Journal de Lilith

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3 Juillet 1905

Je vis, je meurs, je me brûle et me noie,
J'ai chaud extrême en endurant froidure,
La vie m'est trop molle et trop dure,
J'ai grands ennuis entremêlés de joie,

Tout à coup, je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure,
Mon bien s'en va, et à jamais il dure,
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène,
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine,

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur. *


Pourquoi l'amour est-il comme cela ? C'est une sensation tellement agréable et horrible en même temps, c'est la joie et la tristesse rassemblées, c'est la richesse et la pauvreté mélangées, c'est la vertu et le péché noyés dans un torrent de larmes et de bonheur.
Je ne peux me lasser de l'écouter, ses paroles sont sacrées et fruit de la souffrance. Je ne peux pas m'empêcher de penser à lui, source de ma joie, source de ma tristesse.
Était-ce un péché d'aimer ?
L'amour rend heureux, l'amour fait souffrir, c'est le simple prix à payer pour aimer.
L'amour tue, l'amour rend égoïste, l'amour fait rêver, l'amour fait espérer, mais est-il toujours vainqueur ?
Mon immense tristesse se puise peu à peu dans la joie que l'amour de William me porte, que sa froideur me fait pâlir, j'ai peur de devenir folle tant je l'aime.
L'amour rendrait-il fou ?
Si cela est vrai, mon cher journal, je crois que je suis folle. Folle comment ? Folle d'amour.
Je suis perdue.

* poème de Louise Labé (1524-1566) vers 1555

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