CHAPITRE 3

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Le reste de la journée s'est passée dans le calme le plus complet. Après avoir bien discuté avec Ivy au sujet du boulot je suis retournée à mon bureau et j'ai continué ma paperasse. Je n'ai pas croisé derechef mon patron et je suis partie aux alentours de 17 heures. 

Une fois rentrée dans mon appartement, je n'ai pas eu 10 minutes qu'Amy a débarqué pour que je lui raconte de vive-voix mon premier jour dans le monde du travail.

- Donc en résumé, tu as une vieille secrétaire désagréable et un jeune patron qui n'est pas dénué de charme mais qui va se marier ?

- Exactement, dis-je en riant.

- Bon, j'en connais une qui ne va pas s'ennuyer.

La présence d'Amy m'est des plus agréable. Cela me fait du bien de retrouver un terrain familier et de pouvoir parler en toute franchise. Bien qu'Ivy s'est portée garante de mes premières impressions sur place, ce n'est rien comparé au contact d'une véritable amie.

- Et toi avec Mike ? Comment ça va ? demandé-je.

Amy est en couple depuis un an déjà avec un grand blond aux yeux bleus.  C'est un amour, toujours prêt à tout donner pour elle, il n'a aucun défaut à son actif actuellement. 

- Super ! Il a été embauché dans la boîte qu'il convoitait en tant qu'informaticien. Il commence au début du mois prochain. On attend ça avec impatience.

- Et toi ? Le marketting ça n'a toujours rien donné ? 

- On va dire que pour le moment je ne cherche pas vraiment. Mais je vais m'y mettre bientôt.

Nous continuons de parler pendant une heure encore, puis à la fin, elle finit par partir. Elle me laisse alors seule dans mon appartement de 40 mètres carrés aux briques rouges apparentes. Le parquet n'est plus tout jeune, il grince de temps à autre mais rien de bien gênant. Au niveau de la cuisine américaine, j'ai une grande fenêtre vitrée qui donne vue sur une partie de Manhattan. C'est ici que je préfère m'asseoir, au comptoir de mon bar et admirer la vue, un bouquin à la main en laissant s'échapper de nombreuses pensées.

Cependant, je ne devrais plus trop avoir le temps de faire ça dans les jours à venir... Cela doit être un mal pour un bien, j'ai de la chance de travailler pour Ayden, ce n'est pas un patron gênant. 

Je repense finalement à ma réaction et à ce que j'ai ressenti lors de l'annonce de son mariage par Ivy. Je me sens coupable d'avoir senti une pointe de déception. Je n'ai aucune raison d'éprouver quoique ce soit, mais si je suis honnête il est vrai qu'il a soulevé des sensations que je n'avais pas vécues depuis un moment, voire jamais si je me suis souviens bien.

J'ai eu deux-trois petits copains pendant mes études. Tous très beaux, je m'étais vite lassée et avais considéré une meilleure vie seule. Il m'arrive de regretter l'absence d'un partenaire, mais à 24 ans j'ai suffisamment de temps pour rencontrer quelqu'un. De plus, avec toutes les soirées mondaines auxquelles je vais assister, il y a peut-être une chance de trouver cette personne. Des fois j'envie la situation d'Amy, puis je réalise soudain que je n'ai pas trouvé quelqu'un que je pourrais supporter plus d'un an.

 Enfin, aux alentours de 23 heures, je retourne dans ma chambre et je m'assoupis rapidement, plein d'idées en tête.


Voilà maintenant une heure et demi que je patiente. Mon emploi du temps était clair, et je l'ai relu cinq fois au moins mais c'est écrit noir sur blanc : mon rendez-vous est bien à 9 heures 45. Ayden Walker ne daigne cependant pas montrer son nez. Madame Dean est passée au moins trois fois devant moi sans égard pour ma personne, sans jamais me donner un mot pour savoir où est le patron. A un moment donné, je lui ai demandé où il se trouvait ce à quoi elle m'a répondue qu'elle n'en savait rien et que ce n'était pas son problème. 

