..Il était là, allongé dans son grand lit, le regard vide, regardant l'énorme échancrure au plafond..Il en connaissait tous les détails, des heures qu'il passait là, allongé dans son grand lit, le regard vide à la regarder..
Il vivait dans ce studio déjà depuis cinq ans! Ca sentait le moisi. Terne, même lugubre, une petite fenêtre qu'il n'ouvrait plus à sa gauche..
C'était un douze mètres carrés, son canapé lit en prenait les deux tiers; Sur sa table de chevet, une bouteille de whiskey bon marché à moitié vide, pas de verres..
Le sol était recouvert d'une moquette tellement imprégnée de son vomi que sa couleur, bleue pétrole à la base, s'était transformée en une sorte de marron "merdien" dégageant une odeur acide qu'il était le seul à tolérer..
En face, les toilettes: une cuvette bouffée par le calcaire, avec les traces de sa propre merde sur les bords..
Rien n'avait plus le moindre sens pour lui, et encore moins la pudeur ou la propreté..Demandez aux cafards!
Il était apathique, las, vide ! Il avait l'air bien pensif, même si souvent il ne pensait à rien.. Il n'en avait pas la force ! Il n'avait de force pour rien du tout d'ailleurs, lié dans les abîmes par ses propres démons, ça faisait presque un an qu'il était ainsi, à pourrir de son vivant dans un coin moisi!
Mais ce qui le gênait par-dessus tout, c'était que le monde continue à tourner autour de lui, sans lui! Et le pire était qu’il avait l'impression qu'il n'avait jamais aussi bien tourné! Les cafés étaient pleins, les gens riaient, les couples se formaient et se déformaient, et il les haïssait pour ça! Il avait une aversion pour tout semblant de joie autour de lui..De la souffrance ! Les seuls qu'il n'exécrait pas étaient ceux qui souffraient! Il avait l'impression qu'il formait avec eux une sorte de fraternité secrète liée par le sang..
..Il était là, allongé dans son grand lit, le regard vide à regarder cette échancrure au plafond. Et comme chaque matin depuis qu'elle n'est plus, il pensait à elle..comme chaque matin depuis qu’elle n’est plus il se masturbait en pensant à son elle..
Au début, les premières fois qu’il l’avait fait, il avait eu du mal, beaucoup de mal! Il ne savait pas vraiment si on pouvait qualifier cela comme une tendance nécrophile, ou si c'était une réaction normale face au choc! Même si pour dire vrai, il s'en foutait complètement des normes, ce qui le dérangeait surtout c'était ce sentiment de sacrilège..
Oui elle était sacrée pour lui!! Elle était le seul dieu qu'il avait, le seul dieu qu'il ait eu! Et ce moment matinal était son seul moment de vérité! Le seul moment où il pouvait se rapprocher d’elle, sentir ses cheveux et ses baisers..C’était son seul moment hors du chaos, son seul moment hors du temps..
Non, il n’était pas question d’arrêter, et puis que risquait-il pour son sacrilège ? L’enfer ? Il y était déjà..
Il avait cependant de plus en plus de mal à la visualiser! Son visage commençait à se dissiper avec le temps, il ne restait qu'une vague silhouette..Mais une silhouette à laquelle il faisait faire des folies que même en rêve elle lui aurait interdits de son vivant..
Pour une fois qu'elle ne pouvait pas lui dire, « non », ou « pas maintenant »,ou « pas là », ou encore « arrête arrête ».. il était comblé (d'un point de vue sexuel bien évidemment!)! Une idée lui effleurait quelques fois l'esprit. L'idée que ses ébats avec elle, n'avaient jamais été aussi parfaits...maintenant que tout lui était permis!
Ces quelques moments de plaisir lui permettaient de transvaluer le chaos de son quotidien, et dans un insipide moment de reprendre son souffle pour pouvoir aller de l'avant..
Il n'avait aucune idée de pourquoi il devait reprendre son souffle pour aller de l'avant, pourquoi ne se laissait-il pas étouffer par sa propre merde qu'on en finisse? Il ne savait pas! Il éjacula maigrement sur un bout de papier qu'il avait à coté de lui, avant de reprendre une gorgée de son whiskey et de replonger dans son sommeil profond..
