• 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐓𝐑𝐄𝐍𝐓𝐄-𝐍𝐄𝐔𝐅 | 𝑯𝒆𝒓 𝒐𝒘𝒏 𝒆𝒏𝒆𝒎𝒚 •

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Bonne lecture,

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CHAPITRE TRENTE-NEUF

ARCHIBALD

Il est midi passé quand je sors de la réunion qui a duré toute la matinée. La chaleur du début d'été me frappe en pleine figure en quittant mes bureaux. Je ferme les yeux un instant, respire profondément l'air pollué de Manhattan et monte dans ma voiture.

Je suis épuisé. Et pourtant, je n'ai pas envie de rentrer chez moi. J'essaye de ne pas penser à tout ce qui a changé, depuis qu'Ari n'est plus là.

La voiture roule sans bruit, les rues familières défilent sous mes yeux, je suis perdu dans un labyrinthe de pensées. Deux mois se sont écoulés depuis l'incident. Deux mois où chaque jour la même scène se rejoue dans ma tête. J'ai vraiment cru que j'allais mourir ce jour-là.

Je me gare devant la maison, juste derrière la voiture d'Ari. Je n'y ai pas touché depuis qu'elle s'était garée là, le jour où tout a explosé.

Je franchis la porte et tape le nouveau code de la maison pour désactiver l'alarme. L'idée qu'une autre personne que moi le connaisse provoque une certaine anxiété en moi. J'avance dans le hall, et dépose mon attaché-case sur le canapé où je passe la quasi-totalité de mes soirées avant de repartir le lendemain au bureau.

Je monte les escaliers jusqu'à ma chambre et m'introduis dans ma salle de bain. Je me débarrasse de mes vêtements. Mes mouvements s'arrêtent quand j'aperçois la cicatrice, juste au-dessus de mon nombril. Mon index glisse sur la peau boursouflée. Mes poils s'hérissent quand les souvenirs défilent devant mes yeux. Je me change rapidement avant de quitter ma chambre.

Quand je me suis réveillé à l'hôpital, j'étais seul. Ari n'était même pas là. Au début, je pensais qu'elle était aux toilettes ou pire qu'elle était partie au poste de police pour se dénoncer alors que je ne comptais pas porter plainte. Mais j'ai appris qu'elle avait appelé son psychiatre et expliqué ce qu'il s'était passé.

Elle était considérée comme instable alors il l'a interné. J'ai essayé de l'en empêcher, car je savais ce que ça faisait d'être enfermé entre quatre murs et d'être assommé sous une quantité monstre de médicaments. Mais je n'ai rien pu faire, Ari avait accepté d'être prise en charge.

L'air est lourd, saturé de silence. Je pousse la porte de la chambre d'Ari, la penderie est toujours ouverte. Je suis là pour récupérer ses affaires. On a enfin eu l'autorisation de la voir alors je voulais lui ramener quelques vêtements. Machinalement, je prends la petite valise posée en haut et choisis quelques ensembles confortables. Je me baisse pour prendre quelques sous-vêtements. Mais quelque chose attire mon attention. Une boîte en métal. Elle est là, enfouie sous des vêtements, presque comme si elle cherchait à se cacher.

Un frémissement m'envahit. Je me souviens de ce que Duncan - l'alter d'Ari m'avait dit. Il parlait de mots et de lettres qu'elle gardait cachées. Il se pourrait qu'ils se trouvent là-dedans ? Je me penche en avant, attrape la boîte d'un mouvement rapide. Elle est légère, mais le froid qui en émane m'enveloppe immédiatement.

Il y a une serrure, je me redresse et retourne dans la chambre. Je fouille dans le meuble près de l'entrée, le tiroir du bureau et les deux tables de chevets. Je trouve une petite clé mais quand je l'insère, ça ne se déverrouille pas.

Je me précipite dans la cuisine, ouvre le tiroir des couverts et attrape un couteau. J'enfonce l'acier pointu dans la serrure et tourne brusquement d'un sens à l'autre. Elle finit par se casser et la boîte s'ouvre, laissant jaillir plein de bout de papiers et des pages pliées sur elles-mêmes. Chaque lettre semble avoir été écrite dans un état de frénésie.

