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4 mois auparavant.
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J'ai trouvé où loger.

Enfin où placer ma voiture, pour être plus exacte.

Les quelques économies que j'ai pourraient me permettre de dormir quelques semaines dans un hôtel, mais je préfère les garder pour me nourrir, me faire un petit relooking avant la rentrée et mes deux mauvaises addictions. Quand mon père m'enverra mon argent, je verrais pour trouver un toit sur ma tête. Pour l'instant, je regarde par dessus mon rétroviseur et ma caisse ne me parait pas un choix si terrible.

Ça fait deux jours seulement que je suis dans cette ville paumée, et je n'ai toujours pas trouvé un moyen de la voir. Comme par hasard, comme si elle sentait ma présence, elle ne poste plus de story sur des sorties avec ses amis. Ça me rend fou.

Je me gare en vitesse puis entre dans un magasin pour faire des courses. J'achète ce que je peux et ce qui ne pourrira pas au chaud. Des céréales, des gâteaux, des chips, du pain et des cacahuètes. Ce n'est en effet pas des aliments fait pour dîner, mais je n'ai pas le choix. De temps en temps, comme hier soir, j'irais dans un fast-food bon marché pour prendre un vrai repas et ça me suffira. Tout me suffit si ça me rapproche d'elle.

Bien évidemment, je finis par les rayons alcool. Je prends un paquet de bière, une bouteille de vodka et une boisson gazeuse. Je sais que ce n'est pas bien ce que je fais, qu'elle ne l'accepterait pas si elle était présente, mais j'ai l'impression que ça m'aide à aller mieux. Je sais que c'est illusoire, mais ça me va.

Je montre ma fausse carte d'identité au caissier et il l'a regarde à peine, me donnant seulement le prix à payer. Je repars, souriant dans ma voiture.

Puis je passe, comme beaucoup de prochains jours, ma journée à boire et fumer, mon téléphone en main, en espérant un signe de vie d'Anna et un indice sur l'endroit précis où je pourrais la retrouver.

***

Une demi semaine après, j'ai enfin ce que je désirais. Eva, une amie d'Anna, a posté une story instagram en filmant une table avec trois milkshake, en identifiant le compte tenu par le café. Je devine qu'elle est avec Anna et leur autre ami. Enfin, c'est ce que j'espère de tout mon coeur.

Quinze minutes plus tard, je me gare devant l'établissement, nerveux. Avant de commencer à conduire, j'ai mis des nouveaux vêtements et je me suis parfumé. En même temps que mon petit shopping improvisé, je suis passé chez le coiffeur hier. J'ai l'air potable — enfin c'est ce que je tente de montrer.

En sortant de ma caisse, mes jambes tremblent un peu. Avant de faire interruption, je cherche un visage familier, à travers la vitre. Je fronce les sourcils et ressent une pique dans la poitrine quand ce n'est pas le cas. Bien évidemment, j'aurais dû m'en douter. Je n'ai pas été assez rapide et elle est partie. Tout de suite, je regrette mes efforts inutiles pour lui plaire une fois qu'elle me reverra. Car à cause d'eux je ne vais pas la rencontrer, aujourd'hui.

Je perds patience. J'ai besoin de la voir.

Je tente quand même de tourner pour faire le tour des fenêtres, tel le psychopathe d'un film d'horreur des années 90.

J'ai l'air si désespéré mais je ne contrôle pas mes sentiments.

Jamais, quand il s'agit d'elle.

Elle. Mon cœur se fige quand je l'aperçois, après tant de mois éloignés. Au départ, je pense à une illusion, à mon esprit qui me joue des tours, mais quand je cligne des yeux plusieurs fois, Anna est toujours là. Assise à côté de son ami. Elle paraît illuminée. Et elle paraît illuminer ce qu'il l'entoure, par sa simple présence.

Elle porte un sourire qui fait chavirer mon organe vital, elle touche les mèches lisses de ses cheveux comme si elle était nerveuse et j'aimerais être là pour la rassurer, ou pour faire ce geste à sa place. Et bordel, son visage est aussi angélique et parfait qu'à notre époque ou sur les photos que j'ai pu apercevoir d'elle sur internet.

Je reste sur place, mes poings allant d'eux même contre la vitre qui nous sépare et sur ses terribles mètres qui empêchent nos regards de se rencontrer. Je pince mes lèvres, douloureusement. Fais attention à moi. Offre moi ton sourire, même si je ne le mérite pas.

Mais non, elle ne me voit pas. Elle discute avec ses proches. Ceux avec qui elle s'est reconstruite quand je suis resté la cause de ses maux. Je ne peux lui en vouloir, cela serait égoïste et culotté, mais j'avouerai que cette vision pince mon cœur.

Je l'observe rire et je jure que même à cette distance, je sens les vibrations de ce son qui ressemble à un pansement. Un pansement qui soigne tout en ravivant mes plaies encore fraiches...

Ma gorge se serre et je fais un pas en arrière. Puis un autre. Encore un autre suit ce mouvement de résignation.

Ça suffit. Ma poitrine ne peut plus supporter ça.

Je me recule, et brutalement mon estomac se tord en deux et j'imagine que c'est mon âme qui combat mon corps pour rejoindre sa soeur. Mais j'ai l'impression que je vais mourir si je continue à voir Anna aussi proche et aussi loin à la fois, alors malgré ce mal intense, je me dois de partir.

Je rejoins ma voiture, les joues mouillés et le coeur en mile morceaux. Et de mes doigts tremblants j'attrape une cigarette dans l'espoir que ce poison efface l'effet de celui de l'amour sur moi.

Le son de nos mauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant