Chapitre 6

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Ses doigts passaient et repassaient sur le fil avec l'agilité d'une araignée tisseuse. Elle enfilait les fils par-dessus, par en dessous, à côté, à droite. Les couleurs se mélangeait, insaisissables, difforme, et finissait à l'autre bout transformé en tissus. Elle était vivement concentrée. Une mèche abyssale lui tomba sur le regard. Elle souffla. La mèche lui retomba sur l'autre œil. Ellya la regardait. D'un air attentif, dévoué, professionnel. Peut-être maternel. Elle sourit devant les efforts vains d'Aëllie.

Que penses-tu de la situation de l'empire?

Ellya était comme ça. Elle pouvait lancer des questions sans avertissement. Ceux-ci était parfois en lien direct avec la situation actuelle, ou pas du tout. Elle pouvait garder de longues heures un silence triste, parfois sinistre, ou débattre sur des questions futiles avec la petite. Parmis ses professeurs, c'était bien la seule qui réussissait à la faire réfléchir aussi profondément, d'une manière si intelligente. L'esprit d'Ellya était autant difficile à cerner que le sujet de ses questions futures. Aëllie ne savait jamais ce qu'elle allait dire, ou faire. Les paroles de son père lui remontèrent en mémoire.

" Le Zhàr s'arrange pour ne rien laisser paraître de ses émotions. Cela ne fait pas qu'il n'est pas humain, mais le rends imprévisible, et donc mortel."

Non. Ellya était peut-être imprévisible, mais certainement pas mortelle. Elle a soixante ans bien passé, songea Aëllie. Elle ria de cette pensée bien amusante.

Ellya tiqua. Aëllie avait oublié qu'elle lui avait posée une question qui méritait un certain temps de réflexion. Elle abandonna cette idée. Elle n'était pas en cour, et Ellya n'était pas son professeur, même si elle en avait parfois l'air. Elle répondit impulsivement.

Rien. Je n'en pense rien. Mon père, lorsque j'ai le merveilleux plaisir de le rencontrer, ironisa-t-elle, ne se soucis pas de moi et ne voit pas la pertinence de m'informer sur des sujets pour les grands et de toutes façon inutile pour un enfant de mon âge. Je ne le blâme pas, parce que, franchement, la politique m'énerve.

Tu as tort. Ton père aussi.

Son visage devint grave. Insulter le Roi de cette façon pouvait lui faire risquer d'encourir la peine capitale. Ellya ne s'en souciait pas, apparemment.

S'informer sur un sujet aussi capital que l'état du royaume n'est pas du ressort de la curiosité, mais du devoir. Maintenant princesse, tu deviendra un jour Reine. Les préoccupations du peuple te paraîtront d'autant plus utile si tu les apprends maintenant. Un manque flagrant du sens du devoir ou même de la curiosité chez toi me fait songer si je ne regretterai pas mon choix. Il serait temps que tu ais l'éducation d'une vraie princesse. Le peuple connaît le peuple. Le Roi doit le connaître encore plus.

Son regard redevint doux.

J'en informerai ton père, pour qu'il puisse remédier à cette situation.

Aëllie la fixa durement. Elle avait tiqué lorsque Ellya avait dit certaines paroles.

Quel choix?

De quoi parles-tu?

Vous avez mentionné que vous avez fait des choix à mon sujet. Quels sont-ils?

Tu as dû te tromper. Je n'ai pas dit cela.

Les mots d'Ellya étaient pourtant imprégnés dans sa mémoire avec la fraîcheur d'une nuit d'hiver. Ellya lui offrit un regard en coin suivit d'un petit sourire puis se tourna vers la fenêtre, dos à Aëllie. Elle n'avait pas fini avec la vielle dame.

Quel métier exerciez-vous, avant?

Avant?

Elle n'avait pas bougé de position. Aëllie discutait avec un dos.

AellieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant