PART 2: Ceci n'est pas un cluedo (Two-shot)

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La lumière d'une lampe vacillante baignait la pièce d'une teinte jaunâtre maladive, projetant des ombres qui semblaient danser sur les murs moisis. Au centre de la pièce, une flaque écarlate séchait lentement sur le parquet craquelé, dégageant une odeur de métal mêlée à celle plus douceâtre de la mort.

Elle était là, étendue sur le sol comme une poupée démembrée, sans âme, sans visage. Son corps rigide était posé dans une posture étrangement soigneuse, presque rituelle, les bras disposés à ses côtés, les jambes légèrement croisées. Mais ce qui attirait immédiatement l'attention était son cou. Là où aurait dû se trouver sa tête, il ne restait qu'une plaie nette et déroutante, une coupure parfaite, comme si une scie chirurgicale avait accompli un travail presque clinique. Pas de bavure, pas d'hésitation. Un acte méthodique.

Un détail encore plus perturbant se trouvait sur sa main droite. Là où son majeur aurait dû être, il ne restait qu'un moignon irrégulier, brut, comme si le doigt avait été arraché à la hâte ou peut-être découpé dans un moment d'extrême précision. 

Les murs étaient ornés de griffures à peine visibles, des sillons tracés à la va-vite, comme si quelqu'un avait voulu laisser un message mais avait été interrompu. Entre deux de ces lignes, une étrange inscription était griffonnée au rouge — ou était-ce du sang? Un symbole indéchiffrable qui semblait pulser d'une malédiction silencieuse. Au-dessus, un miroir fissuré reflétait la scène dans une vision déformée, amplifiant l'horreur par un écho grotesque.

Le reste de la pièce était étrangement ordonné. Une table en bois massif, immaculée, sur laquelle reposait un couteau à viande propre, comme fraîchement lavé. Une chaise en osier placée à l'envers, comme si quelqu'un avait pris le temps de tout ranger après l'abomination.

- Joli, n'est-ce pas ? s'extasia Lucy, tirant Annah de sa contemplation morbide.

La rousse se tourna vers elle, bras croisés, ses lèvres rouges s'étirant en un sourire charmeur. 

- Je savais que ça te plairait. 

La blonde resta un moment sans parler, lèvres pincées, yeux écarquillés, regardant tour à tour le cadavre, puis les murs. 

- Pourquoi...? murmura-t-elle finalement, d'une voix chargée par le ressentiment.

- Parce que tu te plains tout le temps de te faire chier au travail. Tu vois ? Je fais des efforts. Au lieu de mon lit, je te fous dans une formidable enquête.

Annah se tourna vers elle, le reflet d'un éclair luisait dans ses yeux noircis. Son visage se déforma rapidement en une affreuse moue de colère pure, avant de reprendre son habituel teint malade et calme. Lucy ne fit pas un geste, mais n'en perdit pas une goutte, son joli sourire ne quittant pas ses lèvres.

La blonde fit un pas et la prit par les deux pas de sa blouse blanche. La rousse eut l'air un instant paniqué, sentant son souffle se couper violemment lorsque la main de Annah se posait sur sa gorge:

- Tu me prends pour une imbécile ?

- Seulement quelques fois, ricana Lucy, qui blêmissait en sentant le souffle agressif de Annah dans son propre cou, offert à ses mains. 

- Tu crois que je n'avais pas remarqué que l'assassin est le même que celui de ma mère ?!

- Oh, la perspicacité te rend si sexy ! 

Annah confronta son regard un moment, mâchoire serrée, poitrine gonflée, tremblant légèrement, avant de la lâcher. Malgré son air tranquille, sa collègue se tint la gorge en soufflant longuement, comme pour faire retomber la pression.

- En effet, Charpentier, c'est bien le même assassin que celui qui a tué celle qui travaillait avec moi il y a deux ans de ça... Ta mère. 

- Oh, étrange que tu ne l'appelles plus "ta femme", gronda Annah en lui lançant un regard noir. 

Recueil de one-shotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant