Mange-rêve

Prologue

Je saute à cloche-pied d'un rêve à l'autre, me laissant guider par ma boussole. Le vent dans les cheveux, les bras déployés, je chantonne à voix basse la comptine qui a bercé mon enfance:

On a tous un sommeil
Pour cacher nos merveilles
Chaque nuit on voyage
Sur de curieux nuages
Mais au matin c'est fini
Tous les rêves sont partis...

Mon meilleur ami, Lumos, joignit sa voix à la mienne en souriant:

Y'a des rêves cache-cols
Qui s'enrhument
Qui s'envolent
Y'a des rêves écrevisses
Qui nous pincent
Et puis glissent
Y'a des rêves insupportables
Dans les trousses des cartables
Y'a des rêves malpolis qui s'endorment sous le lit

Il s'arrêta à ce moment-là, me laissant continuer tout seul. Même si ma mère me chantait très souvent cette berceuse, comme à tous mes amis, elle était la seule qui connaissait la véritable version. Celle qui parlait même des tabous.

Y'a des rêves cauchemars
Qui nous donnent
La peur du noir
Y'a des rêves sorciers
Ceux qui nous font crier

Un saut sur le tapis volant d'un enfant.

Un autre sur le lit d'un adolescent en pleine crise hormonale.

Finissez en vous laissant glisser sur le dos d'un orque beaucoup plus amical que dans la vrai vie et vous arrivez enfin à destination.

Je me laissai tomber sur le rivage de la mer infinie.

La mer des rêves.

Étant alimenté constamment des quatre coins de la planète, ce n'était pas surprenant que personne n'en aie jamais vu le bout.

Je m'assis dans le sable, laissant traîner mes pieds de façon à ce que les vagues viennent les chatouiller de temps à autre. Cette énergie qui provenait de ces songes qui semblaient être éternel me donnait des frissons. Cet endroit était sans aucun doute mon lieu préféré dans le monde des rêves. C'est peut-être pour cette raison que je venais si souvent ici... J'ouvris mon sac, sortant tranquillement ma collation. Un rêve d'enfant. Mes préférés. Ils étaient si doux et si fruités...

Alors que j'allais croqué à pleines dents dedans, j'aperçu le regard réprobateur de mon ami.

-Je croyais qu'on avait réussi à te convaincre de ne plus toucher aux enfants... grogna-t-il.

-Dit comme ça, on dirait que je suis un pédophile... Et désolé, je crois que je suis beaucoup trop accro... C'est tellement... Wow! Beaucoup moins terne que ceux des plus vieux.

-Mais tu sais qu'en faisant ça, tu risques de...

-...Mettre en danger la croissance de l'enfant et le pousser à avoir des insomnies juvéniles, le coupai-je en soupirant. Je sais, on me l'a déjà fait miles fois... C'est bon! Je ne mangerai pas ces rêves...

J'abandonnai les rêves sur la plage, laissant la mer les prendre. Ils retourneront ainsi aux cycles éternels des rêves et Lumos me laissera enfin la paix avec ça. Dans tous les cas, il a sans doute décidé de me laisser seul pour le restant de la nuit puisqu'il farfouilla dans sa poche et en ressorti sa boussole.

Tous les membres de notre peuple ont une boussole. Elle nous sert à nous guider dans les rêves. Elle nous est indispensable et on ne peut pas se séparer d'elle. Même si on se débrouille pour la perdre n'importe où, même dans la caverne d'Ali Baba, elle finit toujours par nous revenir...

Notre boussole est le reflet de notre personnalité. De qui on est... Je jetai un coup d'œil instinctivement à la mienne. Quand je relevai la tête, il n'était plus là...

Je soupirai et me levai lentement, me décidant à aller me baigner. Alors que je m'avançais dans l'eau brumeuse, le ciel commença à s'obscurcir. Je le regardai sans un mot en continuant d'avancer quand soudain, mon pied glissa par en avant. J'eu à peine le temps d'hurler que je fus englouti dans un tourbillon d'eau glaciale et de fumée glaciale.

Celle-ci pénétrait dans mon nez et dans ma gorge, me donnant l'impression d'étouffer. J'essayais de remonter, mais c'était impossible. Mes yeux se fermèrent lentement, m'enfermant dans un noir le plus total.