31.

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Dès que je fus de retour au château, je courus vers les cuisines. Je devais parler à Gauzeline de tout ce qu'il s'était passé ! Et puis, cela faisait un bout de temps que je n'étais pas allée la voir. Je dévalais les escaliers en courant, sourire aux lèvres. J'entrouvris la porte et elle accourut. 

- Félicitation pour votre interview, mademoiselle, chuchota-t-elle en me saisissant les mains. 

Elle referma la porte derrière elle. Elle paraissait tellement soucieuse. Un ride s'était formée sur le haut de son front et ses cheveux étaient moins bien noué qu'à l'accoutumé. 

- Vous allez bien, Gauzeline, m'enquis-je, alarmée par son état. 

Elle haussa vaguement les épaules et saisit mon visage entre ses mains. 

- Vous ne devez pas vous inquiétez pour moi, compris ! 

Ses yeux fatigués étaient plongés dans les miens et elle me fixait avec fermeté. 

- Mais qu'avez-vous, insistais-je, néanmoins. 

- Vous le saurez bien assez tôt, soupira-t-elle en me repoussant vers les escaliers. Remontez ! Allez ! 

Je tentais de protester mais d'une main ferme, elle me poussais vers les escaliers. Et avant que je n'ai pu la retenir, la porte des cuisines s'étaient refermée en un claquement sec derrière elle. Je la regardais un instant en pensant à toutes les fois où derrières ces murs, j'avais trouvé du réconfort. Aujourd'hui, cette porte m'était fermée... Je soupirais et remontais vers mes appartements. 

Alors que je travaillais mes lignes d'écriture dans ma chambre, Aimée-Rose surgit. Elle semblait affolée. 

- Vous devez descendre, vite, hurlait-elle sans plus aucune retenue. 

Sa panique me gagna et je dévalais les escaliers à sa suite. Les pires scénarii possibles se jouaient dans ma tête. C'était mon père... Ma mére... DAMIEN ! ... Ou Travis ! ... Un coup de grisou ! Un nouveau coup de grisou... Mon coeur battait de plus en plus fort dans ma poitrine alors que la peur grandissait en moi. Mes mains devinrent moites et ma respiration difficile. 

Nous arrivâmes dans la grande salle où avait eu lieu la réception avec le prince d'Asianie, rentré chez lui deux jours après l'empoisonnement supposé de la reine. Je m'avançais au milieu de la foule de gens. Les tabliers et les belles robes de soies se côtoyaient... L'instant était grave ! Très grave ! Je jouais des coudes pour atteindre le premier rang. 

Le roi se tenait debout, l'air furieux, devant deux personnes à genoux devant lui, le suppliant visiblement de faire quelque chose. Je me stoppais et Aimée-Rose s'arrêta près de moi. L'une des jeunes femmes se retourna et mon regard rencontra les sien. Non... Ma respiration se stoppa nette. Pas elle ! Gauzeline... A genou devant sa Majesté... C'était... dramatique ! Forcément, c'était grave, dramatique.. Une catastrophe ! Je voulus faire un pas mais elle secoua la tête. Cela me foudroya. Ne voulait-elle pas me voir l'aider ? 

- Donc, Alice Marchand, vous avouez avoir mis de la noisette dans le petit-déjeuner de Sa Majesté la reine, reprit le roi, d'une voix dure. 

La jeune fille assise près de la cuisinière sembla se ratatiner sur elle-même. 

- Je... C'est une possibilité, avoua-t-elle d'une toute petite voix. 

Elle sanglotais et peinait à répondre. 

- Votre Majesté, s'écria Gauzeline en se jetant à ses pieds, Alice est aveugle et.. 

- Taisez-vous, rugit-il. 

Je sursautais. Elle était aveugle ? 

- Ne dîtes rien, supplia soudainement la dénommée Alice, Gauzeline, vous en avez assez fait pour moi. Ne risquez pas de subir ma peine. Vous ne le mériteriez pas ! 

Elle pleurait. Elle s'adressa au roi en le priant de sa clémence pour la simple raison qu'elle ne savait pas elle-même si elle était réellement coupable. 

- D'autres affirment clairement que vous êtes coupable, nous avons des témoins, déclara le roi d'une voix grave. Vous êtes coupables et vous serez fusillée pour avoir tenté d'empoisonner la reine. 

Je fus saisis d'un vertige. Ils allaient la tuer alors qu'ils n'avaient aucune preuve tangible. Il ne pouvait pas ! Je me tournais vers le prince. Son visage était dur... Il ne réagirait pas. 

Un cri dans la salle me fit prendre conscience de ce que je venais de faire. Je m'étais jetée à genoux devant le roi ! Je relevais la tête, le cœur battant, fixant son regard furieux et surpris. 

- J'implore la clémence de sa Majesté, déclarais-je. 

Je sentais la foule aussi étonnée que le roi. Je tournais la tête pour regarder la jeune fille près de moi. Les yeux vides fixant un point invisible, elle garda la tête baissée. Gauzeline secouait la tête. Tant pis ! Soudain, une bruit de tissus se froissant me fit me tourner de l'autre côté... Aimée-Rose... 

- J'implore la clémence de sa Majesté, supplia-t-elle également. 

- Personne ne souhaiterait avoir une empoisonneuse à son service, fit remarquer le roi. Personne ne souhaite mourir à cause de l'incompétence d'une jeune femme. L'incompétence n'a pas sa place ici. 

En disant cela, son regard était vissé au mien. Je soutins son regard sans sourciller. 

- Votre Majesté, tentais-je de reprendre. 

- Ma décision est prise, me coupa-t-il en quittant les lieux, drapé dans son honneur royal. 

Je me redressais en essayant de le suivre. Aimée-Rose me reteint par le bras. 

- La bataille est finie, s'exclama-t-elle en me tirant en arrière. 

Je fis volte-face. Non ! Ce n'était pas fini ! Je n'avais même pas commencer à me battre ! Je me dégageais violemment de sa poigne et courus derrière le roi dans les couloirs. Je n'allais pas laisser tomber si facilement. Je revoyais le visage de Gauzeline et les larmes de la jeune aveugle. La cuisinière avait toujours trouvé le moyen de me remonter le moral quand rien n'allait, elle m'avait soutenu ! C'était mon tour maintenant ! 

Il était au bout du couloir... Je criais pour qu'il s'arrête.... La porte claqua derrière lui. Je la fixais, énervée et déçue. Je soupirais. Tant pis, j'attendrais devant ! Il allait sortir, et lorsqu'il le ferait, je serais là ! 






Souffle la libertéWhere stories live. Discover now