L'air frais du moment balaya mes cheveux qui virevoltaient dans tous les sens. Le soleil commençait à montrer le bout de son nez et c'était un spectacle magnifique. Je me rappelle que maman et moi avions l'habitude de nous lever aux horores et de nous rendre sur les falaises de la ville, accompagnées de Ben, le garde forestier qui était un très bon ami à nous, uniquement pour contempler cette merveille avec de bons chocolats chauds. Maman. Mon cœur se serre quand je me remémore ces temps là; où elle était en pleine forme et savourait la vie à plein temps. Je me laisse tomber sur la balustrade de la terrasse de l'hopital et ramène mes genoux contre ma poitrine. Je n'ai pas eu la force de retourner dans sa chambre après être sortie du bureau du cardiologue. Je sais que j'aurai dû être avec elle, à profiter de chaque minute et de chaque seconde qui nous reste, mais cela est au-dessus de mes forces. J'aurai craqué devant elle et elle n'a pas besoin de ça pour le moment. Alors je suis montée ici, là où je viens à chaque fois que j'ai envie de pleurer depuis que maman a été hospitalisée, sans que l'on me voit. Et de là, on peut contempler presque toute la ville. Tout paraît si minuscule, si insignifiant.
Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle va mourir d'un instant à l'autre. Je croyais que c'était juste une mauvaise passe; qu'elle allait s'en remettre pour que nous puissions retrouver notre routine quotidienne. Mais il faut croire que Dieu ou le destin en a décidé autrement, à mon plus grand désarroi. J'essaie de toutes mes forces de me convaincre que tout ceci est un mauvais rêve, que d'un moment à un autre, j'allais me réveiller et retrouver maman dans le petit jardin, chez nous, entrain de faire sa séance de yoga comme tous les matins; mais au fond de moi, je sais que je me leurre.
J'essuie mes larmes avec les manches de mon pull. À ce rythme, il ne va même plus m'en rester pour pleurer quand elle sera partie, me laissant toute seule au monde avec ma douleur, ma colère et mon désespoir.
Plus rien n'a plus d'importance si elle n'est pas à mes côtés. Je me suis toujours surpassée dans les études afin de réussir et nous sortir de tous les problèmes d'argent que nous rencontrions. J'ai même commencé à cumuler les cours avec de petits boulots pour aider avec les dépenses depuis l'âge de quinze ans. Elle aussi s'est beaucoup sacrifiée pour que je ne manque jamais de rien. Elle a mis sa vie entre parenthèses pour s'occuper de moi, me faisant passer avant elle-même. Et les hommes; n'en parlons pas ! Pourtant ce ne sont pas les prétendants qui manquaient car ma mère reste une très belle femme, même malade. Cette situation m'a longtemps étonnée et à chaque fois que je lui demandait pourquoi elle refusait de refaire sa vie, elle me répondait toujours: "Ma chérie, le véritable amour ne se rencontre qu'une fois dans une vie, et le mien a été, est, et sera toujours ton père". Je n'ai jamais compris ma mère sur ce point, sûrement parce que je ne suis jamais tombée amoureuse et parce que je ne croyais pas vraiment à l'amour fou. Cependant, je sais qu'elle a adoré mon père. N'ayant jamais connu ce dernier qui est décèdé bien avant ma naissance, nous n'étions que deux et chacune ne pouvait compter que sur l'autre, raison pour laquelle je n'ai jamais senti l'absence d'un amour paternel car elle m'aimait pour deux et elle remplissait aussi bien son rôle de mère que celui d'un père.À présent, tous ces sacrifices ont été vains et je ne trouve même plus de sens à ma vie.
Les vibrements de mon portable coincé dans la poche arrière de mon jean me sortent de mon état de torpeur. Je sors l'appareil et décroche après avoir regardé qui m'appelait.
-Trente-six fois Ruby ! Cela fait trente-six fois que j'essaie de te joindre depuis hier soir, et à chaque fois je tombais sur ta messagerie. Non mais t'es sérieuse de nous laisser comme ça, sans aucune nouvelle depuis ton départ précipité d'hier soir, hein ? T'imagines même pas la frayeur qu'on a eu maman et moi et le pire c'est qu'on ne pouvait pas se libérer pour venir à l'hopital car....
Avec toutes ces émotions, j'ai carrément oublié de la prévenir, elle et Suzane. Je comprends sa colère ainsi que son inquiétude, mais je suis incapable de supporter ses reproches.
- Maman va mourir, Gigi...La coupais-je.
