Une nouvelle journée commence, mais étant donné que je dois faire reposer ma cheville, Bishop m'a obligé dans tous les sens du terme de ne pas venir aujourd'hui et demain. La grande question n'est donc plus qu'allons-nous faire aujourd'hui, mais que vais-je faire aujourd'hui et demain, seule dans ma chambre ?
Mes camarades se préparent silencieusement alors que moi je suis encore sous les couvertures à les observer. Je trouve ça presque comique à regarder. Ils courent dans tous les sens, de la salle de bain à leur lit, de leur lit à leur armoire... Ils se poussent presque pour passer tout en essayant de faire le moins de bruit possible. De temps en temps Yanis me sourit et me demande si ça va, mais il retourne vite à ses préoccupations. Je n'avais jamais remarqué que les autres matins on devait se dépêcher de la sorte.
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Les voilà enfin partis et je m'ennuie déjà de leur départ. Quand ils étaient là, j'avais de quoi m'occuper, mais maintenant que je suis seule je ne sais absolument pas ce que je vais faire aujourd'hui. La seule chose qui me vient à l'esprit est d'aller me laver.
Je me lève et inconsciemment pose mon pied droit au sol que je relève immédiatement. Je grimace de douleur et je me maudis déjà de m'être blessée. Le docteur a beau dire que ce n'est rien, j'ai quand une douleur atroce dans toute la jambe. Je vais à mon armoire en claudiquant prendre ma trousse de toilette et mon change et m'en vais vers la salle de bain, pas vite certes, mais j'y arrive. La douche m'appelle de vive voix et je succombe à cette demande. Triste à dire mais c'est ma première douche depuis que je suis arrivée ici. J'enlève mon bandage pour y découvrir une cheville légèrement rosée et encore gonflée, monte dans la cabine de douche et fais couler l'eau. L'eau est glacée au début, mais chauffe ensuite et je me sens extrêmement bien. La chaleur de l'eau sur mon corps me détend. Je ne ressens plus aucune douleur, au revoir les courbatures. Je reste longtemps dessous, usant certainement toute la réserve d'eau chaude du bloc mais ça m'est égale. Je me remets immédiatement à penser à ma famille, ma maison et au garage qui me manque terriblement. Ne pas avoir touché de machine depuis une semaine démange mes mains. Je ne fume pas, je ne bois pas, mais je suis complètement addicte des machines. Les machines me parlent et je les comprends. C'est mon père qui m'a tout appris et s'en est presque devenu un don chez moi. Ça me manque horriblement. C'est comme quand vous êtes en manque de drogue, chez moi c'est pareil - en beaucoup moins fort bien évidemment. Après de longues réflexions, je finis par conclure : dans trois jours je retourne chez moi.
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L'horloge sur le mur indique 11h35 et j'ai super faim. La cafétéria n'est pas encore ouverte, alors il me faut attendre encore une demi-heure. Mais à l'allure à laquelle je marche je devrais peut-être partir maintenant afin d'éviter la foule. Pour manger le midi c'est toute une stratégie. Moi et mes camarades avons élaboré un plan pour être sûr qu'on puisse manger ensemble, car il n'y a pas assez de tables pour tout le bloc. On a décidé qu'à tour de rôle il y en aurait un qui irait repérer une table. Une fois cela fait, deux vont s'installer pendant que les autres font la queue. Une fois le premier à avoir son plateau repas, l'un des deux assis se lève et rejoint la queue, puis le second et nous voilà assis tous ensemble à une table.
Je sors finalement des couvertures, dépose le livre que j'ai « emprunté » à Amélia et avance jusqu'à la porte. Avant même que je n'ai touché la poignée, quelqu'un la frappe.
- Pas trop tôt, ironise Bishop avec un plateau repas.
Je reste comme bouche bée devant lui et ne sait pas quoi faire. Je reste sur le pas de la porte et regarde tout autour pour voir si quelqu'un pourrait nous voir.
- Qu'est-ce que vous voulez ? Je finis par demander.
- A ton avis ? J'ai un plateau repas entre les mains alors qu'est-ce que ça peut bien être ?
