XVII - L'Oiseau de Minuit

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Kaysha menait désormais son propre numéro, impressionnant tout le public en émoi devant sa prestation incroyable. Le premier jour de sa représentation, Kaysha s'angoissait seule dans le cirque, du côté des artistes.

- Je vais jamais y arriver, se murmurait-elle.

Elle tournait en rond, une veste par-dessus son maillot de danseuse.

- Si je tombe... conjecturait-elle. Ou si j'attrape mal mes cordes...

Quelqu'un se racla la gorge derrière elle, et la jeune femme se retourna brusquement pour trouver Jérôme. Elle lâcha un soupir de soulagement en se précipitant vers lui.

- Jérôme !

Il posa une main sur son épaule.

- Alors, prête, l'artiste ?

- J'ai tellement peur ! s'exclama-t-elle en lui tourna le dos, avec des mouvements anxieux de ses membres.

Elle fit quelques pas et revint vers lui.

- Regarde comme je tremble ! s'écria-t-elle. Je vais jamais y arriver ! et mon père... enchaina-t-elle sans arriver à s'arrêter de parler. Mon père... il me hait encore plus, et je sais pas si j'ai bien fait ! et pourtant, j'adore tellement ce que je fais !

Elle marchait, ainsi soucieuse. Jérôme s'approcha d'elle avec un petit rire amusé. Il la maintint en face de lui.

- Tant pis pour ton père, dit-il. Tu es magnifique comme ça, et tu vas tous les impressionner, parce que je sais que tu seras la meilleure ce soir. Lorsque Haly dira ton nom, tu entreras en scène, et tu montreras à ton père et à tout le monde que tu es la meilleure.

A ces mots, Kaysha s'apaisa quelque peu. Ils ne faisaient pas attention au reste des artistes.

- Mesdames et Messieurs ! reprit Jérôme. Je vous prie d'accueillir avec vos plus beaux applaudissements la merveilleuse, la talentueuse, Kaysha Wade qui va, sous vos yeux ébahis, vous montrer comment voler devient possible !

Kaysha ne pu s'empêcher de rire nerveusement. Elle regardait Jérôme avec gratitude, puis sursauta soudainement.

- C'est à moi dans deux minutes ! s'exclama-t-elle. Elle passa son regard discrètement pour voir où en était le numéro avec la présentation des tigres. Souhaite-moi bonne chance ! dit-elle à Jérôme en enlevant sa veste rapidement, avec un sourire crispé.

Il lui prit son visage dans ses mains, qu'il posa ensuite au dessus de ses clavicules.

- Tu seras excellente.

Il lui laissa un baiser sur le front, elle sourit brièvement, et elle s'en alla pour se poser derrière le rideau des artistes. Jérôme la regardait, ainsi de dos. Il fit le tour du chapiteau, et s'assit sur les sièges spectateurs pour voir son entrée. Après la pénombre, la piste s'illumina pour laisser place à Haly et sa bedaine proéminente.

- Et, pour la suite de ce spectacle, je vous prie d'adresser vos applaudissements à notre nouvelle recrue...

« Nouvelle recrue », quel mensonge. Et quel surnom dégradant.

- ... L'Oiseau de Minuit...

Quelle appellation sublime, pour le plus splendide des oiseaux.

- ... Kaysha Wade, qui va, sans plus attendre, vous présenter son numéro de cordes volantes ! Offrez-lui une chaleureuse entrée !

Haly disparut de la scène. La pénombre se fit une nouvelle fois, et au milieu de la piste, au même endroit où se trouvait Haly, une pâle lumière bleutée s'alluma soudainement. Deux cordes blanches, ressemblant plus à des draps coupés en longueurs, pendaient depuis le plafond, et le silence se fit immédiatement dans la salle. Un silence qui n'était pas pesant, mais incroyablement volatile et agréable. Les rideaux se levèrent, et Kaysha, la tête légèrement baissée, avançait avec grâce et lenteur. D'une souplesse qui n'épargnait aucune partie son corps, elle fit quelques pas de danse, se tenant sur un pied et balançant tout son poids en avant, les bras au dessus de sa tête. Tout son corps se courbait, dans des positions incroyables. Elle ondulait son corps, aussi facilement que des serpents glissaient sur le sol, soulevant imperceptiblement la poussière. Elle envoûtait les hommes et les femmes, et bien plus le regard de Jérôme. La danse n'avait aucunement besoin d'accompagnement musical, ses gestes étaient une chanson inaudible et assourdissante. Quel charme elle opérait alors, sur tous les yeux.

Mad Love (Jerome Valeska)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant