Les ténèbres étendaient leurs serres sur le monde, le plongeant dans une nuit sans lune. La forêt qui bordait les alentours de Nibbana était aussi noire que le cœur du plus infâme des démons et les rumeurs la disaient hantée. Que l'on prête foi ou non à ces histoires ne changeait en rien le fait que traverser la forêt de nuit était au mieux pure folie. Aucun de ceux qui l'avaient fait n'en était jamais revenu. Était-ce la faute aux prédateurs qui régnaient en maîtres dans l'obscurité ? Ou bien celle des nymphes qui disait-on enlevaient les hommes féconds et tuaient les autres tout comme les femmes ? Ou bien peut-être aux sombres histoires de massacres qui avaient eu lieu deux siècles auparavant ? La légende voulait que le sol, s'étant tellement imprégné de sang, était devenu une porte ouverte pour les créatures les plus sombres de toute la création. Ou bien encore pouvait-on évoquer les rites démoniaques pratiqués par un ancien ordre secret de sorciers aujourd'hui éteint. A moins qu'ils ne soient simplement retournés à la clandestinité ? De nombreuses légendes couraient sur la forêt de Nibbana. Et tous ceux qui avaient voulu vérifier n'en étaient jamais revenus, ce qui alimentait plus encore les mythes et les sombres histoires. Mirana ne croyait à aucune d'entre elles, toutes plus farfelues les unes que les autres, bien qu'elle partageât la crainte des ténèbres qui régnaient dans ces bois obscurs et maudits. Mais les humains n'avaient-ils pas toujours eu peur du noir et de ce qui s'y cache ? Et quand la peur s'avérait fondée... Elle se retrouvait donc bloquée à Nibbana, la ville de tous les vices, pour une nuit supplémentaire. Peut-être s'amuserait-elle un peu cette fois-ci, pour changer.
Nibbana était animée, quelle que soit l'heure, mais c'était bel et bien à la tombée de la nuit que les choses sérieuses commençaient, alors que les lumières s'allumaient dans de nombreuses teintes différentes, comme pour marquer la folie qui s'emparait de la cité. Mirana glissa ses mains dans les poches de sa tunique tout en traversant la rue marchande principale. Des enseignes plus extravagantes les unes que les autres attiraient son regard. Nombreuses étaient les boutiques à parier sur le sexe; simple, presque cliché, mais toujours vendeur. On y trouvait de tout pour pimenter sa vie sexuelle, des combinaisons aux jouets en passant par les livres et même les leçons. Mais certains magasins se montraient plus subtils et proposaient, entre autres choses, des jeux de mots à même de faire sourire, pour peu qu'on les comprenne : "Fil harmonique" pour une boutique d'instruments musicaux à cordes, "Arc-en-ciel" et "Treize or" pour des joailleries, "Art abesque" pour un vendeur d'arts... Un nombre important d'échoppes étaient concentrées dans la rue, plus que dans n'importe quelle autre ville, et proposaient des marchandises du monde entier. On pouvait résumer la chose de la façon suivante : tout ce qui pouvait se vendre à travers le monde se trouvait à Nibbana. Surtout si cela pouvait exciter les sens. Ainsi, nombreux étaient les magasins à proposer des plantes de toutes sortes, notamment aux effets hallucinogènes ou pour booster l'endurance... et d'autres choses. Mirana flâna un moment dans cette rue principale, s'amusant à détailler le nombre de produits tournés vers les plaisirs de la chair, à relever ceux qu'elle avait déjà eu l'occasion de tester, qu'elle avait appréciés, avant de rejoindre le centre-ville.
Une fontaine se dressait au milieu de la place, surplombée d'une statue d'un sorcier les mains levées vers le ciel , dont le visage affichait un air de béatitude. Elle était taillée avec un soin extrême, chacun des traits de l'homme s'avérant particulièrement soigné. Il ne portait pas de pantalon, et si le sculpteur n'avait pas décidé de représenter son appendice, on comprenait aisément qu'il était en pleine fornication au vu de la masse informe posée devant son bassin. Les rumeurs allaient bon train sur le véritable sens de ce morceau peu détaillé de la sculpture. Tête, fesses, hanches... autre chose ? Toujours était-il que cela donnait le ton : Nibbana, ville de tous les vices et plaisirs. Sur la place centrale, on pouvait trouver toutes sortes d'affiches vantant les effets de certains produits, annonçant les activités de la soirée, de la semaine, ou du mois. Et bien entendu, un extrait choisi des règles de la ville. Tout ou presque était autorisé à Nibbana, tant que l'on pouvait y mettre le prix et que cela ne lésait personne, ou du moins, pas trop gravement. Un désir de s'enivrer ? Des bars étaient ouverts dans toutes les rues, proposant toutes les boissons qui existaient ou peu s'en faut. Une envie de drogue ? Elles étaient toutes disponibles chez des revendeurs certifiés. Une besoin de se battre ? Des combats de toutes sortes avaient lieu chaque jour et comblaient de très nombreux désirs : humains ou animaux, mortels ou non, à main nues ou armés. Et bien d'autres choses encore qui ne pouvaient être listées, tant cela prendrait de temps. Et sans oublier la règle d'or de la cité : MEURTRE INTERDIT. Cette règle, qui pouvait sembler banale à première vue tant elle était commune à travers le monde, s'avérait en réalité être la plus importante. On racontait des choses horribles sur ce qu'il advenait des personnes ayant osé franchir la ligne. Nibbana disposait d'une prison souterraine et il était dit que l'on y pratiquait diverses formes de torture. Mais pas physique. Mentale. Le but était de briser l'esprit du prisonnier, de l'enfermer à jamais à l'intérieur d'un cerveau détruit, incapable de se remettre, incapable de vivre ou de mourir. Le moins que l'on pouvait dire, c'était que la sécurité, financée par les gains journaliers de la ville en or, ne manquait pas de moyens. Les gardes étaient partout ou presque, pour qui savait les voir, à l'affût.
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Un pari de trop
FantasyNibbana est la ville de tous les vices. Si de jour, la cité peut sembler tranquille, c'est la nuit qu'elle s'anime, offrant de quoi sustenter tous les désirs ou peu s'en faut. Parmi cette jungle de plaisirs à découvrir, Allan, adepte des jeux d'arge...