À propos du Critias

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Le Critias reprend, pour le compléter, le récit ébauché dans le Timée, de la guerre soutenue par les Athéniens contre les rois de l'Atlantide.

Critias commence par réclamer l'indulgence comme Timée l'avait fait avant lui. Il prétend même y avoir plus de droit que Timée ; car Timée avait à parler des choses divines, que nous ignorons, et la vraisemblance suffit aux auditeurs en de telles matières, tandis que lui va parler des choses humaines, et ici chacun se croit compétent et se montre un juge rigoureux.

Pour s'intéresser à la guerre, il est indispensable de connaître les antagonistes et de décrire les forces et le gouvernement des uns et des autres. Critias commence par les gens de son pays, les Athéniens. Quand les dieux se partagèrent le monde, Athèna et Hèphaistos reçurent en commun le lot de l'Attique. Ils y firent naître des gens de bien et leur enseignèrent l'organisation politique. Les noms de ces hommes se sont conservés, mais le souvenir de leurs actions a péri à la suite de déluges qui n'ont laissé subsister chaque fois que des montagnards illettrés. Le pays était alors habité par trois classes de citoyens : les artisans, les agriculteurs et les guerriers, qui habitaient à part, vivaient en commun, sans rien posséder en propre et n'exigeaient des citoyens qu'ils protégeaient que le strict nécessaire. Le territoire était plus étendu qu'aujourd'hui : il allait jusqu'à l'Isthme et comprenait la Mégaride, et il s'étendait au nord jusqu'au fleuve Asopos. La qualité du sol y était sans égale et pouvait nourrir une nombreuse armée. Depuis lors, les inondations ont dénudé le pays. Il était, en ce temps-là, couvert d'une terre grasse et fertile ; les montagnes étaient revêtues de forêts, et le sol gardait les pluies, qui alimentaient des sources et des rivières.

Quant à la ville, l'aspect en a été modifié par des tremblements de terre et des pluies extraordinaires, qui ont dilué et entraîné le sol. L'acropole s'étendait du Pnyx au Lycabette, formant un plateau revêtu de terre végétale. Sur ses pentes habitaient les artisans et les laboureurs, et, sur le sommet, les guerriers qui y vivaient en commun. Les guerriers administraient le pays avec justice, et ils étaient renommés pour leur beauté et leur vertu dans le monde entier.

Avant d'aborder le sujet de l'Atlantide, Critias prévient ses auditeurs que les noms des barbares qui l'habitaient ont été traduits d'abord par les Égyptiens dans leur langue, et que Solon les a traduits de même en langue grecque.

Dans le partage du monde, Poséidon avait obtenu l'Atlantide, île immense située au-delà des colonnes d'Hèraclès. Il y installa cinq couples de fils jumeaux qu'il avait eus de Clito, la fille du roi du pays. Ce roi habitait une montagne située au milieu d'une vaste plaine. Poséidon la fortifia en creusant autour trois enceintes circulaires concentriques, deux de terre et trois de mer, et fit jaillir au milieu de l'île deux sources abondantes, l'une d'eau froide et l'autre d'eau chaude. Il divisa le pays en dix lots en faveur de ses dix fils. L'aîné, Atlas, eut la souveraineté sur les autres, et le lot le plus beau, avec la demeure de sa mère, au centre de l'île. Cette île était d'une extrême richesse ; l'on en extrayait des métaux de toute sorte ; elle nourrissait toutes sortes d'animaux, en particulier des éléphants, et des arbres fruitiers de toute espèce.

Les habitants complétèrent l'œuvre du dieu de la mer, ils jetèrent des ponts sur les enceintes d'eau de mer pour ménager un passage vers le dehors et vers le palais royal, dont l'émulation des rois fit une merveille de grandeur et de beauté, ils creusèrent, de la mer à l'enceinte extérieure, un fossé propre à livrer passage aux plus grands navires, et à travers les enceintes de terre des tranchées assez larges pour permettre à une trière d'y passer. Ils recouvrirent ces tranchées de toits pour qu'on pût y naviguer à couvert, ils revêtirent d'un mur de pierre le pourtour de l'île où habitait le roi et transformèrent les carrières d'où ils avaient extrait les pierres en bassins souterrains pour les vaisseaux. Sur l'acropole, se dressait un temple immense, consacré à Poséidon et à Clito. Ce temple était revêtu d'or et rempli de statues de toute sorte. Autour des sources que Poséidon avait fait jaillir, on avait construit pour les bains des bassins à ciel ouvert pour l'été, et d'autres couverts pour l'hiver. Dans les diverses enceintes on avait ménagé des temples, des jardins, des gymnases, un hippodrome, des casernes pour la garde du prince. Les arsenaux maritimes étaient pleins de trières. Un mur circulaire, distant de cinq stades de la plus grande enceinte et de son port, était couvert d'habitations pressées les unes contre les autres, et le canal et le plus grand port étaient remplis de navires venus de toutes les parties du monde.

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