Durant tout son monologue, j'ai éloigné mon smartphone de mon oreille, tellement elle criait fort. Sa norvosité était réelle car lorsqu'elle est dans cet état, elle se mettait à parler pour ne jamais s'arrêter et franchement, aujourd'hui je n'ai ni la force ni la patience de l'écouter râler des heures. Je sais que c'est une manière un peu brusque de lui annoncer la nouvelle mais je n'ai pas eu le choix; c'était la seule façon de l'obliger à se taire et le dire comme ça, à haute voix à quelqu'un d'autre que moi-même, me soulage un peu du lourd fardeau que je porte. Le grand silence qui règne me ferait presque penser que Gigi a raccroché, si je n'entendais pas ses fortes inspirations.
- Qu...Quoi ? C'est pas possible Ruby...Dis-moi que ce n'est pas vrai ?!
L'immense peine et les sanglots que je perçois dans sa voix font ressortir mes larmes et c'est avec beaucoup de difficulté que je réponds.
- Si tu savais Gigi...si tu savais tout ce que je suis prête à donner pour que ça en soit une...mais malheureusement c'est la triste vérité. Ma mère s'en ira au moment où on s'y attendra le moins, le docteur vient de me le dire.
- Oh mon Dieu Ruby, c'est affreux, répondit-elle en sanglotant de plus belle.
- S'il te plaît Gigi, j'ai besoin de toi; je me sens tellement seule et anéantie. Je ne vais pas y arriver...
Ma voix se brise sur la fin et j'essaie de toutes mes forces de ne pas craquer et inquiéter davantage mon amie d'enfance.
- Mais biensûr que je vais venir. D'ailleurs on va fermer immédiatement la cafét' , ne t'inquiètes pas. Je sais que c'est très difficile, mais il faut que tu sois forte, d'accord ? On arrive tout de suite avec maman.
Je hoche la tête comme si elle pouvait me voir, puis je lui demande.
- Gigi, maman ne sait pas que je suis au courant qu'elle va mourir donc je vous en prie, soyez discrètes. Je vous raconterai tout en détails, c'est promis.
- D'accord, ne t'en fais pas...
Je raccroche et range le téléphone. Être forte. Encore ces deux satanés mots. Georgia est la deuxième personne qui me demande de l'être, en vingt-quatre heures. Comment puis-je prétendre être forte dans une telle situation ? Ils se foutent vraiment de ma gueule ! Je pousse un petit cri de colère en tirant sur mes cheveux. Une grande colère commence à naître en moi. Je fais partie des personnes qui, après avoir pleuré leur peine, se réfugient dans la colère, afin de se protéger. Et là, je suis en colère contre tout le monde. Contre mon père qui est parti beaucoup trop tôt, contre le docteur qui a brisé tous mes espoirs de guérison pour maman, contre cette maudite maladie qui va m'enlever l'être que j'aime plus au monde et enfin, contre cette vie. Cruelle et impitoyable, qui n'arrête pas de le mettre à l'épreuve depuis ma naissance. Je plonge ma tête entre mes deux mains et inspire profondément. Il faut que je me calme. Je me lève et commence à faire les cent pas en tirant sur mes cheveux. Le soleil commence à être au plus haut de son zénith et j'avoue que je n'ai pas vu le temps passer. Je n'ai fait que retarder le moment, mais il va falloir que je redescende affronter la situation et faire en sorte que maman ne s'aperçoive de rien; pour celà il faut que j'arrête de pleurer et que je retrouve ma tranquilité. Dans le cas échéant, maman va se douter de la confidence du cardiologue et cela peut l'affecter. J'attendrai qu'elle veuille me l'annoncer de son propre chef, en espérant que cela ne dure pas longtemps. J'essaie donc de dompter ma tignasse, avant de prendre le chemin du retour.
C'est avec beaucoup de sérénité que je redescends les escaliers et arrivée devant sa chambre, je me pince les joues pour me donner un peu de couleur avant de pénètrer dans la celle-ci, accompagnée de mon plus beau faux sourire. Je déteste faire semblant mais là, il faut que je fasse un effort. Pour maman.
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Coucou à tous,
Je suis vraiment navrée de ce grand retard, j'avoue que j'ai eu quelques complications dans ma vie et j'avais même songé à arrêter le livre. Cependant, beaucoup de personnes ont insisté pour que je publie de nouveau, du coup voilà quoi 😊
J'espère que l'histoire continue de vous plaire et que vous ne tiendrez pas trop rigueur de mon abscence 😌 Gros Bisous 💋,Aïda.

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Ruby
RomanceDésemparée. Voilà l'état dans lequel se trouvait Ruby après la mort de sa mère. Elle fut contrainte d'aller vivre avec un oncle qu'elle n'a jamais connu, qui vit dans un autre pays et qui travaille comme jardinier dans la maison d'un riche entrepren...