Chapitre 31 : le retour S

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Quelques jours après avoir envoyé mon message, l'attente était insupportable. Chaque vibration de mon téléphone me faisait sursauter. Puis, un soir, alors que je ne m'y attendais plus, son prénom s'afficha.

Message de S :
Salut Laura,
Ton message m'a surpris. Honnêtement, je ne sais pas quoi dire. Ça fait quatre ans... Mais si c'est important pour toi, alors on peut se voir. Je suis en Angleterre en ce moment, mais je rentre le mois prochain pour quelques jours. Dis-moi.

Je relus ce message une dizaine de fois, essayant de percevoir son ton, de deviner ses émotions entre les lignes. Était-il indifférent ? Blessé ? Curieux ?

Moi :
Merci, S. Ça compte beaucoup pour moi. Dis-moi quand tu seras disponible, je m'adapterai.

Le rendez-vous fut fixé. Nous nous reverrions, quatre ans après.

Les Retrouvailles

Le jour arriva, et avec lui une tempête de sentiments que je ne pouvais maîtriser. J'étais nerveuse, presque tremblante. Le lieu de rendez-vous, une vieille usine abandonnée, évoquait un souvenir commun : celui de nos escapades adolescentes, quand nous étions jeunes et insouciants.

Quand je l'aperçus, mon cœur se serra. Il n'avait pas tant changé, mais son regard portait une gravité nouvelle. Une partie de lui semblait différente, plus dure, plus distante.

S :
« Salut. »

Sa voix était calme, presque neutre, mais quelque chose dans son ton laissait transparaître une tension, un mélange de curiosité et de méfiance.

Moi :
« Salut... »

Le silence entre nous était lourd, rempli de tout ce qui n'avait jamais été dit. Il finit par briser cette barrière invisible.

S :
« Alors ? Pourquoi ce message après tout ce temps ? »

Sa question était directe, sans détour. Mon cœur battait à tout rompre.

Nous marchâmes ensemble à travers l'usine, nos pas résonnant dans le vide. L'exploration semblait être un prétexte, un moyen de retarder ce moment que je redoutais tant. Enfin, je pris une profonde inspiration.

Moi :
« Je sais que ça peut sembler étrange... ou trop tard. Mais je voulais te voir pour te dire quelque chose que je n'ai jamais eu le courage de t'expliquer. »

Il hocha la tête, attendant la suite.

Moi :
« Tu te souviens de cet été ? Le moment où tout a changé entre nous ? »

Ses yeux se durcirent légèrement, mais il resta silencieux.

Moi :
« Ce que je ne t'ai jamais dit, c'est ce qui s'est réellement passé. Pourquoi je suis partie, pourquoi je t'ai laissé sans explications. »

Je marquai une pause, cherchant mes mots.

Moi :
« S... cette soirée-là... j'ai été agressée. Violée. »

Les mots sortirent comme un souffle coupé, mais leur poids résonna dans l'espace vide autour de nous.

Il s'arrêta de marcher, me regardant, abasourdi. Son visage passa de l'incrédulité à la douleur.

S :
« Quoi ? Laura... Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi tu as gardé ça pour toi ? »

Ses questions n'étaient pas accusatrices, mais pleines d'une tristesse contenue, d'une incompréhension qui crevait les yeux.

Moi :
« Parce que je ne savais pas comment. Parce que j'avais honte. Je pensais que c'était ma faute. Et surtout, j'avais peur... peur que tu ne me crois pas, ou que tu me vois différemment. »

Il passa une main sur son visage, secouant légèrement la tête.

S :
« Tu pensais que je ne te croirais pas ? Laura... putain. Je t'ai aimée. J'aurais tout fait pour toi, tu comprends ? Tout. Et tu as préféré partir sans rien dire ? Tu m'as laissé me demander ce que j'avais fait de mal, pendant toutes ces années ! »

Sa voix se brisa, et je vis les larmes monter dans ses yeux. C'était la première fois que je voyais S aussi vulnérable.

Moi :
« Je suis désolée, S. Je sais que j'ai tout gâché, mais je n'avais pas les mots, pas la force. J'étais détruite, et je ne savais pas comment te l'expliquer. »

Un long silence s'installa. Il se détourna, regardant l'horizon, les mains sur les hanches, comme s'il cherchait à reprendre son souffle.

S :
« Tu sais quoi ? Je t'en ai voulu. Vraiment. Pendant des années. Mais maintenant que je sais... putain, je me sens con. Comment j'ai pu t'en vouloir alors que... »

Il s'arrêta, la gorge serrée, avant de se tourner vers moi.

S :
« Tu n'aurais jamais dû porter ça seule. Jamais. »

Ses mots brisèrent quelque chose en moi, et je me mis à pleurer, incapable de contenir l'émotion. Il s'approcha, hésitant, puis posa une main sur mon épaule.

La Nuit d'Évasion

Après cette discussion, nous décidâmes de quitter l'usine. Nous nous rendîmes dans un petit bar, comme pour retrouver une légèreté qui nous avait échappé. Les verres s'enchaînèrent, et avec eux, les rires retrouvèrent leur place. C'était comme avant, mais teinté d'une maturité nouvelle.

Plus tard, un kebab à la main, nous étions garés dans sa voiture sur un parking désert. Le silence entre nous n'était plus pesant, mais apaisant.

S :
« Je suis content qu'on ait parlé, Laura. Ça m'a fait mal, mais je crois que j'avais besoin de comprendre. De comprendre pourquoi tu étais partie. »

Moi :
« Moi aussi, j'avais besoin de ça. Merci de m'avoir écoutée. »

Il sourit doucement, et je sentis une chaleur familière monter en moi. Le passé ne nous semblait plus aussi lourd.

Quand nous arrivâmes chez moi, tout se fit naturellement. Nous étions ivres, mais pas seulement de l'alcool. De tout ce qui s'était dit, de tout ce qui ne s'était pas dit. Nos regards se croisèrent, et ce fut suffisant.

Je l'embrassai, ou peut-être fut-ce lui. Peu importe. Tout ce que je savais, c'est que je ressentais quelque chose que je n'avais pas ressenti depuis longtemps : une véritable connexion.

Dans la chaleur de cette nuit, nous fîmes l'amour, mais c'était bien plus que cela. C'était une réconciliation, un moment où les blessures s'effaçaient, où le passé et le présent se mélangeaient dans une étreinte pleine d'émotions.

Le Départ

Au petit matin, alors que la lumière perçait à travers les rideaux, S s'habilla en silence. Il se tourna vers moi, le visage serein mais mélancolique.

S :
« Je repars demain. Et je crois que c'est mieux comme ça. »

Moi :
« Je sais. Nos chemins sont différents maintenant. Mais je suis contente qu'on ait eu cette nuit. »

Il hocha la tête, s'approcha et me serra une dernière fois dans ses bras.

Quand S est parti, j'ai pleuré. Pas de tristesse, mais de soulagement. Pour la première fois en quatre ans, je me sentais légère, entière.

S n'était plus un fantôme dans mon esprit, mais une personne à qui j'avais rendu la vérité. Et cette vérité, aussi douloureuse qu'elle fût, m'avait libérée.

Il m'avait rendu quelque chose que je croyais perdu : une part de moi-même.

Fragments d'un discours amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant