Many Love - Saison 1

Soirée mouvementée

Réservée et peu habituée aux mondanités, je suis les filles comme mon ombre. Les portes de la boîte de nuit s'ouvrent devant moi avec une facilité déconcertante. Une simple embrassade à l'attention des videurs et nous voilà propulsées dans ce royaume parallèle. Un royaume où les lumières tamisées et les sons vibrants s'entrelacent pour créer une atmosphère aussi envoûtante que déstabilisante. Chaque regard appuyé, chaque geste calculé. Une chorégraphie invisible que je suis bien incapable de suivre.

Nous nous dirigeons vers une table où Molly et Cindy sont déjà installées, dans un coin un peu à l'écart, là où le futuriste rencontre le chic. À chaque pas que je fais, mes yeux glissent sur les détails du lieu et absorbent chaque élément avec une curiosité maladroite. La salle est un immense théâtre de lumière, une cathédrale moderne faite d'acier, de verre et de néons éclatants. Les murs sont tout en reflets métalliques et les couleurs oscillent entre le bleu électrique et le doré. Les femmes portent des robes et les hommes des costumes taillés sur mesure. Tous paraissent sortir d'une brochure de mode ou d'une scène de film.

Tout semble à sa place ici, parfait, lisse, presque irréel. Le décor impeccable ne laisse aucune place à l'intimité. Les rires et les voix se mêlent à la musique mais contrairement à ce que j'avais imaginé, tout est feutré. La musique n'écrase pas l'espace, non, ici elle glisse doucement, un murmure en arrière-plan. On dirait que les décibels ont été filtrés à la source pour s'adapter à l'élégance ambiante. Un peu comme si la boîte de nuit se prenait trop au sérieux.

Ce genre de soirée me semble excessivement codifié, une scène de théâtre où chacun joue son rôle sans jamais faillir. Je me félicite intérieurement d'avoir cédé à la pression de porter cette robe, même si je la déteste. Sans elle, j'aurais eu l'impression d'être une intruse dans cette faune. Je me sens à la fois complètement décalée et, paradoxalement, soulagée : il aurait été bien trop embarrassant de me faufiler dans la foule en jean délavé et en pull trop grand. Je lâche un petit soupir intérieur. Finalement, suivre le mouvement peut, parfois, avoir du bon.

Nous arrivons enfin à la table où deux bouteilles de champagne sont posées comme des trophées. Tout ici est une sorte de jeu de pouvoir social, une compétition discrète pour savoir qui est le plus élégant, le plus cool, le plus... important. Carrie, voyant sûrement la surprise se dessiner sur mon visage, se penche vers moi et, d'un ton presque conspirateur, me murmure à l'oreille :

- Molly couche avec le fils du patron.

Je n'ai pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre le sens de sa révélation. Bien sûr. Molly, son amie de longue date. Mannequin aux jambes interminables et au regard plus acéré qu'un couteau. Son corps semble taillé dans un marbre parfait, d'une beauté presque inhumaine, elle est capable de faire pâlir d'envie n'importe quelle femme qui croise son chemin. Elle a l'air d'une créature éthérée mais sous cette façade, c'est une coureuse de luxe, une maîtresse des codes sociaux. Molly est le genre de fille qui a un faible pour les pouvoirs en place. Ce n'est pas qu'elle soit opportuniste (du moins, pas seulement), mais on ne va pas se mentir, elle aime quand ça brille autour d'elle et ne semble avoir aucun mal à se faufiler là où ça compte. Là où la visibilité et l'accessibilité sont garanties. Dans l'ancien monde, elle aurait probablement été la maîtresse d'un roi. Je hausse les épaules avec un petit sourire en coin.

Malgré ce côté superficiel, sa répartie est sans faille et son humour des plus appréciables. Je dois bien l'admettre, j'aime bien sa compagnie. Je ne la vois pas souvent mais chacune de nos rencontres est un tourbillon d'éclats de rire et de petites piques bien placées.

Elle se lève soudainement et, dans un élan chaleureux, me prend dans ses bras.

- Manon ! s'exclame Molly en me serrant contre elle. Je suis tellement contente que tu sois avec nous ce soir, ça faisait un bail !