Chapitre 20

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Soren - POV

La rage. Elle me consumait. Une colère brute, sauvage, mêlée à une douleur si intense qu'elle en devenait insoutenable. Je voulais hurler. Je voulais frapper jusqu'à ce que mes poings ne soient plus que des plaies ouvertes. Mais tout ce que je faisais, c'était trembler.

Je me suis levé brusquement de ma chaise, mes jambes vacillant sous la force de l'émotion. Sans réfléchir, j'ai quitté la pièce, ignorant les cris paniqués de mes hommes derrière moi.

— « Reviens, Boss  ! »

Mais je n'écoutais pas. Je ne voulais pas les entendre. Je ne voulais entendre personne.

J'ai traversé le couloir jusqu'à ma chambre, ma vision floue, presque obscurcie par cette vague de rage qui s'insinuait en moi. J'ai claqué la porte derrière moi, puis je l'ai verrouillée. Mes mains tremblaient alors que je tournais la clé, et quand le clic retentit, ce fut comme si une barrière invisible s'était brisée.

Je me suis mis à tout détruire. Mes mains saisissaient tout ce qu'elles pouvaient trouver : les livres que j'aimais tant, les lampes, les vases. Tout ce qui m'entourait, je l'ai jeté, fracassé contre les murs. Une partie de moi pleurait pour ces objets, mais une autre, bien plus forte, riait de leur destruction.

Le rire me surprit. C'était un son rauque, cassé, presque étranglé par les sanglots qui le suivaient. Et pourtant, je ne pouvais pas m'arrêter. Je riais et pleurais, ma voix résonnant dans la chambre dévastée. Je ne savais même plus quoi ressentir.

Quand je vis mes livres éparpillés au sol, mon souffle se coupa un instant. Ils n'étaient pas déchirés, seulement renversés. Cela aurait dû me soulager, mais ce fut l'inverse. Un poids s'abattit sur ma poitrine. Je n'avais même pas eu le courage de leur faire du mal.

Mes yeux se posèrent alors sur une petite boîte ouverte, son contenu renversé au sol. Mes pilules. Ces maudites pilules.

Je m'assis là, au milieu du désordre, les genoux repliés contre ma poitrine. Le sang coulait de mes mains, où des éclats de verre s'étaient enfoncés. Je n'avais même pas senti la douleur. Un vase brisé gisait à côté de moi, un fragment encore couvert de mes empreintes rouges.

Je restais là, immobile, fixant ce chaos.

Et puis, la question revint. Cette question qui me hantait depuis si longtemps.

— « Est-ce que tout ça est ma faute ? »

Ma gorge se serra. Une chaleur glaciale se répandit dans ma poitrine. Non. Je savais la vérité. Ce n'était pas moi. Ce n'était jamais moi.

C'était elle.

Ma mère.

Elle avait toujours été la fautive. C'est elle qui avait mis cette arme entre mes mains. C'est elle qui avait souri ce jour-là, comme si ma mort aurait été une victoire. Mais personne n'y croyait. Pas à l'époque. Pas maintenant. Et pourquoi le feraient-ils ?

Ils avaient préféré croire que j'étais le monstre.

Mes poings se serrèrent malgré la douleur des coupures, et un rire sec, amer, m'échappa.

Ma sœur.

Cette pensée fit naître un nouvel orage en moi. Ma sœur. Celle qui aurait pu parler. Celle qui aurait pu me défendre. Mais elle n'avait rien fait. Au contraire. Elle avait murmuré ces mensonges à l'oreille des voisins, puis à celle des journalistes.

— « Soren a essayé de tuer maman. »

Les mots me hantent encore.

Je frappai le sol de toutes mes forces, sentant l'impact vibrer dans mes os. La rage reprit le dessus, dévorant tout sur son passage. Je voulais crier, mais ma gorge était vide, mes poumons incapables de pousser le moindre son.

Et puis, comme une flamme consumée, je m'éteignis.

Je ne pouvais plus bouger.

Je me laissai tomber en arrière, m'allongeant sur mon lit défait. Le plafond flou se dessinait au-dessus de moi. Chaque battement de mon cœur résonnait comme un tambour lointain.

Je repensai à ce jour-là, à ce sourire cruel sur son visage, à cette arme entre mes mains tremblantes, à son rire. Et je réalisai que la rage n'était qu'un masque, une barrière pour cacher ce qui se trouvait en dessous.

La peur.

Et la tristesse.

Mes paupières se fermèrent lentement. Mais le souvenir, lui, ne partirait jamais.

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Flashback

La chambre de Soren était plongée dans une obscurité oppressante, les volets fermés étouffant toute lumière extérieure. La faible lueur de la lune dessinait des ombres spectrales sur les murs dénudés, tandis qu'il restait assis sur son lit, fixant le vide. La porte grinça lentement.

Sa mère entra, pieds nus, une arme froide dans les mains. Son sourire n'était pas celui d'une mère aimante, mais une courbe cruelle, presque dérangée.

— « Pourquoi ne ressens-tu rien ? Pourquoi es-tu... si inutile ? » murmura-t-elle, sa voix douce, mais glaciale.

Soren resta immobile, figé par une terreur qu'il ne laissait jamais transparaître. À l'intérieur, c'était un chaos, une panique qu'il n'arrivait pas à maîtriser.

Elle leva l'arme, le regardant comme un prédateur face à une proie sans défense.

— « Les choses iront mieux sans toi. »

À cet instant, quelque chose se brisa en lui. Ce n'était pas la peur, mais une sorte de désespoir brûlant, mêlé à un instinct brut.

Il se jeta sur elle, saisissant le canon de l'arme d'une main tremblante. Ils luttèrent dans un silence presque surréaliste, seuls le grincement du métal et les respirations hachées brisaient l'atmosphère.

Dans la confusion, ses doigts effleurèrent la gâchette. Un coup partit, résonnant comme une explosion dans la petite pièce. Le mur derrière eux porta la marque de son erreur : un trou noir, fumant, où aurait pu se trouver sa mère.

Elle éclata de rire. Pas un rire nerveux, ni paniqué, mais un rire tordu, empli de satisfaction.

— « Tu ne peux même pas faire ça correctement... »

Elle quitta la pièce, laissant Soren seul avec le froid, le poids de l'arme dans ses mains, et une tache indélébile dans son esprit.

Quelques heures plus tard, lorsque les cris de ses parents retentirent dans la maison, les voisins accoururent. Ce fut sa sœur Claudia qui déclara, les larmes aux yeux :

— « Soren a essayé de tuer maman... »

Les regards de tout le monde se tournèrent vers lui, un mélange d'horreur et de mépris. Il ouvrit la bouche pour se défendre, mais aucun son ne sortit. Il savait que personne ne le croirait.

Et alors qu'il croisait le regard de sa mère, elle souriait encore.

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