Théa

10.

   J'AURAIS adoré entendre les avis que les gens avaient de moi.

   Un gamin, un mec sans couilles, un connard, un gars sympa qui sourit tout le temps ou un gentil physiquement.

   Une fille qui traînait toujours avec Théa, s'accoudant à elle quand on attendait dans les couloirs, elle m'avait une fois lâché comme une bombe :

   "Putain mec, t'es heureux ? T'as toujours l'air triste, c'est chaud là."

   Goût de sang dans la bouche : j'me suis mordu le palais à en saigner parce que je suis le roi des émotions mal cachées.

   J'ai dit que c'était qu'un air et qu'j'allais très bien, c'qui était pas vraiment la réalité vu que mes remords me hantent encore, et elle a levé les sourcils sans protester; en cours, le secret n'est plus devenu secret. Théa était au courant.

    Elle était aussi discrète que moi, tout de suite elle a posé les yeux sur moi, l'air presque triste. J'ai laissé échapper un sourire.

   Si y a bien une personne qui peut pas dire que je suis triste, c'est bien Théa. Quand j'la regarde, je rigole, je souris toujours. Je suis heureux, et le fait de la regarder, au fond de moi, ça me rend aussi heureux. Pas de beaucoup, non, le petit bonheur, du style manger un petit beurre les pieds dans l'eau en plein été.

   Ses joues sont devenues pivoines et ses yeux ont retrouvé sa copie, à peine grattée, elle avait passé l'cours précédent à me mater.

   Là, si ça tenait qu'à moi, si j'avais pas trop de fierté ou quoi, je l'aurais serrée dans les bras. Fort, très, trop fort. J'étais pas très tactile, en vrai,étaler mes mains sur les gens ça me faisait pas trop envie. Mais là, j'avais envie de la serrer dans mes bras, jusqu'à l'étouffer de mon parfum, jusqu'à lui tordre les côtes et l'écraser contre moi.

   Sauf qu'elle avait pas l'air très câline, Théa, juste affectueuse.