Je me réveille en câlinant mon oreiller placé du côté où Seth était quand je me suis endormie. Ma mère est déjà partie, probablement de retour au travail, la chose la plus importante dans sa vie. Il ne faut surtout pas que quelqu'un fasse un mauvais calcul quand elle n'est pas là. Je me demande pendant un moment si tout ça est réellement arrivé. Mon ange est de nouveau parti, probablement au travail comme il dit, et je n'ai aucune preuve qu'il existe. C'est ce que je dois faire : trouver une preuve indéniable que je ne suis pas en train de devenir folle et que les anges de la mort existent réellement. Je ne peux pas me fier seulement à ma mémoire. Je dois trouver quelque chose qui restera avec moi quand Seth n'est pas là. Tout ça, alors que je suis enfermée dans ma chambre. Je fais ça pour moi-même, ce n'est pas un secret que je veux partager avec qui que ce soit. Je me sens spéciale d'être la seule mortelle à savoir tout ça.
Aujourd'hui, une psychiatre viendra m'évaluer. Alors que je suis si bonne pour raconter une histoire, j'en ai déjà inventé une spécialement pour elle. Je me sens bien à l'hôpital grâce à l'aide du docteur Thibeault. Je regrette déjà ma huitième tentative de suicide et je pense être sur le chemin de la guérison. Je savais que je partirais bientôt et que j'avais encore besoin de thérapie. Malheureusement, je croyais que le seul moyen d'avoir de l'aide était d'essayer de me suicider. Je ne voulais pas mourir. J'avais tout prévu pour faire en sorte que je sois sauvée à temps puisque je savais qu'Émilie prenait bien soin de moi et me trouverait rapidement. J'avais simplement barré la porte par mégarde, un automatisme de quand j'allais aux toilettes.
Ma tentative de suicide était seulement un wake up call pour le personnel de l'hôpital. L'attente est tellement longue quand on veut parler à un psychologue gratuitement dans le réseau de santé publique. J'avais l'impression que je devais faire quelque chose de sérieux parce que c'est tellement difficile de recevoir de l'aide quand on souffre de maladies mentales. J'ai déjà lu dans le journal que certaines personnes attendaient de six mois à deux ans et je ne pouvais pas attendre tout ce temps. S'il y a une seule personne à blâmer, c'est le gouvernement qui n'investit pas assez d'argent dans le système de santé, surtout pas en santé mentale. Maintenant que j'ai accès aux bons soins du docteur Thibeault, je me sens en sécurité et je ne tenterai plus de me faire mal. Je vais même le promettre.
La psychiatre qu'on m'a envoyée a l'air d'avoir suivi tous les livres de psychopop à la lettre. Le genre de personne qui a : « VIVRE – RIRE – AIMER » affiché au-dessus de son lit et qui publie des essais avec des titres comme « Une marche avec moi », « 10 règles pour apprendre à s'aimer » et « Libérez-vous des contraintes ». Elle semble l'avoir eu facile dans la vie : une belle blonde aux yeux bleus élevée par une famille aisée et dont le plus grand drame dans sa vie a été d'avoir moins de 80 % comme note finale dans un cours lors de son programme de médecine. Elle est habillée comme si elle posait pour des stocks photo : cheveux attachés, sarrau blanc, belle robe bleue descendant au bas des genoux et talons hauts pour montrer qu'elle est prête à souffrir pour être belle pendant ses douze heures de travail. Clairement, quelques patients imbéciles fantasment sur elle et elle les laisse aller parce que ça flatte son égo. Elle reste pour moi toujours profondément incompétente puisqu'elle s'acharne à trouver des solutions superficielles à des problèmes qu'elle n'a jamais vécus.
Pourtant, elle ne dit presque rien et je passe tout mon temps à parler. Son silence est vraiment malaisant, comme si je dois m'occuper de la conversation uniquement par moi-même. Elle ne fait que répéter ma dernière phrase et je ne peux pas m'empêcher de continuer. Bien sûr, je ne veux pas vraiment de thérapie, contrairement à ce que je lui ai dit, mais je sens que c'est un bon compromis pour que je ne prenne pas de médication. C'était facile de passer à travers une consultation en racontant des histoires en lien avec des problèmes de mortels normaux. Mais ce qui m'enrage, c'est que la médecin ne fait que sourire et hocher la tête tout le long. Je ne peux pas comprendre ce à quoi elle pense. Est-ce qu'elle me croit ? Me déteste ? Est-ce qu'elle pense que je suis folle ? Est-ce qu'elle sourit comme une conne parce qu'elle s'imagine que je suis une autre de ces patientes qui trippent sur elle ?
Quand elle est part, je n'ai toujours aucune idée de ce qui va arriver. Qu'est-ce qu'elle va dire au juge ? Elle s'est probablement déjà fait une idée en lisant mon dossier et ne se préoccupe pas de ce que je lui ai dit. Même si j'avais dit les choses les plus saines au monde et avait trouvé le remède au cancer (ou plutôt tous les cancers, il y en a plusieurs), elle ne m'aurait jamais cru. Je me sens trahie. Ma vie pourrait être gâchée par une inconnue qui ne sait rien sur moi et qui ne sait même pas tenir une conversation. Et le juge va la croire elle plutôt que moi parce qu'elle a un doctorat en bitcheries alors que je suis pourtant la seule experte de ma pensée. La meilleure chose que je peux faire en ce moment est d'agir normalement. Ce qui est assez difficile à faire puisque je sors avec un fantôme.
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Elle aimait la mort (Nouvelle édition augmentée)
ParanormalJusqu'à ce que la mort nous sépare... Et si la mort nous permettait de nous retrouver ? Je suis tombée en amour avec un ange de la mort. Ils ont voulu me convaincre que je vivais un délire jusqu'à ce que je doute de ma propre réalité. J'ai tout fait...