Chapitre 5 - Partie 1

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Alexander

Après avoir quitté la cour du palais, je m'engouffre rapidement dans les couloirs, pressé de retrouver mon père pour lui faire part de ce qui s'est passé durant ma courte absence.

Une fois dans ses quartiers, je frappe durement à la porte de sa chambre. Au bout de quelques secondes, ma mère entrouvre, visiblement surprise de me trouver devant elle.

— Alexander, mon ange, que fais-tu là ? dit-elle en resserrant son peignoir autour d'elle.

Elle se recule pour me laisser pénétrer dans la pièce et sans perdre de temps, j'avance à grandes enjambées en direction de mon père. Il est assis dans un fauteuil près de la cheminée, lisant un de ces vieux livres qu'il affectionne tant. En me voyant arriver, il redresse la tête et dépose son ouvrage sur le guéridon.

— Que se passe-t-il ? demande-t-il avec une certaine inquiétude.

— Il se trouve que la fête d'anniversaire de la princesse Enora a été annulée, et j'aimerais savoir pour quelle raison le roi d'Amara se permet de me faire perdre mon temps de cette façon, je grommelle avec une colère mal contenue.

— Ah oui, j'ai appris la nouvelle, répond-il simplement, croisant les jambes avec nonchalance. La princesse Enora a été enlevée, ils se sont donc vus dans l'obligation de reporter la fête. Après tout, elle en était l'invitée d'honneur.

— Quoi ?

La nouvelle me frappe de plein fouet, un souffle s'échappe de mes lèvres, incapable de cacher ma stupéfaction. La princesse Enora ? Enlevée ? Je ne peux pas y croire.

La simple idée qu'un tel acte ait pu être commis contre l'héritière du royaume d'Amara me semble totalement insensée. Après tout, qui aurait l'audace de mettre ainsi en péril la paix fragile qui règne entre nos trois royaumes ? C'est impossible, personne ne voudrait risquer de provoquer un autre conflit après les horreurs qui ont conduit à leur séparation.

— Comment êtes-vous au courant ?

La question s'échappe de mes lèvres avant que je n'ai pu la retenir. J'ai besoin de réponse, besoin de dissiper le voile d'incompréhension qui enveloppe mes pensées.

— J'ai reçu une missive du roi Léopold.

— Depuis quand êtes-vous en communication ? Et pourquoi vous contacte-t-il ? Vous a-t-il demandé de l'aide pour retrouver la princesse ?

Mon père lève les yeux au ciel, lassé de mes questions incessantes. Ma mère, quant à elle, se tient silencieusement derrière lui, les mains posées sur ses épaules, peu désireuse de prendre part à cette conversation délicate.

— C'est une longue histoire, mon garçon, trop longue pour être racontée à une heure aussi tardive. Mais si tu veux tout savoir, cet événement concerne aussi notre royaume. Nos contrées sont liées par des choses dont tu ignores encore l'existence. Je t'expliquerai tout demain matin, mais pour l'instant, tu ferais mieux d'aller te reposer.

Malgré mon envie de protester et de réclamer des réponses, je sais mieux que personne à quel point mon père peut se montrer têtu. Après tout, ce n'est pas de n'importe qui que je tiens mon tempérament. Je reviendrai à l'assaut demain à la première heure, mais pour l'instant, je dois écouter ses conseils et reprendre des forces. Car si la princesse Enora a effectivement été enlevée, rester inactif n'est pas une option. Et pour pouvoir lui venir en aide, j'ai besoin de toute ma lucidité et de toute ma détermination.

Enora

Le lendemain matin, des coups puissants résonnent à la porte de ma chambre, me réveillant en sursaut. Je me redresse dans le lit, mon cœur battant à tout rompre dans ma poitrine tandis que j'essaye désespérément de me rappeler pourquoi je me trouve dans cette pièce inconnue. Je n'ai cependant pas le temps de rassembler mes pensées que les coups se font entendre à nouveau, plus insistants.

— Mademoiselle Alice, le roi demande à vous voir dans la grande salle ! crie une voix grave de l'autre côté de la porte.

