Chapitre 5 - La Mission

18 2 20
                                    

« Franchement, moi je trouve que nous faire poireauter comme ça afin de retarder l'annonce de notre mission, ce n'est pas très professionnel de leur part, argumenta June.

L'assistante Folet les avait conduit dans une salle le temps d'attendre que le Conseil exprime sa volonté de les revoir pour leur expliquer plus amplement la mission qui allait leur être confiée. Très vite, une discussion sur les révélations qu'il venait de leur être faites s'était lancée. Demi était soulagée de voir que June et Aïlys partageaient son point de vue.

- Bah, ils doivent sans doute avoir leurs raisons, intervint Aiden, assis sur un fauteuil rouge à côté de Livia. Et puis ça nous laisse le temps de digérer le secret d'État que l'on vient de nous révéler. C'est pas tous les jours que l'on se rend compte qu'une guerre mondiale va peut-être être déclarée.

Il lança un coup d'œil à sa voisine en quête de soutien, mais celle-ci ne prêtait pas vraiment attention à la discussion.

- Tout ce que je veux dire, c'est que l'on a reçu cette lettre hier, et que c'est un peu précipité de nous donner rendez-vous le lendemain en nous présentant cette entrevue comme une question de vie ou de mort. Et on était censés passer une nuit tranquille après ça, comme si de rien n'était ? Et le comble, c'est que l'on doit encore attendre maintenant. Les Conseillers se doutent-ils seulement à quel point cette attente nous rend anxieux ? demanda Demi, qui faisait les cent pas dans la pièce.

- Te rend anxieuse, tu veux dire, intervint Mattheo. Il s'était adossé à la fenêtre sans dire un mot, mais il venait tout juste de se retourner pour faire face à Demi. Depuis ton arrivée, tu es tellement stressée que ça en devient suspect. Quelque chose à cacher, jeune fille ?

- Ça te va bien de dire ça, grinça-t-elle. C'est quoi ton problème ? Tu crois que je suis une espionne c'est ça ? Que je suis infiltrée et que je cherche juste à savoir quels sont les plans du Conseil ?

Elle se rapprocha de lui. Pourquoi était-elle autant sur la défensive ? Ça devait être les remarques provocantes de l'autre abruti mystérieux qui se croyait supérieur à tout le monde.

- Tu trouves ça suspect de s'inquiéter à juste titre ? continua-t-elle. Moi, au contraire, je trouve plus anormal que tu sois si maître de toi après ce que nous venons d'apprendre.

- Certains sont justes plus doués que d'autres pour contrôler la situation, lui répondit-il en lui adressant un grand sourire.

- Eh, vous deux, pas la peine de vous énerver pour si peu, lança June pour calmer le jeu.

Mattheo leva les bras en signe d'apaisement et afficha un air penaud. Demi avait la très nette impression qu'il s'amusait énormément de la situation. Et de ses réactions.

- Et si nous apprenions à nous connaître de manière civilisée ? renchérit Aïlys.

Aiden se leva. Il passa une main dans ses cheveux et afficha un sourire penaud.

- Désolé, je ne voulais pas créer d'embrouille ou de débat. Je voulais juste savoir ce que vous en pensiez, mais on peut très bien parler d'autre chose. J'ai horreur des conflits en plus.

- Tu n'es pas le seul, répondit la jeune fille. Mais ma sœur a une fâcheuse tendance à envenimer certaines situations plus que nécessaire, ajouta-t-elle en donnant un coup de coude affectueux à June. Celle-ci leva les yeux au ciel mais passa un bras protecteur autour de sa sœur en l'attirant vers elle.

- Vous avez l'air très complices, fit remarquer Livia qui venait de sortir de sa torpeur. J'aurais bien aimé avoir une sœur moi aussi, mais ma mère n'avait pas d'enfants lorsqu'elle m'a adoptée, et ça n'a pas changé depuis.

Vous aimerez aussi

          

- Tu es adoptée ? s'enquit Demi.

