Luxelia: Le Trône de l'Aube [EN PAUSE]

Chapitre Premier: Le linceul écarlate

  Les rayons du soleil descendant au crépuscule tranchaient le ciel tels des lames de lumière, teintant lentement son voile azuré de tâches vermillons. La lueur de l'astre couchant traversa une vitre, se diffusant dans une salle d'étude. Une vingtaine de pupitres s'alignaient en quatre rangées de cinq. À chaque table était couplée une chaise vide. Une voix rauque résonna alors:

"Monsieur Eangert !"

 Un jeune homme aux cheveux châtains qui dormait sur l'une des tables au fin fond de la classe se réveilla en sursaut. L'air encore assoupit, il observa d'un regard nonchalant  son interlocuteur, un homme vêtu d'un uniforme gris et d'une paire de souliers noirs. Son visage carré était cerné de nombreuses rides, indiquant un âge très avancé. Ses cheveux courts et grisés nuançaient avec ses yeux d'un bleu glacé. Sa main droite tenait une mallette en cuir noir tandis que son bras gauche soutenait un vieux manteau rapiécé au niveau des manches.

"Quelle heure est-il ? demanda le garçon tout en tentant d'étouffer un bâillement.

— Dix-huit heures quatorze et vingt-sept secondes, pour être précis, lui répondit le vieil homme.

— Déjà ?!"

 La réponse donné par son interlocuteur avait visiblement sorti le garçon de sa sieste. Il bondit aussitôt hors de sa chaise en saisissant un sac à dos d'une couleur de lin.

"Je vais me faire passer un savon si je suis en retard à la maison ! J'avais juré de revenir au plus tard vers dix-neuf heures ! J'ai intérêt à rentrer en triple vitesse !

— Avez-vous fini de remplir la fiche d'énoncé que je vous ai distribué tout à l'heure ?

— Heu... Oui ! répondit l'ado en brandissant une photocopie de ce qui semblait être une sorte de test de science et qui était couverte d'inscriptions manuscrites par endroits."

 Une fois qu'il eut rapidement rangé sa chaise et passé l'une des sangles de son sac sur son épaule droite, le jeune garçon traversa d'un pas pressé la salle de classe jusqu'au bureau de son professeur. Un tableau noir solidement fixé au mur faisait dos au bureau de l'enseignant. Diverses équations et calculs complexes tracés d'une craie blanche se découpaient sur sa sombre surface. Sur son sommet était tracé un titre en lettres majuscules: PHYSIQUE ÉSOTÉRIQUE. Le sujet abordé semblait fort compliqué, aussi le garçon préféra détourner son regard du tableau afin de rendre sa copie dans les plus brefs délais. Il tendit donc sa feuille à son professeur.

"Hum... Ça me semble prometteur ! clama le vieil homme en balayant rapidement la copie du regard."

 Après avoir entrouvert sa mallette pour y glisser la copie d'examen, l'enseignant donna un nouveau regard bienfaisant à son élève.

"Je suis très fier de vous et vos progrès constants mon cher ami, mais dorénavant tâchez d'être présent à chaque cours de manière ponctuelle. J'ai fait preuve d'indulgence lors de cette épreuve de rattrapage puisque votre absence au dernier examen était justifiée, mais tentez d'éviter ce genre de complications à l'avenir. D'accord ?

— Oui, monsieur Gérras."

 Puis, tournant des talons, le jeune garçon entrouvrît la porte de la salle de classe, lorsque le professeur Gérras lui rappela quelque chose:

"N'oubliez pas d'achever votre projet de sciences que vous devrez me remettre d'ici deux semaines. Avez-vous trouvé un camarade avec qui vous greffer pour travailler ?

— C'est déjà arrangé, professeur. Nox et moi travaillons dessus depuis longtemps déjà. Il ne nous reste plus que quelques réglages à faire et ce sera terminé, répondit le garçon d'un ton joyeux."

 C'est sûr cette dernière réplique que le jeune homme quitta la salle, le sac à l'épaule.

 Parvenu à l'extérieur de l'établissement scolaire, il observa le magnifique coucher de soleil qui se présentait à lui. Au-dessus de l'entrée principale du bâtiment était disposé une plaque métallique sur laquelle était marqué Université Privée d'Enseignements Ésotériques et de Cryptozoologie, que l'on pouvait abréger par UPEEC. Une large allée de grès blanc tranchait avec les étendues de pelouse verdoyante entourant le bâtiment universitaire. Tout cet espace était à son tour délimité par de hautes haies de buissons bien taillés. L'étudiant quitta le parvis de l'UPEEC par cette même allée blanche sur laquelle frappaient avec vigueur les derniers rayons du soleil couchant. Le chemin de grès s'arrêta devant un grand portail de fer forgé dont les barreaux dessinaient majestueusement des créatures mythologiques tels que des dragons ou des loups-garous. Poussant l'un des battants du portail, le jeune homme se retrouva le long d'une large route bétonnée. Une dizaine de mètres plus loin, un large grillage couverts de barbelés à son sommet s'étendait tout en longueur de la route. Le garçon traversa la route, jusqu'à de ce même grillage qu'il agrippa de sa main gauche. Il observa les magnifiques plaines fertiles qui s'étendaient de l'autre côté de cette immense clôture de fer et les monts qui pointaient à l'horizon, derrières lesquels le soleil disparaissait de plus en plus. Un vent d'été soufflait sur le visage du jeune homme. Il inspira longuement cet air frais qui eût l'effet de clarifier ses pensées, et songea:

"Mon pauvre Lux, tu vas pas passer une soirée des plus agréables..."

Il remarqua alors qu'il s'était entaillé la main avec le fil de fer composant le grillage. Un mince filet de sang couvrait à présent sa paume.

Il reprît alors son chemin vers son domicile, en soupirant.