Hannah me regarde, complètement affolée. Moi non plus, je ne comprends pas ce que cela signifie, mais je n'ai d'autre choix que de me rendre à cet entretien.

— Ne t'inquiète pas pour moi, je chuchote à Hannah. Je vais vite revenir.

Je me dépêche de rejoindre l'homme qui m'attend dans le couloir, jetant un dernier regard à mon amie avant de refermer la porte derrière moi.

La perspective de cette rencontre me rend nerveuse. Je ne peux m'empêcher de me demander pour quelle raison le roi lui-même a sollicité ma présence dès mon arrivée dans le palais. Je prie pour que personne ne m'ait reconnue et n'ait averti le roi. Je ne suis jamais venue dans le royaume de Lumia, mais il n'est pas impossible que certains habitants aient déjà vu un de mes portraits...

Pour tenter de me distraire de ces pensées qui polluent mon esprit, je laisse mon regard vagabonder sur les lieux autour de moi. Le palais est magnifiquement décoré, cela ne fait aucun doute. De grandes tapisseries recouvrent les murs, offrant un contraste saisissant avec l'austérité des pierres grises. Ces œuvres d'art racontent des histoires formidables, narrant des batailles épiques ou des scènes d'amour courtois. Sur les murs, se trouvent également des portraits des anciens dirigeants, parfois même de leurs épouses. Le sol, quant à lui, est recouvert de lourds tapis aux motifs finement tissés. Tout dans cet endroit crie richesse et puissance, me faisant me sentir encore plus minuscule.

Après avoir traversé trois couloirs et monté deux escaliers, nous arrivons enfin devant la salle du trône. Une discussion animée semble se tenir à l'intérieur, et d'après l'intensité des cris qui me parviennent, je ne peux que supposer qu'il s'agit du prince et de son père.

Le valet frappe à la porte pour signaler ma présence, provoquant de ce fait l'arrêt de toutes les conversations. Le silence est étouffant, plus personne ne bouge ou ne dit mot. Je commence à me dire que je ne suis peut-être plus la bienvenue. Juste au moment où j'envisage de faire demi-tour, la porte s'ouvre brusquement, révélant un prince en colère.

— Qui ose-nous déranger ? tonne-t-il d'une voix forte.

Je recule d'un pas, dérangée par cette soudaine agressivité. Leur conversation devait être sacrément désagréable pour qu'il s'en prenne ainsi à quelqu'un qui n'a rien demandé.

Lorsque le regard du prince se pose finalement sur mon visage, ses yeux s'écarquillent de surprise. Il ne s'attendait visiblement pas à me trouver derrière la porte.

— Alice ? Qu'est-ce qu'une esclave fait ici ? demande-t-il avec perplexité.

Le roi se penche légèrement sur son siège, m'adressant un sourire chaleureux.

— Ah, mon invitée est là, s'écrie-t-il avec satisfaction. Alexander, j'apprécierais que tu me laisses discuter un peu avec la demoiselle.

Malgré la banalité de ses paroles, l'intonation du roi ne laisse aucunement place à la discussion. Alexander fronce les sourcils, contrarié, mais n'ose pas contester les ordres de son père. Il me laisse faire quelques pas avant de quitter la pièce, claquant la porte derrière lui dans un fracas assourdissant.

— C'est à se demander de qui il tient son caractère de cochon, soupire le roi. Approche, mon enfant, je ne vais pas te manger, ajoute-t-il avec bienveillance.

J'avance timidement, tout de même intimidée par l'homme devant moi. Malgré ses cheveux grisonnants et ses yeux fatigués, tout dans sa personne impose le respect. Je comprends mieux de qui le prince a hérité son charisme redoutable.

— Il me semblait bien t'avoir reconnue hier soir. Quand j'ai entendu tout le chahut provoqué par votre arrivée, je n'ai pas pu m'empêcher de regarder par la fenêtre. En voyant cette petite frimousse, je me suis dit qu'elle ne pouvait appartenir qu'à une seule personne, et je ne me suis pas trompé. Tu n'as presque pas changé depuis la dernière fois que j'ai eu le bonheur de te voir...

Unis par le DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant