Chapitre 5 (corrigé)

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                                                                                       Björn



Ma femme... Arlun...

Une déferlante d'émotions me tombe dessus à l'instant même où je saisis le sens des mots du traducteur, ouvrant en moi un gouffre que j'ai tenté de refermé durant dix ans, libérant ainsi la haine, la rage, la peur, le manque, l'amour. J'ai l'impression de devenir fou et saisi le petit Calife par la gorge en serrant de toutes mes forces tandis que son visage devient cramoisi. Je hurle d'une voix grave qui me déchire la gorge, je lui hurle mon espoir et mon désespoir... J'ai vu ma femme tombée dans la Seine avec une flèche planté dans la poitrine, je l'ai vu s'éloigner de moi emportée par le courant... J'ai cru mourir de douleur à sa mort et cet homme, ce petit avorton vient me dire que j'ai pleuré ma femme pendant dix longues années alors qu'elle était là, vivante, à ses côtés! Le Califat a déclenché en moi un tel flot d'émotion que je n'ai même pas l'idée que ce qu'il raconte pourrait être faux. Cela ne peut être qu'elle...

Malgré ma rage, je vois du coin de l'œil les hommes du Califat dégainer leurs lames sans néanmoins faire un pas vers moi qui tiens leur maître en otage sous ma poigne, tandis que dans mon dos, j'entends mes guerriers pénétrer les uns après les autres dans la vaste salle, sûrement alertés par mes hurlements.

-Où est ma femme ? Je lui hurle encore une fois malgré ma gorge en feu, mes yeux rivés dans les siens, qui vont éclater.

Et soudain, malgré le cliquetis des armes, malgré les couinements du Calife, un bruit porté par le vent, léger comme une brise me parvient. Mon nom murmuré par une voix que je n'aurais plus jamais cru entendre.

Je lève lentement les yeux vers l'apparition qui fait un pas vers moi et lâche sans m'en rendre compte le Califat qui s'effondre à mes pieds tandis que mes bras retombent inerte, le long de mon corps.

J'ai le cœur qui tambourine à m'en faire mal, le sang qui bat violemment à mes tempes, et j'ai une peur bleue. Et si la forme face à moi n'était pas elle ? Et si c'était juste un fantôme ? Et si j'étais réellement devenu fou ?

Le temps semble s'arrêter autour de moi et j'oublie tout ce qui m'entoure, les guerriers dans mon dos, les hommes menaçants face à moi, le Calife qui se relève avec une main sur la gorge... Il n'y a plus qu'elle... Chaque détail se grave en moi au fer rouge tandis que j'avance lentement vers ce fantôme de mon passé...

Ses longs cheveux châtains tombent librement dans son dos tandis que la brise marine qui passe par les fenêtres soulève quelques longues mèches, la bretelle de sa robe bleue nuit qui a glissé de son épaule, le loup hurlant à la lune qu'elle s'est fait tatoué juste avant notre départ pour Paris, ses mains légèrement tendues vers moi, la cicatrice en forme de croix qu'elle a juste au-dessus du cœur, sa poitrine volumineuse qui se soulève et s'abaisse à un rythme fou, sa bouche entrouverte, ses beaux yeux marron ornés de longs cils embués de larmes.

Je m'arrête à quelques centimètres de son corps sans osé la toucher et sens une larme rouler sur ma joue pour aller se perdre dans ma barbe tandis que mes yeux sont rivés aux siens. Elle lève une main hésitante vers mon visage et la pose délicatement sur ma joue tandis que son autre main se pose sur mon torse, cherchant les battements d'un cœur que je croyais mort et qui semble revivre. Je penche un peu la tête sur le côté, fermant les yeux sous la caresse de sa main sur mon visage, ne croyant toujours pas à sa présence, n'osant la toucher de peur qu'elle disparaisse...

Elsker Nord (L'amour du nord)       Livre 2 et Livre 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant