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Stephane

🦂

Une fois ma capuche ajustée sur ma tête, par-dessus ma casquette, je glisse mes mains dans les poches de mon pull surdimensionné. Les rares regards qui se tournent vers moi en franchissant la porte m'indiffère. Je scrute ce bar miteux avec intensité. Sans ménagement, je distingue la silhouette de mon amie, ou du moins ce qu'il en reste.

Juchée sur le tabouret en face du bar, il ne subsiste plus rien de la Zara joyeuse que j'avais rencontrée il y a trois ans. Elle semble fragile et épuisée. Ses épaules s'affaissent, reflétant fidèlement tout ce qu'elle a enduré ces dernières années.

Œuvre de Vincenzo Berlusconi.

Un pincement au cœur m'étreint inévitablement. Cet abruti a anéanti chacun de nous. Le savoir en taule n'effacera jamais toutes les vies qu'il a prises, encore moins les âmes qu'il a condamnées à errer telles des fantômes. Parmis elles : la mienne et celle de Zara.

Je m'installe à côté d'elle, interdite. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui balancer ? Que ce salaud est enfin derrière les barreaux et qu'il ne pourra plus nous pourrir la vie ? Le mal est déjà fait, malheureusement. J'vois pas c'qui pourrait nous tomber dessus de pire après Vincenzo.

Ma meilleure amie et toutes celles qu'il a traitées comme des objets ont morflé, éteintes.

Tu as réussi, sanglote Zara dans un murmure presque inaudible. Tu nous à sauvés.

Je lève les yeux vers le plafond, m'efforçant de dissimuler mes émotions. Je crève de la prendre dans mes bras mais je m'efforce de rester neutre. Zara court un danger à mes côtés, nous devons rester discrètes. Je refuse de risquer sa vie en vain. Vincenzo est peut-être derrière les barreaux, mais son complice rôde toujours dans les rues.

— On nous a envoyées dans un centre d'accueil spécialisé. Des psy nous aident à remonter la pente. Viens avec moi, ils t'aideront toi aussi...

Je secoue la tête plusieurs fois, refusant.

— Pas avant que James soit lui aussi derrière les barreaux. J'veux voir ces enfoirés en taule, c'est seulement là que j'pourrai souffler...

Je lève à nouveau les yeux vers le plafond.

Je refuse qu'il fasse encore d'autres victimes.

Jamais j'pourrais me regarder dans un miroir si j'partais avec Zara. J'ai balancé toutes les preuves à la flicaille, mais cette enfoiré de James reste introuvable. J'aurais dû m'assurer qu'il puisse pas s'barouder, mais j'ai foiré, trop obsédé par l'idée de voir ce salaud de Vincenzo Berlusconi en taule.

Ma meilleure amie me regarde comme si j'avais dit la pire des conneries.

— À cette heure, James a sûrement déjà quitté la ville, tu prends un gros risque, Stéphane.

— Et ces gamines sans défense sur qui il va s'acharner, on fait quoi ?

Cette fois, Zara retient plus ses pleurs. Elle attrape ma main et me supplie du regard.

Laisse la police s'en charger. Tu as déjà fait tout ce qu'il fallait. Si James te retrouve il... Il...

Il me tue.

Zara laisse sa phrase en suspend. Les larmes coulent à flots sur ses joues. Néanmoins, je reste immobile. La serrer dans mes bras est un risque que je ne peux pas prendre. James ne quittera pas le pays sitôt. Il va vouloir se venger et ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne découvre que c'est moi qui à tout balancé. Pour m'atteindre, il s'en prendra à Zara et toutes les autres filles.

—  N'ose plus jamais prendre de risques pour me rejoindre, Zara. Assure ta sécurité et veille sur les filles, je conclus en me levant du tabouret.

Elle saute vite de son tabouret pour me rattraper, essayant de me faire changer d'idée, mais j'ai pris ma décision. Ils sont nombreux à vouloir ma tête. En une journée seulement, j'ai fait tomber des politiciens, des hommes d'affaires réputés... 

Ces personnes qu'on voyaient à la télévision mais qui sont en réalité de vrais ordures.

Je sais que je vais mourir un jour ou l'autre. Si me débarrasser de James et de ses sales intentions de vendre des gamines innocentes est la dernière chose que je ferai dans ma vie, je le ferai sans hésiter.

🕸️

La rue du ghetto à Chicago à la tombée de la nuit, c'est sombre et agité. Les lumières qui clignotent laissent des coins sombres entre les bâtisses décrépies. J'entends des pas pressés et des voix chuchotantes, une atmosphère tendue et électrique règne. Des groupes se rassemblent dans l'ombre, ajoutant à cette ambiance lourde de méfiance et de vigilance qui imprègne ces quartiers.

L'air est lourd de l'odeur âcre des poubelles débordantes qui jonchent les rues. Les effluves de nourriture frite et épicée s'échappent des petits restaurants de quartier, se mêlant aux relents de tabac et de fumée de moteur des voitures qui passent.

Je porte peu d'attention aux alentours, me concentrant uniquement vers le chemin de ma maison. 

Ma petite baraque dans ce quartier rougeux est une vieille bicoque en brique, avec des volets déglingués qui claquent au vent. La peinture s'écaille, laissant entrevoir la brique rouillée en dessous. Les marches menant à la porte d'entrée sont usées. Les fenêtres sont petites et sales, filtrant à peine la lumière extérieure.

En plus de tous ceux qui veulent me descendre, les racistes du coin sont loin d'être aimables. On dirait que je suis née pour être détesté, la haine à mon égard est devenue mon lot quotidien.

La poignée de ma vieille porte usée semble tout droit sortie de chez Sofia Carson dans Purple Heart. Je l'ouvre non sans grande difficulté. À peine je pénètre dans ma demeure qu'une chair humaine surgit, son couteau sous ma gorge.

Où est mon fric connasse ?!





















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⏰ Dernière mise à jour : Sep 16 ⏰

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