L'histoire dans le sens inverse commence ici.
Mon arrivée aux USA tient du miracle, compte tenu de l'impossible machine qu'est devenue la France. Ce n'est un secret pour personne, tout est compliqué dans ce pays : administrations, banques, réseaux de télécommunication, transports... Et cette pollution du quotidien n'est pas un monopole français. Nevertheless, réussir la création d'une entreprise dans un tel contexte, avec 10.000 euros de capital, quand le concurrent qui n'en est pas un s'appelle Google, relève de la sorcellerie.
Lundi 25 avril 2016 à 8h00, je me trouvais au centre de tri du courrier d'Asnières-sur-Seine, pour devancer le facteur qui devait hypothétiquement livrer mon passport avec le visa business délivré par l'ambassade des États-Unis quelques jours plus tôt. Mon avion pour Toronto était à 11h00, à Roissy. C'est ce que j'appelle une Swad-Situation !
Une "Swad-Situation" consiste à devoir briser la logistique traditionnelle pour parvenir à l'objectif, dans une situation d'urgence critique. Le genre de moment où la plupart des humains abandonne en se pliant au dogme de l'impossible.
Pour moi, c'est devenu un loisir, voire un plaisir :-)
J'avais donc passé la nuit à préparer mon départ. Comme à chaque fois que je pars à l'étranger. Je fêtais en même temps mon 31e anniversaire avec une dizaine d'amies de 25cl. Elles sont très sympas, on s'est rencontré il y a 15 ans, et me sont restées très fidèles. Ceci dit, avec l'âge et mes nouvelles activités, on se voit beaucoup moins qu'avant.
Il faut dire que j'avais besoin d'un peu de carburant. J'étais revenu de Rennes le dimanche vers 17h, en ayant dormi que 3h chez mon pote Florian.
https://twitter.com/swadsylvain/status/724255981740392448
Ceci ne nous empêcha pas de nous taper un bon gueuleton près de la gare de Rennes. La serveuse et les clients d'à côté s'en souviennent sûrement, comme cet expert-comptable de Dakar, qui me remit sa business card simplement parce qu'il a passé son dej' à se marrer. C'est ce que j'appelle le "Swad-Business".
Pourquoi se taper un aller-retour Asnières-sur-Seine / Rennes la veille d'un départ aux USA ? Alors qu'on n'a rien préparé.
Question informatique... Je devais aller sur le salon Collision Conf avec le prototype de l'application, histoire de ne pas passer pour un affabulateur, un fou, un rêveur ou pire : un Français. L'application Swadmap étant développé à Rennes par mes associés, impossible à installer à distance en phase proto, il me fallait donc me déplacer.
Le samedi précédent mon vol États-Unien, je pris donc le volant pour la capitale administrative de la Bretagne. Je savais que ma voiture ne reviendrai pas de sitôt à Asnières, donc je lui ai lavé les fesses avant de partir.
6 heures durant je conduisis à travers la France pour rejoindre Rennes, pour 50 000e fois depuis j'habite la Grande Ville.
J'aime innover. Sortir des algorithmes. Donc je prends des routes de merde. La N12 par exemple qui va jusqu'à Brest, my birthplace :-)
600 bornes de radars, de camions, de travaux, de bouchons, de fatigue, d'énervement... Bref, le monde actuel. Mais la N12 reste moins chiante que l'autoroute. Highway to Hell, highway to St Arnoult, même combat... Comment peut-on supporter d'attendre ses congés syndicaux pour revivre ce sempiternel plaisir 4 ou 5 fois par an ?
Question générationnelle sans doute. Je suis né en 1985 et le mirage de la retraite était évaporé avant même d'exister dans mon esprit. Je ne sais même pas comment "on" a pu imaginer un système aussi con et déshumanisant, si ce n'est pour entuber ma génération et celles qui suivent. Raté. Ou alors il fallait vraiment mépriser la planète au point d'organiser le suicide de l'humanité.
Les "85 connards" - j'essaie de faire rimer avec "68 ares" - se tapent des bacs +5 quand ils ont la chance d'être financés, se font exploiter quand ils ou elles ont la "chance" de trouver un emploi, cotisent pour des caisses structurellement déficitaires, pour des aides auxquelles elles et ils n'auront jamais droit, car il faut financer le paradigme passé, qui endette pourtant la France à chaque seconde.
Sociologiquement, les 85 connards se concentrent dans les grandes villes, là où l'espoir existe, soit disant. Ils et elles bénéficient donc d'un immobilier le plus cher de l'histoire, au sein de villes polluées et saturées de toute part. Pour paraître au travail, le choix est donné entre transports communément admis comme insupportables ou polluer. Le suicide des uns est le meurtre des autres.
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