          

Pour le rendez-vous j'ai choisi en plus d'opter pour une jupe noire légèrement moulante façon cuir, j'ai un chemisier rose pale avec pour détail un tour de cou et j'ai repris mes escarpins. Mais voilà, j'aurais tout autant pu rester en jogging et m'asseoir à mon bureau puisque personne ne vient pour moi. Je me donne jusqu'à 11 heures 30 pour partir de cette fichue salle d'attente et commencer à entreprendre un semblant de travail. Ce qui est sûr, c'est que ma colère pour Ayden ne cesse de s'accroître et ma haine envers Madame Dean ne décroisse sûrement pas. 

A 11 heures 23 précisément, Ayden arrive enfin. Vêtu d'un costume noir et d'une chemise blanche, il fronce les sourcils quand il m'aperçoit au loin. Ce que je peux au moins lui concéder, c'est qu'il est réellement beau ce matin. Ces cheveux châtains relevés en arrière sur sa tête semblent incroyablement doux et ses yeux bruns dégagent beaucoup d'émotion. 

- Bonjour April. Ne me dis rien... le rendez-vous était aujourd'hui c'est ça ? m'annonce-t-il sans plus de considération. 

J'aimerais bien lui crier à la figure que je ne suis pas une vulgaire chose à oublier sur le bord de la route. Mais je me contrôle, je n'ai rien à dire malheureusement c'est lui le chef.

- C'est effectivement ça.

Mais ne t'en fais pas mon cher Ayden, j'adore attendre surtout quand je suis payée, pensé-je sarcastique.

- Je suis navré. Rentre dans mon bureau.

Il ne me jette pas un coup d'œil plus long, si ce n'est pour froncer les sourcils avant de soupirer et de rentrer après moi. Je m'assieds dans le siège en cuir en face de lui pendant qu'il dépose son téléphone et ses dossiers, puis allume son ordinateur. 

- Bon, bon, bon... entonne-t-il.

Le silence est particulièrement gênant. C'est un silence rempli de mots inconnus, puisqu'au final, on ne se connaît pas du tout. 

- Ta première journée s'est bien passée ?

- Oui ça va, je me suis organisée principalement.

- Tu as remarqué beaucoup d'entreprises aux faibles revenus ?

- Je ne m'y suis pas encore penchée, réponds-je en baissant les yeux.

Je regarde mes doigts et commence à attraper les peaux mortes autour de mes ongles. Sale manie que je porte depuis mon adolescence. J'ai tenté en vain d'arrêter mais le stress obtient toujours la même réaction. Quand je relève la tête après quelques secondes encore gênantes de silence, Ayden a les yeux braqués sur moi. Je fronce légèrement les sourcils, surprise par cette réaction. Il ne lâche pas son regard mais paraît à la fois perdu dans ses pensées. J'essaie de traduire la grandeur de ses yeux et la profondeur de son regard, mais je ne perçois rien du tout. 

- Je... je vais m'y mettre bientôt, bégayé-je pour rattraper la situation, pensant que le rapport était le travail.

- Non. Non ce n'est rien. Prends ton temps. J'étais ailleurs désolé. 

Je lui souris poliment, je suis assez gênée par la situation et ne sais pas trop comment arranger la situation. Je bouge mes cheveux de plus en plus souvent, les mettant sur mon épaule puis derrière mon dos. Mais il faut que je m'occupe l'esprit car l'atmosphère n'est pas celle qu'elle est censée être. 

- Je dois me rendre à la Goldman Sachs Tower aujourd'hui. 

- A Jersey City ? demandé-je par politesse.

Je n'ose pas le regarder dans les yeux derechef, toujours perturbée. Je ne sais pas pourquoi mais c'est la première fois que je me sens si maladroite face à un homme. J'ai pris pour habitude face aux hommes un comportement détaché de toute émotion que je ne contrôle pas. Mais face à Ayden, c'est un jeu compliqué. Je suis rapidement mal à l'aise. Des beaux hommes j'en ai rencontré des centaines peut-être, mais qui me fassent réagir de cette manière je dois m'avouer que ça n'est jamais arrivé.

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