Chapitre 16

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C'était impossible. Comment cela pouvait-il être vrai ? Pourtant, ce qu'elle venait de se remémorer – la maison qui explose, notamment – la poussait dans cette direction. Arielle regarda son ravisseur dans les yeux et sut. Mais elle avait besoin de l'entendre.

- Vous êtes... Kamal Hamid ?

Le concerné, toujours debout, sourit et baissa la tête, signe qu'elle avait raison. La jeune femme n'y aurait pas cru ni même pensé une seule seconde quelques minutes plus tôt s'il n'y avait pas eu ces horribles brûlures qui marquaient la moitié de son visage. Pourtant, tout coïncidait : l'incendie de la maison de la famille Hamid en 2001, sa ressemblance avec son frère Farid, son accent marocain. Mais comment avait-il appris le français ? Peut-être qu'il vivait sur le territoire depuis plusieurs années sans que personne n'ait soupçonné sa véritable identité. Il avait aussi pu apprendre la langue au Maroc. Mais ce n'était pas ce qui perturbait Arielle le plus. Ne pouvant s'empêcher de montrer sa stupéfaction, elle prononça, presque pour elle-même :

- Vous étiez mort...

Kamal releva la tête et lui répondit :

- Officiellement, je le suis encore.

Il récupéra la photo et la remit dans le dossier qu'il posa par terre. Puis il reprit place sur la chaise en face de sa prisonnière et se lança :

- Quand j'avais dix ans, ma maison a pris feu. Mais ça, tu le sais sûrement.

Le fait que cet homme la tutoie alors qu'elle ne l'avait jamais rencontré avant la déstabilisait, mais elle savait que c'était le moindre de ses soucis pour le moment.

- J'ai perdu ma mère, ce jour-là, continua-t-il. C'est grâce à elle que je suis resté en vie tout ce temps. Elle m'a sauvé. Mais lorsqu'il y avait toutes ces flammes autour de moi, je ne pensais vraiment pas que j'allais m'en sortir.

Pourquoi lui racontait-il tout ça ? Arielle savait que, s'il lui avouait tout cela, c'est qu'il ne comptait pas la laisser partir. Mais, pour le moment, sa curiosité était plus intense que sa peur de mourir. Elle voulait savoir comment il avait survécu.

- Ma mère s'est sacrifiée, ce jour-là. Et ça, je ne l'ai jamais oublié. Mais mon père s'est démené, lui aussi. C'est lui qui m'a amené à l'hôpital où on m'a mis dans le coma pendant deux mois. Et mon état ne s'arrangeait pas. Les docteurs disaient que je n'avais aucune chance et que, même si je me réveillais, je vivrais constamment dans la douleur et que ce n'était pas une vie. Mais la vérité, c'était que l'hôpital n'avait pas les moyens nécessaires de me donner les meilleurs soins qu'il pouvait y avoir dans d'autres pays. Comme la France. Mon père, qui avait des contacts là-bas, a fait en sorte que je les reçoive. Si cela avait été n'importe quelle autre famille, j'aurais été transféré à Paris dans un centre de traitement des brûlés car ils disposaient de plus de matériels et de savoir-faire qu'au Maroc et j'avais plus de chance là-bas. Mais, à ce moment-là, il était suspecté d'être en contact avec des organisations terroristes. Et s'il mettait un pied sur le territoire européen, il n'aurait pas pu s'occuper de moi. Donc il m'a ramené à la maison, notre nouvelle maison. Comme il avait pas mal d'argent, il a pu construire une pièce rien que pour moi, avec le même matériel qu'à l'hôpital. Et il a fait venir des médecins français jusqu'à nous pour qu'ils s'occupent de moi. Et ça a fini par payer car je me suis réveillé deux mois plus tard. J'ai passé quatre mois dans le coma en tout et je vous assure que c'était la partie la plus facile à vivre. Les années qui ont suivi n'ont été que rééducation, deuil et combat contre la douleur.

- Mais, le coupa Arielle en secouant la tête, comment vous expliquez qu'un certificat de décès ait été fait à votre nom ?

- Encore une fois, c'est mon père qu'il faut remercier. À l'époque, je ne comprenais pas, mais aujourd'hui, je peux te dire que ça m'aide bien pour agir sans que personne ne sache qui je suis. La preuve, toi-même tu ne le savais pas !

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