𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 5 : 𝕽𝖊𝖋𝖑𝖊𝖙 𝖉𝖊 𝕯𝖔𝖚𝖙𝖊𝖘

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𝕬𝖑𝖊𝖝𝖆𝖓𝖉𝖗𝖊







Assis sur ce banc solitaire, je laissais mes pensées errer, portées par le souffle léger de l'automne. Le vent caressait ma peau, frais et vivifiant, tandis que les dernières lueurs du jour filtraient à travers les branches des arbres, projetant des ombres mouvantes sur le sol pavé.

Un tapis de feuilles rouges et dorées s'étendait à mes pieds, crissant sous le moindre mouvement. J'observais distraitement leur danse aléatoire, presque hypnotique. Une sensation étrange me traversait, un mélange de lassitude et de tension, comme si quelque chose échappait à ma compréhension, hors de portée.

Le monde autour de moi semblait tourner à une vitesse que je ne pouvais plus suivre, comme si j'étais coincé dans un instant suspendu, à l'écart du temps et des choses qui me donnaient habituellement tant d'énergie.

La journée avait été longue. Les débats en classe, les conversations sans fin, tout cela aurait dû me stimuler, me plonger dans l'ivresse intellectuelle que j'appréciais tant. D'habitude, j'adorais ces moments où les idées s'entrechoquent, où les esprits s'opposent avec force et subtilité. Mais aujourd'hui, rien n'y faisait.

Chaque mot prononcé, chaque argument énoncé par mes camarades me paraissait fade, dénué de la profondeur qui m'avait tant passionné. Une sorte de déconnexion s'était installée en moi, comme si les sujets que l'on abordait glissaient sur ma conscience sans réellement m'atteindre.

Je m'interrogeais. Pourquoi ce vide soudain ? Je n'étais pourtant pas du genre à douter, encore moins à me remettre en question. J'avais toujours cette assurance, ce goût pour la confrontation, ce besoin constant de prouver que j'avais raison.

Et les autres... Et bien, les autres se contentaient souvent d'observer, de rire à mes remarques mordantes, ou d'essayer, vainement, de me remettre à ma place. Ils n'y arrivaient jamais vraiment, et j'en tirais une certaine satisfaction.

Mais aujourd'hui, rien. Le silence dans ma tête me dérangeait. Je me sentais étranger à moi-même, comme si je cherchais un nouveau défi, quelque chose de plus grand, plus captivant.

Et c'est là qu'elle apparut dans mes pensées. Sofia. Je ne savais pas réellement pourquoi elle me revenait en tête à ce moment-là.

Peut-être parce que, quelque part, elle symbolisait cette dissonance que je ressentais depuis quelques jours. Ou sûrement parce que notre première rencontre m'avait laissé un goût amer. Elle m'avait renversé du jus dessus lors de cette conférence, un accident si ridicule qu'il aurait pu passer inaperçu.

Mais au lieu de cela, c'était resté gravé dans ma mémoire, plus que je ne voulais l'admettre.

Je me souvenais de la sensation collante du jus sur ma chemise, du liquide qui s'infiltrait, colorant le tissu blanc d'une tache vive et éclatante. J'avais jeté un regard taquin vers elle, prêt à lui lancer une pique cinglante, une de ces remarques sarcastiques dont j'avais le secret.

Et pourtant, elle n'avait pas réagi comme les autres. Pas de rougeur gênée, pas d'excuses maladroites ou d'efforts désespérés pour corriger son erreur.

Cette indifférence, cette manière de me traiter comme n'importe qui, m'avait déstabilisé. Pourquoi ne cherchait-elle pas à se rattraper ? À se faire pardonner ? D'habitude, les gens se pliaient en quatre pour me plaire, ou au moins éviter mon courroux.

Mais elle, rien. Je me souvenais de son regard, calme et indifférent, comme si j'étais transparent. Peut-être ne m'avait-elle même pas vraiment vu. Probablement que j'étais simplement une silhouette de plus dans cette salle bondée.

Et c'est cela qui m'irritait le plus, en réalité. Son absence de réaction, son refus implicite d'entrer dans ce jeu où tout le monde essayait de se positionner, de capter l'attention.

Elle ne semblait rien attendre de moi, ni admiration ni confrontation. Et cette pensée piquait ma curiosité, mais aussi mon orgueil. J'avais l'habitude d'être au centre, d'être celui qu'on remarquait, qu'on craignait ou qu'on admirait.

Pourtant, quelque chose en moi savait que cela n'avait aucune importance. Ce n'était qu'un incident. Mais malgré moi, son visage me revenait en tête, ce regard distant, ce sourire à peine perceptible, comme si tout cela ne comptait pas.

L'Ombre d'Oxford Où les histoires vivent. Découvrez maintenant