ISMAÏL
Le matin commence doucement, comme tous les autres. Je suis réveillé avant l'aube par l'appel à la prière. C'est une habitude ancrée, une routine que je ne brise jamais, même les jours où la fatigue se fait sentir. Après avoir prié, je reste un moment dans ma chambre, plongé dans mes pensées.
Dehors, la rue est encore plongée dans la pénombre. Je jette un œil par la fenêtre. La maison d'en face, toujours tranquille, sauf cette lumière que je vois parfois tard le soir, dans la chambre de Zina. Je me surprends à me demander ce qu'elle fait à ces heures-là. Elle a toujours un carnet à la main ou un livre ouvert, comme si le reste du monde n'existait pas pour elle.
Je détourne le regard. Ce n'est pas le genre de pensées que je devrais avoir. Pas pour elle. Zina, c'est la petite sœur de Souleymane, mon meilleur ami. Je la connais depuis toujours, mais ces derniers temps, quelque chose a changé. C'est gênant, presque déstabilisant.
Après une rapide séance de révisions, je descends prendre un café avec ma mère. Elle est déjà occupée dans la cuisine, préparant des plats pour la journée.
— Tu as bien dormi, Ismaïl ? demande-t-elle sans lever les yeux de sa casserole.
— Oui, ça va, je réponds en sirotant mon café.
— Tu travailles trop, mon fils. Tu devrais te détendre un peu.Je souris vaguement. Elle me dit ça tous les jours. Mais comment pourrais-je me détendre avec mes études, mes responsabilités, et tout ce que j'ai à prouver, à moi-même et aux autres ?
Après le petit-déjeuner, je sors pour rejoindre Souleymane. Il m'a proposé qu'on se retrouve à la bibliothèque de la fac pour travailler un peu.
La matinée passe rapidement. Souleymane, fidèle à lui-même, passe plus de temps à parler qu'à étudier.
— Franchement, Ismaïl, tu te prends trop la tête, lance-t-il en refermant brusquement son manuel. Tu es déjà le meilleur de ta promo. Qu'est-ce que tu veux de plus ?
— Rien, je réponds calmement. Juste rester concentré.Il ricane, mais je sais qu'il me respecte pour ça. Souleymane a toujours été plus détendu, plus insouciant. Moi, je suis l'opposé. Chaque détail compte. Chaque choix a une conséquence.
Alors qu'on quitte la bibliothèque, il mentionne Zina.
— Tu sais, ma sœur est toujours dans ses bouquins. Elle rêve de devenir écrivaine, tu te rends compte ?
Je hoche la tête, sans vraiment répondre. Je ne veux pas entrer dans ce sujet, pas avec lui.
— C'est bien qu'elle ait un rêve, je finis par dire, plus pour combler le silence qu'autre chose.
En début d'après-midi, je passe chez eux. C'est devenu une habitude, un réflexe presque. Souleymane m'invite toujours, et je finis par céder. Leur maison est un lieu familier, un espace où je me sens presque chez moi.
Quand j'entre, Zina est là, assise sur le canapé avec un livre ouvert sur ses genoux. Elle ne lève pas tout de suite les yeux, mais je sens sa présence. C'est étrange, comme si elle éclairait la pièce sans vraiment le savoir.
— Alors, tu as fini ta dissertation, Zina ? demande Souleymane en riant.
— Pas encore, répond-elle doucement, sans lever les yeux.Je l'observe un instant, fasciné par la concentration qu'elle met dans tout ce qu'elle fait. Mais je me reprends rapidement. Je ne devrais pas la regarder comme ça.
— Elle est toujours en train d'écrire, ajoute Sofiane, moqueur. Peut-être qu'un jour, elle écrira sur nous. Ça ferait une sacrée histoire, non ?
Zina relève enfin les yeux, visiblement agacée par la remarque, mais elle garde son calme.
— Pourquoi pas, rétorque-t-elle avec un sourire léger. Je pourrais écrire sur des frères insupportables qui passent leur temps à embêter leur petite sœur. Ça ferait un carton.
Tout le monde éclate de rire, même moi. Elle a ce don de répondre avec justesse, sans jamais être agressive. Mais au fond, je sens qu'elle est fatiguée de toujours devoir défendre ses choix, même en plaisantant.
Souleymane, toujours fidèle à son rôle de grand frère taquin, enchaîne.
— Ismaïl, tu devrais lui donner des idées. Toi qui lis autant, tu pourrais lui prêter quelques-uns de tes bouquins de gestion !Je souris légèrement.
— Pas sûr que ça l'inspire pour ses histoires, je réponds.Zina croise mon regard brièvement, mais elle détourne vite les yeux. Il y a une gêne palpable dans l'air. Peut-être que je l'ai imaginée.
L'après-midi passe rapidement. Souleymane propose une partie de football avec quelques amis du quartier. J'accepte, comme toujours, même si mon esprit est ailleurs.
Sur le terrain, tout le monde est bruyant, concentré sur le jeu. Pourtant, entre deux actions, je remarque une silhouette familière de l'autre côté de la rue. Zina et sa meilleure amie, Jenya. Elles sont assises sur un banc, en train de discuter. Zina semble animée, gesticulant avec enthousiasme.
Je détourne les yeux, mais je ne peux m'empêcher de me demander de quoi elles parlent. Est-ce qu'elle mentionne ses rêves, ses écrits ? Ou peut-être... moi ?
Un ballon me heurte violemment.
— Tu dors ou quoi, Ismaïl ? hurle Souleymane en riant.
— Désolé, je réponds rapidement, essayant de me concentrer.Mais c'est plus facile à dire qu'à faire.
En fin de journée, je suis de retour chez moi, épuisé. Je prends une douche rapide, puis je m'assois à mon bureau. Mon manuel de gestion est ouvert devant moi, mais les mots ne font aucun sens.
Je repense à Zina, à la manière dont elle parlait de ses histoires. Il y avait quelque chose de passionné, de vivant dans ses paroles. Elle a ce don de rendre tout ce qu'elle dit captivant.
Je secoue la tête, agacé par mes propres pensées. Ce n'est pas le moment de penser à elle. Elle est hors limites, et je ne peux pas me permettre de franchir cette barrière.
Et pourtant, ce soir encore, je ne peux m'empêcher de regarder par la fenêtre, espérant peut-être la voir, plongée dans son univers.
Je me surprends à sourire malgré moi.
C'est rien, Ismaïl, je me dis. Ce n'est qu'une phase.
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Face à face
RomanceDeux maisons, deux cœurs en quête d'équilibre. Zina et Ismaïl s'aiment dans un monde où la peur, l'amour et la loyauté s'entremêlent. Entre secrets, impulsivité et pressions familiales, ils doivent apprendre à surmonter leurs doutes pour avancer ens...