Il vient à peine de finir sa phrase qu'il entre dans la chambre et installe le plateau sur mon lit.
- C'est gentil, je ne m'y attendais pas.
- Je voulais éviter que tu fasses la queue.
Je suis surprise de sa réponse et me dirige pour la centième fois depuis ce matin vers mon lit.
- Et que me vaut autant de gentillesse ? je lui demande avec un petit air mesquin dans la voix.
- Ta cheville.
Alors il faut que je me blesse pour qu'il soit gentil avec moi en dehors des cours ? Tout compte fait je pense que ça va aller. L'odeur des carottes m'aguiche les narines que je n'attends aucun ordre du patron pour commencer mon plateau. Bishop fait un tour dans la chambre comme s'il cherchait quelque chose. Je n'arrive pas à savoir s'il grimace à cause de moi ou de la pauvre décoration.
- Vous avez fait quoi aujourd'hui ? je lui demande le faisant revenir à la réalité.
- Des mathématiques.
Pardon ? Des mathématiques ? Mais c'est une blague ! Pourquoi pourquoi pourquoi ? J'adore les math et comme de par hasard il suffit que je m'absente pour qu'il fasse quelque chose de bien. Je les déteste !
- Mais j'aurais pu venir alors, si c'est pour rester sur une chaise j'aurais pu assister au cours, dis-je en essayant de rester humble face à lui.
- En effet, tu aurais pu. Mais les programmes de la journée sont donnés le matin même, alors je ne savais pas qu'on allait faire des math hier. Avant que j'oublie voici le cours. Je ne sais pas si tu viendras faire l'évaluation, mais au moins regarde ce que les autres ont fait aujourd'hui.
Il me tend des feuilles et mes yeux se mettent à briller. Des chiffres de partout, des fonctions, des noms de personnes que je connais par cœur. Tout ce qu'il y a là c'était ce que j'avais appris au lycée l'an dernier. Je me rappelle de tout et bon sang que ça m'avait manqué.
- Je crois bien que tu es la première personne à être contente d'avoir des feuilles de math entre les mains, me dit-il un sourire en coin.
- Il y a deux choses qui me passionnent dans la vie : la mécanique et les math. Je connais tout en math. Il n'y a rien de plus facile que les math. Si on est logique alors les math c'est du gâteau.
Je continue de regarder ses feuilles tout en continuant de manger. Bishop s'est posté près de la seule fenêtre de la chambre et regarde à travers.
- Je peux vous poser une question ?
- Je suis là pour ça.
- Lors des conseils vous vous dites quoi ?
Il ne se retourne pas mais je peux voir un sourire se dessiner, comme si ma question n'était pas une surprise.
- On débriefe sur ce que vous avez fait durant les entraînements et l'évaluation, et on vous donne des points qui vont permettre de vous classer entre vous et parmi les autres groupes. Mais si tu veux que je te dise combien tu as c'est hors de question.
- Oh non, et à vrai dire je m'en moque un peu. Mais j'ai une autre question. Pourquoi c'est vous qui nous évaluez et pas quelqu'un d'autre ? Vous pouvez avantager certains élèves.
- Premièrement arrête de me vouvoyez. Deuxièmement tu te la joues Amélia ? Non en réalité j'avais le choix entre passer les évaluations ou préparer le programme de demain. Je n'ai pas eu trop besoin de réfléchir, rester assis à préparer la même chose que tous les ans ce n'est pas trop mon truc.
- OK.
- Tu as fini ?
Je fais oui de la tête, il prend mon plateau et sort de la chambre en me souhaitant une bonne fin d'après-midi.
Je n'attends pas qu'il ferme la porte que déjà je me plonge dans les feuilles qu'il m'a passées. Si vous saviez comme je suis heureuse d'avoir un programme. Je crois que je me serais pendue si j'avais encore dû passer mon après-midi à fixer le plafond.
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L'Envers du Décor [Terminé]
AdventureElle avait le choix et elle l'a pris. Mila a accepté d'entrer dans une organisation connue de quasiment personne afin de lui inculquer connaissances et savoir faire. Le but ? Mettre fin aux conflits du pays. Elle qui n'a jamais été une grande profes...