- Oui, et j'ai eu la chance de tomber sur une mère merveilleuse, répondit-elle. C'est grâce à elle que je m'intéresse autant à la politique. J'aimerai devenir diplomate, ou membre de l'Assemblée Universelle, une fois mes études terminées.

- Et bien dis donc, rien que ça ? C'est un beau projet en tout cas. Moi je suis à peine en train de déménager de chez mes parents, alors j'avoue que je ne me suis pas mise à penser à ça...

- Moi, j'aimerais bien entrer dans l'armée et devenir officier voire même général, si j'y arrive, ajouta Aiden.

- Et bien bonne chance, répondit Mattheo qui s'était rapproché du groupe pour participer à la discussion. Tu sais, ce n'est pas aussi facile que ça. Et je te parle d'après mon expérience.

- Tu as commencé une formation ? Tu n'es pas un peu jeune pour ça ?

- Ouais, je n'ai que 20 ans, comme certains d'entre vous, mais mon père est Général et il m'a pas mal entraîné.

- Attends, ton père c'est Jonas Winn ?! Le général des troupes emryliennes ? s'exclama June

- Et oui, c'est bien mon père, et moi, je suis son fils, répondit-il avec un ton empreint de fierté. »


Aiden et Demi, qui s'étaient assis sur un des canapés, se regardèrent avec un air moqueur avant de lever les yeux au ciel devant la suffisance de leur compagnon. Le garçon pencha la tête vers Demi et chuchota :

« Tu as un peu raison quand même de t'agacer devant lui. Il est toujours aussi prétentieux ou il se comporte comme s'il était supérieur aux autres uniquement à cause du stress ?

- Tu sais, il y a des cas irrécupérables dans ce monde...

- Eh, c'est pas gentil ça, rétorqua-t-il en rigolant. Toi aussi, tu as tes défauts, mais on va pas dire que tu es "irrécupérable", non ?

- Oh mais qui sait si je ne le suis pas ? »

Demi se releva. Si bien la perspective de connaître un peu mieux ses compagnons était excitante, l'attente ne faisait que se prolonger et elle avait un besoin urgent de bouger un peu. Ce n'était que comme ça qu'elle arrivait à remettre ses idées en place.

« Je vais faire un tour, lança-t-elle à l'adresse de Priya Folet qui semblait exaspérée de devoir passer ces quelques heures avec une bande de gamins ignorants et impatients.

- Où vas-tu ? s'enquit Aiden

- Je ne sais pas, je vais juste me dégourdir un peu les jambes.

- Ne t'éloigne pas trop, l'avertit Mattheo. »

Elle leva les yeux au ciel en guise de réponse.


Tandis que Demi avançait dans le couloir, elle ne put s'empêcher de repenser à ces autres jeunes adultes qu'elle venait de rencontrer. Elle ne les connaissait pas le moindre du monde, mais elle ne pouvait faire abstraction de l'élan de sympathie qui était monté en elle dès qu'ils avaient partiellement appris les intentions du Conseil. C'était des inconnus, pourtant, ils allaient devoir affronter le même futur à partir de maintenant ; en un sens, devoir risquer sa vie ensemble, ça rapprochait. Malgré tout, Demi avait l'envie irrésistible de s'éloigner d'eux. De ne plus leur parler. De ne plus les voir. De ne plus se souvenir de leur existence ; ils lui rappelaient trop cette mission mystérieuse et supposément dangereuse qui allait leur être confiée. Ils lui rappelaient trop que son futur allait être bouleversé. Que sa recherche de la paix allait être perturbée. Comment pourrait-elle se lancer dans une bataille meurtrière contre Darcell alors qu'elle n'avait même pas gagné son combat intérieur ? Elle venait à peine de se remettre du traumatisme des événements l'année dernière, elle ne se sentait pas vraiment prête à risquer sa vie une nouvelle fois. C'était trop lui en demander. C'était...

L'ombre du PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant