Chapitre 16

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Je roulais tranquillement sur Clinch Avenue. Un doux rayon de soleil vint chatouiller le pare-brise de ma toute nouvelle voiture, une Audi A6 aux vitres teintées et à la cylindrée ronronnante, offerte par Sub Pop après l'envolée californienne. Les nuages de pluie disparaissent au loin ; l'hiver était fini, et le printemps sonnait le renouveau. Je n'avais plus l'occasion de sortir librement me balader comme avant. Les facéties de la célébrité avaient en effet rattrapé ces moments de tranquillité, et il m'était désormais impossible de me pavaner sans qu'un passant ne me reconnaisse.

Mes yeux se posèrent un bref instant sur la devanture d'un libraire, et j'eus l'immense plaisir de voir que les tabloïds n'avaient pas raté le manque d'inattention de Kate. Il traînait dans le public de Kimmel l'autre soir un paparazzi, qui avait bien évidemment sauté sur l'occasion de saisir notre baiser et de le vendre au plus offrant, donnant ainsi naissance à la couverture d'une demi-douzaine de magazine people.

Tandis que je me dirigeais vers Daystar Productions pour une séance de répétition improvisée, je me souvins avoir omis de réserver une table pour le soir-même. Je me saisis de mon tout nouveau téléphone cellulaire, autre cadeau de la production, et composa alors le numéro de la Northshore Brasserie¸ sans doute le restaurant le plus cher du coin.

- Northshore Brasserie, bonjour.

- Bonjour madame. J'aurais souhaité réservé une table pour deux pour ce soir.

- C'est impossible monsieur.

- Et pourquoi ?

- Nous sommes complets pour les deux semaines à venir.

- Il n'y a pas une petite annulation ?

- Non monsieur.

- Même au deuxième service ?

- Je vous ai dit que non.

- Et vous ne pouvez pas rajouter une table ?

- Vous vous prenez pour qui, cria la serveuse dans le combiné.

- Pour Matthew Bellamy, l'homme que je suis, batteur de profession, répondis-je sur le même ton.

- Je m'en fiche que vous soyez une star ou pas, les règles sont les mêmes pour tout le monde. Au revoir monsieur Bellamy.

Elle raccrocha sèchement. Je n'étais pas habitué à ce genre d'emportement, mais la légère teinte de mépris de ma correspondante m'avait passablement irrité, et la courte nuit que j'avais passée n'amplifiait pas ma bonté. Je me résolus à oublier l'idée du restaurant, alors même que j'arrivais à destination.

¤¤¤

J'ouvris avec la plus grande délicatesse la porte d'entrée de l'appartement. Je découvris la porte vitrée ouverte, les rideaux battant au vent. Un faible mais audible fond musical, un jazz des années 50, résonnait dans la pièce. Je m'avançai à pas feutrées, et découvrit Kate, assise sur le canapé, travaillant sur son ordinateur. Alors que je n'étais plus qu'à trois modestes mètres d'elle, ces lèvres remuèrent.

- Je sais que tu es là.

Je parcourus la courte distance qui nous séparait et l'embrassa.

- Tu as du nouveau ?

- J'ai eu deux festivals en Europe. Glastonbury et les Vieilles Charrues.

- C'est bon ça.

- Ouais. On a treize dates en Europe, et une quinzaine ici. Le tour commencerait dans un mois pour finir fin septembre. Ça te va ?

- Si tu pars avec nous, alors n'importe quelle date me convient.

- Fallon vous veut la semaine prochaine.

The DrummerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant