Dans le chapitre précédent...
Serpentart fonce dans l'immeuble en flamme. Il affronte l'intérieur des flammes pendant que Sara réceptionne les blessés à la sortie de l'immeuble.
Laborieusement, Serpentart parvint à trouver les derniers blessés en vie. Il use la moindre de ses forces pour les sauver. Arrivé à l'extérieur, son soulagement est de très courte durée : il est arrêté sur le champ.
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Je ne me souviens plus de grand-chose après mon arrestation. La fatigue et le manque de magie me faisaient sans cesse osciller entre conscience et inconscience. Tout ce que je sais, c'est que lorsque je m'éveillais quelques heures plus tard, j'étais entouré des fichus murs bleus du Conseil. Pire, j'étais dans une cellule. Bien évidemment, impossible de contacter Souffre à l'intérieur de ma prison. Tout ce que je pouvais faire, c'était attendre.
Deux heures plus tard, on me conduisait à travers les couloirs jusqu'à une grande salle. Lorsque je compris où je me trouvais exactement, je ravalai toute la confiance en moi et ma hargne habituelle. J'étais vraiment dans la merde.
Devant moi, six Conseillers sur un piédestal.
En bas de leur estrade, moi.
Je n'étais pas juste dans une grande salle comme une autre. J'étais dans la salle la plus prestigieuse de l'institution. La salle réservée à l'élite suprême du Conseil. Là où les rois demandaient audience, là où les plus grands crimes étaient jugés. Je n'avais jamais été aussi stressé de ma vie. La situation s'aggrava quand une voix me parvint :
— Je récapitule les faits, annonça le Conseiller le plus à gauche, vous avez été surpris sur le territoire de magie blanche, il y a quelques heures. Pire encore, vous êtes accusé d'avoir provoqué le départ d'incendie de l'immeuble et d'être le responsable de la mort de onze personnes. Au vu de la loi numéro quarante du Pays Blanc, vous êtes responsable d'un délit de haute importance. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?
La voix résonna dans l'espace, se répercutant sur les murs. Les douze yeux posés sur moi me pesaient énormément. J'avais craint toute ma vie d'être confronté à eux. Parmi tous les Conseillers, certains ont un rôle plus important que les autres. Proposer des nouvelles lois, juger ceux qui ne respectent pas ces lois, maintenir l'ordre même du Conseil... J'avais devant moi les Patriarches.
Les deux membres les plus au centre étaient les plus âgés et les plus expérimentés. Leur regard auraient pu me tuer sur place sans soucis. Pour les autres, de droite à gauche, on trouvait le maître des mentors, M. Senda. C'était le plus jeune de tous. Quarante ans environ avec quelques cheveux grisonnants. Il avait une peau mate, des yeux gris et un visage neutre. Il joignait ses mains devant lui d'une manière calme. Il semblait plus curieux qu'autre chose.
Ensuite, il y avait la seule femme présente dans la salle. Je ne savais pas de quoi elle était responsable mais elle semblait plus contrariée qu'autre chose. C'était Mme. Imano. Avec ses yeux bridés et son côté sérieux, on ne pouvait pas se tromper quant à son origine. Elle venait des plaines changeantes de la magie rose. À côté d'elle, il y avait tour à tour, M. Fraser, M. Hogren, M. Diggle et M. Ropper. Tous les quatre se ressemblaient. C'était de vieux hommes, en tunique du Conseil et avec des longues barbes. Seuls quelques détails les différenciaient. M. Ropper portaient des lunettes, M. Diggle, un chapeau traditionnelle du Royaume Jaune, M. Hogren tenait une canne et enfin, M. Fraser un monocle sur l'œil gauche.
Les avoir en face de moi, tous... J'avalai difficilement ma salive. Maintenant, plus qu'à n'importe quel moment, je ne pouvais risquer un pas de travers. J'avais tellement entendu d'histoire sur eux, leur secret et leur ambitions. Je les connaissais tous, même si je ne les avais jamais rencontrés. Et pour cause, j'avais devant moi les responsables du bannissement de mon mentor.
Les cinq Patriarches qui exilèrent le sixième.
Ils attendaient tous ma réponse. J'inspirai un bon coup pour me calmer. Je ressentais une gêne dans ma respiration. L'inhalation de fumée m'avait fait du tort. Je devrais me soigner après cet entretien. Alors que j'expirais doucement pour calmer les battements affolés de mon coeur, je répondis :
— La dénommé Sara Vulpecula a été alertée du départ de feu dans l'immeuble. J'étais avec elle à ce moment-là et lui ai proposé mon aide. C'est pour cette raison que je me trouvais sur le territoire de magie blanche. Le feu était déjà là à notre arrivée.
Seul le frottement du stylo de Mme. Imano sur le papier rompait le silence. J'ignorai si Sara allait être interrogée où l'avait déjà été. J'espérai simplement qu'elle aurait une version proche de la mienne. J'étais resté aussi près de la vérité que possible, sans trop en dévoiler. Je ne pouvais rien faire de plus dans cette situation.
— Comment avez-vous pu vous déplacer jusqu'à ce lieu ? m'interrogea M. Hogren. Si vous aviez utilisé la magie pour vous y rendre, vous auriez été immédiatement abattu.
Les mains moites, je dus me résoudre à leur révéler des informations que je voulais garder pour moi :
— Je ne suis pas un simple sorcier.
La curiosité illumina directement leur regard.
— Expliquez-vous plus précisément, fit Mme. Imano avec intérêt.
Je voulais éviter de trop leur parler de moi pour ne pas qu'ils puissent établir un lien avec mon mentor. Mais je devais tout de même lâcher un peu d'informations pour combler leur interrogation.
— Connaissez-vous l'Autre Monde ?
—Évidemment, M. Fraser est chargé de le surveiller, m'indiqua-t-elle.
— Je suis originaire de là-bas. Du Royaume des Serpents pour être précis. Nous vénérons une espèce sacrée qui peut être appelée en cas de force majeure pour se déplacer. J'y ai fait appel pour cette fois.
La femme hocha la tête, signe qu'elle était satisfaite. Malheureusement, ce n'était pas le cas pour les autres Conseillers :
— M. Fraser, confirmez-vous ces affirmations ? demanda M. Hogren.
— Ce sont les larmongands. Mais seule la famille royale peut les contrôler.
Tous les regards se tournèrent vers moi. Je n'avais jamais caché mon nom de famille depuis mon arrivée ici. Cependant, c'était le prénom de mon père qui était le plus connu à travers les différents Royaumes. Aussi, j'admis :
— C'est vrai. Je suis Serpentart Nídhanta, septième fils de Brahmà et prince au service du nouveau roi, Simon Nídhanta.
Les patriarches se tournèrent entre eux pour murmurer. Toute ma confiance s'était envolée. J'espérais qu'ils ne feraient pas le lien entre M. Gouva et moi. Certes mon mentor avait été banni plus loin que mon royaume natal, mais cela n'empêchait pas de comprendre que seul lui avait pu me former pendant ces années. Leur messe basse durait déjà depuis un moment. Mon malaise s'intensifia encore. Avaient-ils des doutes sur moi ? Sara avait-elle raconté je-ne-sais quoi à mon sujet ? Une sueur froide dégoulina le long de mes tempes. Et s'ils avaient compris que j'étais un vampire ? Que c'était moi qui avait tué des innocents ? J'avalai difficilement ma salive. Il ne fallait pas qu'ils sachent.
Les murmures cessèrent. Mon coeur rata un battement quand M. Diggle prit la parole :
— Après étude de vos déclarations et des différents témoignages des mages blanc, nous jugeons que, malgré l'entorse à la loi numéro quarante de la magie blanche, vous avez contribué à l'évacuation et au sauvetage de trois civils. Ceci, en pleine connaissance des risques et sanctions encourus.