Chapitre 28 : Talking to the Sun (1)

541 160 74
                                    

« J'ai retrouvé mon souffle sur tes lèvres.
J'ai savouré la joie de vivre à même ta bouche.
J'ai réappris à aimer grâce à ton cœur.
Pitié, tue-moi si un jour tu songes à me quitter, car je ne peux pas guérir sans le poison de tes baisers... »

Moon to Sun in another life,

Tu es sûr que tu ne veux pas que je te raccompagne chez toi ?

Je détache ma ceinture de sécurité en secouant négativement la tête. Un rapide coup d'œil à l'horloge m'indique qu'il est déjà plus de vingt-trois heures. Je suis levé depuis l'aube, la journée a été longue, pour ne pas dire carrément interminable, mais chaque seconde passée à l'extérieur de la ville m'a fait l'effet d'un véritable renouveau. Parfois, j'oublie que le monde ne se résume pas à Port Isabel, et qu'en dehors de ses frontières, je suis juste un gars comme les autres.

— Non, merci. J'ai laissé mon vélo sur le parking du lycée, ce matin. Et comme ce sont les vacances, je préfère le récupérer tout de suite. Ça m'évitera d'avoir à refaire le chemin à pied.

En plus, la voiture de Monsieur Henrique est trop petite pour pouvoir le mettre dans le coffre ou à l'arrière, sur la banquette. On se croirait dans une boîte de sardines tellement on y est à l'étroit.

— Très bien, abdique-t-il, mais pense à bien m'envoyer un message pour me signaler que tu es rentré. Je vais m'inquiéter, sinon.

Je souris. Un vrai sourire, pour une fois. Peut-être me fais-je des films, mais j'ai l'impression que mon professeur se soucie davantage de moi maintenant que je parviens à insuffler des émotions dans ma musique. Non pas qu'il se fichait de mon sort, avant. Du moins, je ne l'espère pas. Disons plutôt que je sens une différence, tant au niveau de nos interactions que des conseils qu'il me dispense dans le but de m'améliorer. C'est comme s'il avait enfin compris que j'étais un être humain. Pas juste un robot qui tape sur les touches bicolores de son piano parce qu'il a été programmé depuis tout petit à le faire.

— D'accord. À la semaine prochaine.

— Attends, me retient-il, une seconde avant que je m'extirpe de mon siège. La prudence veut que l'on évite de mettre la charrue avant les bœufs, et oui, on obtiendra les résultats officiels qu'à la rentrée, mais tiens... c'est pour toi.

Monsieur Henrique fouille l'intérieur de sa poche durant quelques secondes, puis me tend un mediator de guitare en métal tellement griffé que l'acier en est devenu mat. Je le fixe d'un air hébété, sans savoir comment réagir. Dois-je le remercier ? Lui demander pourquoi il m'offre cette vieillerie ? Ou juste faire comme si je comprenais la raison d'un tel cadeau ?

Je n'ai jamais été très branché par la guitare. C'est un instrument trop commun et... hum, disons-le, facile à apprendre. Le piano aussi, c'est vrai. Mais les mélodies que l'on peut en tirer sont bien plus complexes et polyvalentes, s'inscrivant sur plusieurs registres et niveaux d'interprétations. Eh oui, je suis sûrement un peu snob de penser de cette façon, mais j'ai toujours privilégié le classique à l'acoustique, plus populaire chez les jeunes de mon âge.

— Merci, finis-je par répliquer. C'est... gentil.

Je l'entends rire tout bas tandis que je sors de la minuscule citadine qui m'a conduit jusqu'à Houston pour la première étape du concours susceptible de changer le cours de ma vie. Six heures de route à l'aller, et plus de sept heures au retour à cause des embouteillages. Une éternité sur les autoroutes goudronnées pour à peine quelques minutes de représentation - c'était parfait. Désormais, je ne désire plus qu'une seule chose : me dégourdir les jambes et respirer à pleins poumons l'air marin en provenance de l'océan.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : a day ago ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

UNFAIR Où les histoires vivent. Découvrez maintenant