Les chiens sont noirs ou jaunes, ou jaunes et noirs, plus rarement blancs avec des tâches. Le plus souvent ils n'ont pas un beau poil, à moins que ce ne soient des chiens de maîtres. Mais ce ne sont pas ceux qui nous occupent ici. Nous parlons des chiens des rues. Il y en a partout, dans les villes, dans les bourgs, à la campagne, sur le bord des routes et aussi au bord de la plage, sous les palétuviers. Ils vivent leur vie comme bon leur semble, sortent de derrière les voitures, traversent avec prudence, y renoncent parfois. Ils circulent, le plus souvent en groupe. L'un d'eux parfois veut s'y joindre et n'y est pas admis. Les mères sont souvent seules et lassés, avec les tétines qui ballottent comme celles de la louve de la légende, à force d'avoir nourri des dizaines de portées. Les chiens des rues viennent vous tourner autour, pour voir, avec un regard affectueux et interrogateur, mais ils ne quémandent pas. On les voit parfois sur les routes avec une charogne dans la gueule. On leur compte toujours les côtes et parfois les vertèbres qu'ils ont sur le dos. Dans les hôtels les serveuses les chassent avec un air de dégoût, en utilisant un répulsif diffusé avec un pulvérisateur manuel. Ils aboient parfois, lorsqu'ils ont peur, la nuit. Le reste du temps ils restent silencieux. Ils sont parfois comme morts étalés au soleil. Ils font la sieste et profitent de la vie. Les jeunes jouent pendant que les autres dorment en les regardant d'un air amusé. Ils font ce que les chiens de maître ne font en aucun cas: s'étaler sur le sable mouillé avec les pattes arrières étalées comme celles des grenouilles, s'avancer dans l'eau jusqu'au ventre et se laisser tomber pour prendre le frais, se mordre le croupion jusqu'au sang car les puces y ont maintes fois piqué. Ils regardent sans y penser les oiseaux qui viennent picorer les miettes de pain. Ils circulent toute la journée. On ne sait pas trop où ils dorment la nuit. On ne sait pas quel sens ils donnent à leur vie mais ils ne sont ni envieux ni jaloux du confort des chiens de maître car ils n'ont ni laisse ni attache et n'éprouvent que rarement le besoin de montrer les crocs, n'ayant que peu de choses à défendre. Les chiens de Maurice sont comme les vaches sacrées de l'Inde.
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Matthieu et Joséphine
General FictionParce qu'il n'avait pas toutes les vertus, Joséphine quitta Matthieu dès le début du voyage, ce qui fut à la fois brutal et surprenant.