
Niall s'esclaffe à nouveau.
– Tu as une vie super excitante. Je m'étonne que tu aies le temps de me parler au téléphone.
Bon d'accord. Il a peut-être raison. Je ferais bien de sortir avec Becca et lui demain, ne serait-ce que pour me prouver que je ne vis pas dans le passé.
– Bon, OK, je cède finalement. Mais qui va m'accompagner ?
– J'ai ma petite idée.
– Oh ! non. Je sens que je vais avoir la migraine.
– Un peu d'audace, ma vieille, s'exclame Niall, tout excité. Je vais te trouver quelqu'un. Donne-moi ton adresse et tiens-toi prête à six heures demain.

Après avoir raccroché, je vais dans ma chambre. Où je trouve un mot sur mon lit. Maman m'informe que mon père a appelé. Il voulait me parler.
Je froisse la feuille et j'expédie la boulette dans la corbeille. Après quoi, je m'assieds sur mon lit et fixe la poubelle. Qu'y a-t-il de si important pour qu'il ait brusquement envie de renouer le dialogue ?
Je l'appelais autrefois, je le suppliais de m'accorder cinq minutes de son temps. Je l'implorais de rentrer à la maison, il me répondait qu'il était passé à autre chose. Pourquoi lui accorderais-je maintenant la moindre considération ? Il ne le mérite pas.
S'il a l'intention de m'annoncer que sa nouvelle femme est enceinte, il n'espère tout de même pas que je vais bondir de joie ? Est-ce de la méchanceté, de lui en vouloir d'avoir une nouvelle femme, une nouvelle vie sans Harry et moi ? Il ne m'a pas invitée une seule fois à venir le voir au Texas. Il nous a bannies de sa vie, maman et moi.
Et s'il était malade ? Un cancer ou une autre maladie incurable ? Je le déteste, mais en un sens, je l'aime encore. Ce n'est pas logique, je sais, mais de toute façon, rien ne l'est dans ma vie depuis quelque temps.
J'ai l'impression d'avoir été hypocrite en demandant à maman d'offrir une seconde chance à Louis, alors que je ne suis pas disposée à en faire autant pour mon père.
Je décroche mon téléphone, et compose le numéro de papa. Je retiens mon souffle à chaque sonnerie.
– C'est toi, ma chérie ?
Je me sens tout engourdie en entendant sa voix. Ni excitée, ni en colère, pas anxieuse non plus. Juste engourdie.
– Oui, c'est moi. Maman a dit que tu avais appelé.
J'attends la grande nouvelle qu'il veut m'annoncer.
– J'essaie de te joindre depuis des semaines. J'ai quelque chose d'important à te dire.
Il marque un temps d'arrêt.
Je serre les dents. Nous y voilà...
– Je divorce, lâche-t-il.
Wouah ! Je ne m'attendais pas à ça.
– Désolée.
– Ne le sois pas. Parfois ces choses-là fonctionnent, parfois non. Tu veux que je te dise le meilleur ?
Je suis déconcertée par sa désinvolture.
– Le meilleur ? je répète.
– Je reviens vivre à la maison avec ta mère et toi. Quoi ?
Non.
Il y a une erreur.
J'ai dû mal comprendre.
– Ici ? Chez nous ?
– Je savais que ça te ferait plaisir.
– Maman est au courant ? Et Harry ?
Il émet un petit rire nerveux.
– Évidemment, petite sotte. N'est-ce pas une merveilleuse nouvelle, Avigaël ? Nous serons à nouveau réunis.
– Oui, fais-je sans la moindre émotion.
Je suis abasourdie, et j'ai l'impression que tout mon monde vient de basculer.
– C'est euh... super.
– Je prends l'avion jeudi. Les déménageurs viennent vendredi chercher mes affaires. Il faut que
je fasse mes cartons et que je règle tout d'ici là. À la semaine prochaine, ma chérie. Au revoir.
Comme d'habitude, il raccroche avant que j'aie le temps de lui répondre.
J'attends impatiemment le retour de ma mère à six heures. Elle n'a pas le temps d'enlever son uniforme de serveuse que je la coince dans le couloir.
– Pourquoi laisses-tu papa revenir ici ?
– Tu l'as appelé..., dit-elle.
Elle enlève lentement son tablier et le plie sur son bras.
– Il divorce et souhaite faire une nouvelle tentative, voilà pourquoi.
– Tu as accepté alors ? Il nous a quittées, maman. Sans aucun scrupule.
– Il en a maintenant.
Moi aussi, j'ai envie de lui donner une nouvelle chance, mais à la vérité, il en a déjà beaucoup eu et n'en a pas profité. En plus, j'ai le sombre pressentiment qu'il ne restera ici que jusqu'à ce qu'une meilleure occasion se présente.
– Et Lou, dans tout ça ?
Maman commence à monter l'escalier.
– Lou est merveilleux, mais ce n'est pas ton père. Tu as toujours voulu qu'on soit à nouveau réunis. Ton père est l'homme que j'ai épousé, Avigaël.
– Il a aussi demandé le divorce et t'a remplacée.
Elle se tourne vers moi en agitant un doigt.
– Ne me manque pas de respect. Ton père a commis une erreur. Il désire rectifier la situation.
Les larmes me brouillent la vue.
– Lou a été un meilleur père pour moi que mon propre père. Il te rend heureuse. Il nous rend heureuses. Je ne comprends pas, maman. Ça n'a aucun sens.
Elle s'arrête en arrivant en haut des marches et se retourne.
– J'ai rompu avec Lou hier soir. Je lui ai dit que ton père revenait. C'est fini entre nous.
Je n'en crois pas mes oreilles. Ce n'est pas possible. Au moment où les choses commençaient à
s'arranger, tout va de nouveau de travers. Je serre mes poings sur mes paupières, avec l'envie d'oublier le monde.
Je grimpe l'escalier aussi vite que je le peux et la prends dans mes bras.
– Maman, j'ai juste envie que tu sois heureuse, je bredouille en sanglotant.
Elle me rend mon étreinte et me serre fort contre elle. Elle aussi pleure.
– Moi aussi, je veux que tu sois heureuse.
On reste là à sangloter pendant ce qui me paraît une éternité. Deux femmes contraintes de se débrouiller seules depuis trop longtemps. Quand on sonne à la porte, nous sursautons toutes les deux. Maman s'essuie les yeux avec la jupe de son uniforme avant de descendre ouvrir.
– Lou ! s'exclame-t-elle, interloquée.

Il a un énorme bouquet de roses rouges à la main et un petit coffret dans l'autre. Il s'agenouille sur le seuil. Je remarque qu'il a les yeux gonflés et injectés de sang.
– Épouse-moi, Linda.
Il ouvre la petite boîte et prend doucement la main de ma mère dans la sienne.
– Dis-moi qu'il n'est pas trop tard.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 16 ⏰

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