Des dates sont inscrites sur le dos des lettres. J'en déplie une, la gorge soudainement serrée. Les mots défilent devant mes yeux, des phrases courtes et désordonnées. C'est une lettre d'Ari.

14 Juin 2017

Je crois que je suis somnambule. Je fais des rêves dans lesquels je déambule dans les rues sans but précis, puis je me réveille et réalise que ce n'était pas simplement des rêves. Je suis dans The Green Park, allongée sous un soleil ardent. Autour de moi, des familles profitent du beau temps mais je ne sais plus comment je suis arrivée là et je ne me souviens pas de m'être endormie. C'est comme si je m'étais téléportée, sans avoir conscience de mes actions. La braise brûle ma peau et je me redresse pour m'en aller, j'ai cours d'embryologie aujourd'hui. C'est tout ce dont je me rappelle.

J'en attrape une seconde.

21 Août 2017

Mes mystérieuses escapades deviennent de plus en plus fréquentes et j'ai peur de faire une connerie qui pourrait m'être fatale. Et si je me faisais percuter pendant que je suis inconsciente de mes actes ? Je ne peux pas m'empêcher de penser que ce ne serait pas une si mauvaise idée. Je rejoindrais ma maman et mettrais fin à cette souffrance causée par son absence. Mon somnambulisme devient trop dangereux pour mon corps et incontrôlable pour moi. Il faut que j'aille consulter..

3 Mai 2018

Après un an à batailler contre moi-même, j'ai enfin réussir à franchir les portes du spécialiste. Je ne sais pas pourquoi j'ai mis autant de temps, je crois que j'avais peur que ce soit pire que ce que je pense. Puis je me suis dit que rien ne peut être pire que la mort de ma mère. Toute ma vie tournait autour d'elle et elle s'est volatilisée du jour au lendemain, emportant mon âme avec elle sans me consulter avant..J'ai enfin réalisé quelques examens..

4 mai 2018

Le verdict est tombé. C'est pire que ce que je craignais. Je ne souffre pas de somnambulisme. Mais d'un trouble dissociatif de l'identité. Je ne vis pas seule dans ce corps. Quelqu'un d'autre partage mon espace personnel et n'hésite pas à me mettre en veille pour prendre ma place. Il se surnommerait Duncan et je n'ai aucun contrôle sur lui. Mon médecin m'explique que Duncan est né à cause du traumatisme de la perte de ma mère et du manque d'amour que j'ai ressenti. S'ajoute à ça, la dépression que je n'avais pas réalisé vivre. Mon esprit a créé Duncan, plus complexe et dangereux que jamais, pour me protéger. Ce n'est pas censé me rassurer et pourtant j'y trouve un certain réconfort..

15 Juin 2018

Mon portable sonne pendant que j'écris ces mots. C'est encore mon psychiatre, il cherche à me joindre mais je refuse d'avoir affaire à lui. Ça fait un mois qu'il me harcèle pour que je vienne le voir sous prétexte que c'est pour mon bien-être. Il n'a pas dû m'écouter quand je lui ai parlé de ma mère et du fameux bien-être qui a disparu avec elle. Mon psychiatre m'a rappelé encore deux fois, je l'ai laissé sur ma messagerie qui lui dit bien d'aller se faire voir.

Je saisis la dernière lettre mais il n'y a pas de date sur celle-ci.

À ma douce Ari, je sais que tu liras cette lettre un jour. Je veux que tu me pardonnes pour ce que je vais faire. Tu dois savoir que je fais ça pour ton bien, parce que ça me tue de savoir que tu souffres, alors j'ai pris les choses en main pour que tu sois enfin libre. J'espère que tu me comprendras.

Duncan.

Mes doigts chiffonnent la feuille. C'était juste avant l'incident et j'ai l'étrange sensation que c'est comme si ces mots m'étaient adressées, comme si Ari était toujours là, mais à travers cette folie qui s'est emparée d'elle.

Qu'est-ce qu'il se passe petite sirène ?


***

À dans quelques minutes..

𝐅𝐀𝐋𝐋𝐄𝐍 𝐁𝐑𝐈𝐃𝐄Where stories live. Discover now