Kristina n'entendait plus que son pouls battre contre ses tempes. Son corps entier la brûlait, la consumant d'un sentiment de colère. Le Ryttare insinuait le pire pour l'intimider, comme si la toiser depuis l'assise confortable de sa selle n'était pas suffisant. Elle serra ses poings gantés.
— Pourquoi tous les hommes ont-ils besoin de se comporter avec les femmes comme avec des proies qu'il faut terroriser avant de les chasser ?! asséna-t-elle.
— Ce n'est pas ce que... Que faites-vous ? l'interrogea-t-il alors qu'elle s'éloignait vers le bosquet.
Sans répondre, elle repéra une branche fine et la craqua. Les chevaux sursautèrent et elle devina le cavalier en train de froncer ses sourcils. Elle ne lui laissa pas le temps de comprendre qu'elle revint à sa place initiale et fouetta l'air de son bout de bois.
— Que... ?! s'emporta le Ryttare.
Comme escompté, l'étalon roula des yeux et se cabra. Bien qu'ayant un excellent équilibre, ce qu'elle avait eu tout le luxe d'admirer chez lui, le hors-la-loi fut déstabilisé. Elle réitéra son action, cette fois-ci vers la croupe de l'animal et ce dernier bondit, indifférent aux rênes tendues par son cavalier, censées le retenir. Il accompagna sa fuite de ruades et désarçonna son propriétaire, qui chuta sur le dos en un cri rauque.
L'héritière ne lui permit aucun répit, s'agenouilla près de lui et tira sur sa cape pour redresser son buste. Il paraissait aussi surpris que sonné, la bouche déformée par la douleur. Un brin furieux, également... Car cette démonstration de pouvoir avait fait filer Önskan, et ce, bien hors de vue.
— Mon cheval !! Qu'avez-vous... ? commença-t-il.
Bien que se sentant un peu coupable, elle le coupa, sans effort de langage :
— Oh, ça va ! Il n'ira pas loin !
— Vous êtes inconsciente !
— Écoutez-moi bien ! gronda-t-elle.
Elle accentua sa menace en faisant danser devant son masque la lame qu'elle venait de lui piquer à la ceinture. Les lèvres du cavalier se refermèrent. Elle inspira, reprit son calme et une éloquence respectable :
— Ce n'est pas ainsi que l'on s'adresse à moi. Je ne suis pas une pauvre fille sans défense, est-ce clair ? Je ne suis ni votre jouet, ni inférieure à vous ! S'il faut vous mettre à terre, vous et tous les autres, pour que vous le compreniez, je le ferai. Une fois, deux fois, mille fois. J'y consacrerai ma vie, mes souffles jusqu'au dernier. Je vous interdis formellement d'user de quelconque menace à mon encontre ! Je me montre bien plus que clémente à votre égard !
Il acquiesça, lentement. Il n'avait pas l'air bien inquiet, mais étonné. Dans son monologue, elle s'était dangereusement approchée de son visage ; leurs nez se touchaient presque et elle sentait sa respiration, chaude, sur ses joues carminées. Elle contint ses frémissements et ne recula pas. Ses iris bleus restèrent ancrés aux siens, d'un brun moins ténébreux que quelques minutes plus tôt. Le silence s'épaissit entre eux jusqu'à ce qu'il murmure :
— Vous... Vous avez passé une mauvaise journée.
Les doigts de Kristina, toujours crispés sur le tissu, durcirent leur emprise une fraction de seconde avant de libérer son col. Elle se laissa basculer en arrière et tous deux, assis sans élégance, se regardèrent avec plus de distance. Elle posa la dague à côté d'elle et lui ne fit pas mine de bondir chercher son étalon.
Dans un élan de lassitude, elle confia :
— Encore faudrait-il qu'il y en ait de bonnes !
Le Ryttare pencha la tête, inquisiteur :
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Reine & Cavalier T1
Historical FictionRoyaume de Suède, 1632. La mort du roi précipite sa fille, Kristina, à la tête d'un royaume torpillé par de multiples conflits. Elle voit son enfance volée par ses précepteurs, son innocence balayée par le deuil. Et tandis qu'elle tente de se forger...