Chapitre 3

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L'orage de Chalais m'avait laissé plus de questions que de réponses. Ce n'était pas seulement la crise qui attirait l'attention des autres, mais aussi les visions étranges qui l'accompagnaient. Lorsque les pompiers m'ont ramené chez moi, l'inquiétude passée, ma mère m'a assailli de reproches sur mon imprudence, son ton oscillant entre la colère et une inquiétude étouffante. Elle me traitait comme un enfant, mais cette fois, cela m'importait peu. Mon esprit était ailleurs, absorbé par cette vision singulière.

Qu'avais-je vu exactement ? Était-ce une hallucination, un simple produit de mon imagination, ou bien quelque chose de bien plus réel ? Ces questions me hantaient, tournoyant sans cesse dans mon esprit. Cependant, je savais que je ne pouvais en parler à personne. Le simple fait de mentionner ces visions m'aurait sans doute valu un diagnostic de «délire hallucinatoire » ajouté à mon dossier médical. Il valait mieux garder le silence, éviter de susciter davantage d'inquiétude parentale.

Heureusement, mes parents étaient de plus en plus absorbés par les préparatifs de l'événement familial et par leur travail, me laissant enfin un peu de répit. Ce temps libre était une bénédiction. Je pouvais réfléchir, analyser, essayer de comprendre ce qui se passait réellement. Ce phénomène étrange m'intriguait, me poussait à chercher des réponses. Je savais qu'il me fallait découvrir la vérité, coûte que coûte.

Quatre jours plus tard, alors que je nettoyais une chambre sous le regard vigilant de Frau Maman, un mal de tête familier commença à poindre.

-Ça va, mon chéri ? s'enquit-elle, une pile de serviettes propres dans les mains.

-J'ai besoin de prendre l'air, marmonnai-je en quittant la pièce d'un pas précipité.

-J'appelle le docteur... lança-t-elle depuis le couloir.

-Non! Ça va passer, rétorquai-je sèchement.

Une fois dans la cour, je m'adossai à un arbre, cherchant un point de stabilité. Le ciel était dégagé, sans signe d'orage. Pourtant, comme à Chalais, l'air autour de moi se mit à vibrer. Je serrai les poings, sentant mes ongles s'enfoncer dans mes paumes. «Concentre-toi... Contrôle... C'est le seul moyen de reprendre ta vie en main. » Mes pensées se focalisaient sur un seul objectif :maîtriser ce phénomène.

Autour de moi, la campagne familière se transforma. Les champs, les pâturages, les maisons – tout se brouillait, se déformait. Peu à peu, une réalité différente émergea. Ce n'était plus la ville médiévale que j'avais entrevue la dernière fois, mais une campagne encore plus archaïque. L'air était pur, vif, presque éthéré, d'une clarté inconnue, même pour la Charente. Les hautes herbes grattaient mon pantalon, et aucun bruit de véhiculesou de machines ne perturbait ce silence. À la place, seulement le souffle du vent et le meuglement lointain de vaches d'une race inconnue.

Les alentours semblaient abandonnés, les champs laissés en friche, les fermes délabrées, comme si le temps s'était figé ou avait brutalement reculé. Un tas de pierres calcinées se dressait à l'horizon, témoin muet d'une catastrophe passée. Tout était d'un réalisme saisissant. Ce n'était pas une hallucination, c'était réel.

Alors que je commençais à m'acclimater à cet étrange environnement, une douleur sourde recommença à marteler mon crâne. Soudain, un craquement retentit derrière moi. Je me retournai brusquement et fis face à un homme, d'un âge indéfinissable. Il avait l'air affamé, son visage émacié, marqué par une maladie de peau peu ragoûtante. Vêtu d'une tunique sale et rapiécée, il me fixait d'un regard méfiant, ses yeux légèrement écartés lui donnant un air involontairement comique. Malgré sa faible stature, il brandissait un gourdin épais, prêt à me frapper.

-Kvat tu aret ? grogna-t-il dans une langue inconnue, mais son hostilité était claire.

La peur monta en moi, exacerbée par la douleur lancinante qui s'intensifiait. Avant que je puisse réagir, je perdit connaissance t, et j'ouvris les yeux sur le visage inquiet de mon père.

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