Valse à six temps

Chapitre 6

Il fallut plusieurs minutes à Alyona pour reprendre ses esprits et son souffle. Agrippée contre elle, Natasha tremblait de tout son corps. Sa peau, de glacée était passée à délicieusement chaude. C'était plutôt agréable de rester là, dans ses bras. Cela avait quelque chose de naturel.

— Seigneur. C'était quoi, ça ? Finit par demander Alyona.

— ça, c'était une morsure de vampire, répondit Natasha avec un petit sourire bizarrement satisfait.

— Oh. Je...

Alyona regarda le plafond quelques instants, puis se blottit un peu plus contre son amante.

— Wow. J'suis vivante ? Ouais, j'suis vivante. T'es une vampire mais t'es pas là pour me tuer. Okay. Punaise, je crois que je veux bien mourir comme ça. J'en veux encore.

Natasha riait en écoutant son monologue.

— Tu es pleine de surprises toi. Tu sais ce que c'est, un vampire ?

Alyona la regarda avec un air presque choqué.

— Bah, évidemment ? Qui ne sait pas ce qu'est un vampire de nos jours ? Y en a partout dans les livres et les films.

Natasha se sentait un peu tendue. D'habitude, elle ne prévenait pas quand elle mordait : elle hypnotisait ses amants d'un soir pour qu'ils ne se rappellent même pas que c'était arrivé. Ceux à qui elle révélait la vérité étaient rares, et choisis sur le volet ; des donneurs réguliers qui finissaient par se douter de quelque chose, et à qui elle accordait suffisamment de confiance. Mais jamais personne n'avait accueilli la nouvelle avec autant de spontanéité. Natasha soupçonnait Jay d'avoir carrément occulté l'information et de faire comme si c'était faux ; même Mélodie, pourtant cultivée et ouverte d'esprit, avait eu plus de mal à la digérer.

— Nous sommes censés être un mythe. D'habitude, les gens sont choqués d'apprendre que les prédateurs de la nuit sont réels.

Alyona la regarda la tête penchée sur le côté, un sourcil dressé.

— Chérie, tu m'as bien regardée ? Je suis une gothique. J'ai lu tout Anne Rice depuis l'adolescence. J'ai toujours rêvé de rencontrer un vampire en vrai.

Natasha éclata de rire.

— Maintenant, dis moi, continuait Alyona. Est ce que tu es un prédateur, comme tu dis ? Est ce que tu vas me sauter dessus et me massacrer en pleine nuit ? Je ne crois pas. C'est pas très cohérent avec la colocation et ton travail.

— Non, tu as raison. Je suis une gentille fille et je contrôle très bien mes désirs.

Enfin, sauf quand il s'agit de toi, pensa Natasha.

— Du coup, c'est juste trop cool.

— Désolée de t'avoir mordue sans prévenir, quand même.

Alyona roula des yeux vers le plafond.

— Franchement, vu le pied que j'ai pris, t'es toute pardonnée.

Natasha aurait voulu regretter ce qui s'était passé, chaque fois qu'elle croisa Alyona dans l'appartement le reste de la journée. Jamais elle n'aurait dû révéler ce qu'elle était à quelqu'un qui n'était pas censé devenir une donneuse. Elle aurait dû lui faire oublier aussitôt, ne l'autorisant à se souvenir que du plaisir ressentit. Elle n'aurait même jamais dû craquer et la toucher, tout simplement. Seulement... Elle n'arrivait pas à regretter. Alyona était aussi délicieuse qu'elle l'avait espéré. Et Natasha avait promis de lui réapprendre la confiance. Peut être en avait elle le droit elle aussi, d'avoir auprès d'elle quelqu'un qui savait ce qu'elle était sans attendre en retour. Une amie.