Ducunt volentem fata, nolentem trahunt

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(Le destin porte ceux qui l'acceptent et lynche ceux qui le refusent)

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1 juillet 2016

Une lueur insidieuse m'aveugle les yeux depuis un moment et je grogne en fouettant l'air de ma main, chose stupide et surtout inutile car le soleil n'a cure de mes humeurs. Je soupire finalement en me retournant sur le côté droit de mon lit, rescapé de l'attaque solaire et tente désespérément de retrouver les bras de Morphée.

Le problème c'est qu'une fois réveillée, impossible de me rendormir et aujourd'hui ne fait pas exception : je me retourne et re retourne dans mon lit mais le sommeil m'a quitté et je n'ai plus qu'à me lever.

Néanmoins, allongée sur le dos, les yeux clos, je profite de ce moment de répit avant la tempête.

D'une minute à l'autre, ma mère fera irruption dans ma chambre et me criera de me lever au plus vite car "la fortune appartient à ceux qui se lèvent tôt", n'est-ce-pas, ne voyant pas l'intérêt de "traînasser comme une feignasse dans mon lit" alors que "la vaisselle n'est pas faite, qu'il faut étendre le linge" et j'en passe.

J'ouvre mes paupières et balaye ma chambre du regard, si bien rangée que cela fait peur, je plaisante bien sûr, et soupire en me disant que décidément je donne le bâton pour me faire battre.

Ma chambre est un des nombreux sujets de discorde avec ma génitrice, à l'en croire je vivrais dans une bauge à cochons, ce qui est loin d'être le cas.

Elle n'a pas l'air de réaliser que je n'ai plus 4 ans, j'en ai à présent 20 mais les choses n'ont absolument pas évolué depuis le temps.

Le problème c'est que je suis étudiante et que j'habite toujours chez mes parents faute d'argent puisque, suivant un double cursus, mes cours me prennent une grande partie de la journée et que mon temps libre est consacré à mes devoirs.

Quand je dis mes parents, il s'agit d'une expression car mon père est parti il y a longtemps de cela, nous laissant ma mère, mes frères et moi sans l'ombre d'un regret. J'avais 4 ans d'ailleurs, ce qui pourrait expliquer l'attitude de ma mère qui s'est métamorphosée du jour au lendemain.

De tendre et souriante elle est passée à froide et acariâtre, travaillant du matin au soir pour payer le loyer, nos études et tout le reste. Après mon bac, j'ai dû me résoudre à aller à la Fac car ce sont les études qui coûtent le moins cher alors que mon premier choix se serait plutôt porté sur une prépa.

Je passe pas mal de temps à la bibliothèque afin de me retrouver au calme, fuyant l'atmosphère pesante et surtout bruyante de ma maison.

Ma mère est en conflit permanent avec mon frère cadet Jonas qui est dans sa phase "rebelle", comme disent les vieux et qui fait régulièrement l'école buissonnière avec ses amis, de vrais ploucs.

Nathanaël, mon frère aîné a un an de plus que moi et est militaire, ce qui fait que nous ne le voyons que très rarement.

Je le soupçonne d'ailleurs d'avoir choisi ce métier pour partir souvent en mission et s'éloigner le plus possible de l'enfer familial.

Ressassant ma morgue, je jette un œil à mon réveil et m'étonne de ne pas l'avoir entendu sonner. Il est posé sur ma table de nuit, statique et froid, me contemplant calmement sans émettre un bruit. Fronçant les sourcils, je constate que les aiguilles ne bougent plus, toutes deux figées sur le 12.

Me levant précipitamment, je me dirige vers ma chaise où j'ai l'habitude de déposer mes vêtements pour le lendemain, ce dont je me suis toujours félicitée car je ne suis absolument pas du matin.

Un jean et un chemisier feront l'affaire comme toujours, et claquant la porte de ma chambre je dégringole l'escalier, m'étonnant de ne pas entendre une des énièmes remontrances de ma mère sur mon retard ou le bruit que je fais.

Mais arrivée en bas, silence absolu, la cuisine est éteinte comme le reste de la maison et personne ne semble réveillé. Au moins, la journée débutera dans le calme et je grimpe sur un tabouret pour manger un fruit.

L'avantage de la Fac c'est que personne ne contrôlera ta présence et mon retard passera tout à fait inaperçu. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que ma mère est toujours debout depuis 5 heures du matin afin de pouvoir avoir le temps de tout faire mais à en juger la hauteur du soleil dans le ciel, il doit être au moins 9 heures.

Ma montre semble elle aussi arrêtée, ce qui est quand même assez troublant mais je trouve ça fascinant de pouvoir deviner l'heure qu'il est en regardant le soleil donc je ne m'attarde pas trop dessus.

En sortant de la maison, la rue semble si calme qu'on dirait que le temps s'est arrêté. Pas de bruits de klaxons, pas de chants d'oiseaux, pas de rires d'enfants, le silence est maître et j'avance tranquillement le long du carrefour.

Comme ma maison est assez éloignée de la rue principale, il faut que je traverse au carrefour pour apercevoir l'animation qui règne chaque matin mais aujourd'hui tout est différent. Je pense que je l'ai ressenti avant même de les voir, tous immobiles, comme suspendus dans leur mouvement.

Appelons cela l'instinct, je sentais dès le matin au réveil que quelque chose avait changé mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. A présent, je contemplais la bouche ouverte le spectacle qui s'offrait à moi et mon premier réflexe fut d'éclater de rire... C'était à peine croyable, toute la rue était en train de faire un mannequin challenge mais sans musique et je cherchais alors frénétiquement les caméras tout en applaudissant avec enthousiasme.

"Alors là bravo! Moi je dis bravo car c'est très bien fait, pas un ne bouge, vous ressemblez à de vrais statues!"

Tout en avançant dans la rue, je cherche du regard ma mère et Jonas, ce qui pourrait expliquer leur absence de la maison mais je ne les vois pas. D'ailleurs, mon enthousiasme commence à baisser car l'atmosphère est étrange...

IndomptablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant